Al-Ahram Hebdo : Après deux ajournements, le premier satellite égyptien de communication, Tiba-1, a été lancé mardi 26 novembre avec succès. Que signifie sa mise en orbite pour l’Egypte ?
Mohamed Al-Qoussy : Son lancement représente un saut qualitatif important pour l’Egypte dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Ce satellite fournira à l’Egypte un réseau de communication parallèle au réseau terrestre actuel et une infrastructure de télécommunication solide, permettant de fournir sur chaque centimètre de l’Egypte des services d’appel et d’Internet. Les ajournements n’avaient aucun rapport avec le satellite ; le premier était dû à des anomalies techniques à la base de lancement et le deuxième à des conditions météorologiques défavorables. Conçu pour rester en service pendant plus de 15 ans, le satellite sera opérationnel dans trois mois.
— Ce satellite de 5,6 tonnes et d’une puissance électrique supérieure à 9 kW a été développé par les entreprises françaises, Airbus et Thales Alenia Space (TAS). Quel était le rôle de l’Egypte ?
— La mise en fonction, le suivi et la fixation des missions du satellite sont effectués à 100 % par l’Egypte. L’Agence spatiale égyptienne dirigera le satellite à partir d’un centre de contrôle situé au Caire. Concernant la fabrication de Tiba1, des ingénieurs égyptiens se sont rendus à Toulouse, en France, dans la période de 2016 à 2019, et ont assisté à toutes les phases de sa création.
— Le gouvernement a annoncé que Tiba1 s’inscrit dans le cadre de la stratégie de développement durable 2030 de l’Egypte. Dans quelle mesure le satellite servira-t-il ce plan ?
— La croissance économique ainsi que tout plan de développement dépendent d’un réseau de communication solide. C’est ce qu’offre le nouveau satellite, qui doit fournir des services de communication au gouvernement et aux secteurs commerciaux. Cela soutiendra le processus de passage au numérique en Egypte. C’est dans ce contexte que Tiba1 contribuera largement aux efforts de développement engagés par l’Etat, dispensera des services de communication aux secteurs gouvernemental et commercial et comblera l’écart numérique entre les zones urbaines et rurales. Il contribuera également à l’avancement des secteurs du pétrole, de l’énergie et des ressources minérales, de l’éducation, de la santé et d’autres secteurs gouvernementaux. Par ailleurs, il permettra d’offrir des services de communication à quelques pays d’Afrique du Nord et du bassin du Nil, à la lumière de la présidence égyptienne de l’Union africaine 2019.
— Qu’apportera-t-il en matière de sécurité nationale ?
— Avant ce satellite, l’Egypte louait des fréquences de communication sur un satellite étranger. Ce qui était coûteux et mettait la sécurité du pays en péril, puisque des pays étrangers pouvaient pirater le réseau de communication ou Internet qu’utilisait l’Egypte sur les fréquences louées. Par ailleurs, en termes de lutte antiterroriste, le nouveau satellite permettra à l’Egypte de couvrir des régions éloignées, désertiques ou montagneuses, dans lesquelles se cachent les éléments terroristes.
— Au-delà de ces avantages, Tiba1 vient mettre en relief les progrès réalisés par l’Egypte dans le domaine de la technologie spatiale. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
— Nous travaillons dans le domaine spatial depuis les années 2000. En 2007, l’Egypte a entamé des démarches sérieuses pour implanter la technologie spatiale dans le pays, dont la coopération avec des pays avancés en la matière. Entre autres l’Ukraine, où, en 2007, 64 ingénieurs égyptiens ont été formés pour acquérir de l’expérience dans le domaine de la fabrication des satellites de télédétection. Ces ingénieurs travaillent actuellement dans le programme spatial égyptien et ont réussi, en août 2019, à lancer un petit satellite fabriqué à 100 % par des Egyptiens. L’Egypte travaille aussi avec la Chine depuis septembre 2019, sur le développement d’un satellite de télédétection de 330 kg, financé par la Chine et fabriqué conjointement avec l’expertise des deux pays.
(Photo : AFP)
— Pouvez-vous nous parler du programme spatial de l’Egypte ?
— L’agence a élaboré un programme spatial détaillé à long terme, qui définit les priorités. Il est prévu qu’il soit ratifié ce mois par le président de la République en tant que président du Haut Conseil de l’agence et par le premier ministre, qui préside le conseil d’administration de l’agence.
— Quelles en sont les grandes lignes ?
— Il porte sur plusieurs axes, dont la formation et l’entraînement des ingénieurs et des techniciens. Le programme prévoit aussi l’installation des infrastructures technologiques avancées nécessaires en matière de recherche spatiale. Au niveau législatif, le programme prévoit une loi réglementant le travail dans le domaine spatial. A savoir les conditions de l’exercice des activités spatiales et celles de l’accord de licences aux institutions travaillant dans le domaine spatial et les conditions de travail de l’astronaute et son indemnisation en cas d’accident ou de perte.
— Quelle est l’importance d’une cité spatiale ?
— La création d’une cité spatiale égyptienne est essentielle pour implanter la technologie spatiale en Egypte et elle devrait voir le jour en 2020. Il s’agira d’un centre d’assemblage et de test de différents types de satellites jusqu’à 750 kg. Les tests de lancement représentent la phase la plus importante de la construction d’un satellite. Par ailleurs, elle sera rentable pour l’Egypte, dans la mesure où elle servira des pays africains et arabes. Ces pays pourront utiliser la cité pour assembler et tester leurs satellites, au lieu de se diriger vers l’Europe, plus éloignée et donc plus chère. La cité sera aussi un centre de formation. On travaille actuellement sur l’assemblage de satellites et de systèmes spatiaux et leur lancement à partir des territoires égyptiens. Jusqu’à présent, nous avons travaillé sur la phase d’assemblage des satellites, mais nous ne pourrons pas procéder à la fabrication locale à 100 % avant l’ouverture de la cité spatiale.
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