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Egypte-Russie-Afrique : Un partenariat multidimensionnel

May Al-Maghrabi, Mardi, 29 octobre 2019

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a coprésidé avec son homologue russe le premier Sommet Russie-Afrique tenu à Sotchi les 23 et 24 octobre, premier pas d'un partenariat prometteur que parraine l'Egypte, à la tête de l'Union africaine et étant donné ses relations privilégiées avec Moscou.

Egypte-Russie-Afrique : Un partenariat multidimensionnel

Le Sommet Russie-Afrique, tenu les 23 et 24 octobre à Sotchi en Russie, a révélé des aspirations communes à un partenariat plus étroit sur la base d’enjeux et d’intérêts mutuels. Une quarantaine de leaders africains ont pris part à ce rassemblement coprésidé par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, en sa qualité de président de l’Union Africaine (UA), avec son homologue russe, Vladimir Poutine. La déclaration finale a esquissé « le cadre de la relance du partenariat entre la Russie et l’Afrique », comme a estimé le président Sissi, lors d’une conférence de presse tenue à la clôture du sommet. Il s’est félicité des résultats de la rencontre qui reflètent « le niveau de coopération croissant entre les deux parties et une volonté politique de renforcer les relations » dans différents domaines, « en instaurant un système plus équitable dans les relations internationales », comme a étayé le président Sissi, au cours d’une séance plénière tenue jeudi 24 octobre.

Des causes auxquelles l’Egypte se consacre en sa qualité de présidente de l’UA mais aussi dans le cadre de l’intérêt qu’elle accorde depuis 2014 à se forger une place plus importante en Afrique. « J’ai eu l’honneur de coprésider ce sommet avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui a joué un grand rôle en sa qualité de président de l’Union africaine à la préparation du forum Russie-Afrique à Sotchi », a, de son côté, loué Poutine. « Sur beaucoup de questions régionales et mondiales, nos positions sont proches, ce qui crée des conditions favorables pour une interaction constructive au sein de l’Onu et d’autres structures internationales », a-t-il dit.

Outre le partenariat économique, les défis sécuritaires en Afrique — un des dossiers prioritaires tant pour Le Caire que pour Moscou — ont été abordés avec les leaders africains. « Le terrorisme, la propagation de l’extrémisme, la criminalité transnationale et la piraterie entravent le développement du continent. Nous estimons qu’il est important d’intensifier les efforts communs dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme », a plaidé Poutine, assurant que son pays allait « lutter contre ces problèmes de manière plus active ». C’est en effet un sujet d’intérêt commun pour les deux pays. « Nous sommes conscients des défis de taille entravant l’instauration de la paix et de la sécurité dans notre continent. C’est pourquoi la lutte antiterroriste figure en tête de l’agenda africain et international », a souligné le président Sissi.

L’Egypte, portail de l’Afrique

Courtisant l’Afrique, Poutine a affirmé que son pays était capable, au minimum, de doubler ses échanges commerciaux avec l’Afrique au cours des cinq prochaines années, rappelant que le volume des échanges commerciaux avec l’Afrique en 2018 a atteint environ 20 milliards de dollars alors que l’Egypte, à elle seule, enregistre 40 % des échanges avec la Russie. D’ailleurs, il a révélé que la Russie prévoyait investir 190 millions de dollars dans divers projets d’infrastructure en Afrique. Une annonce accueillie favorablement par l’Egypte, partenaire-clé de Moscou au niveau régional.

« La Russie est l’un des acteurs les plus importants sur la scène internationale et un des amis les plus importants de notre continent africain », a dit le président Sissi. Il a souligné l’importance des blocs économiques régionaux en Afrique, qu’il a qualifiés de piliers essentiels du développement. « Ces blocs jouent un rôle indispensable pour réaliser l’intégrité entre les pays du continent, afin de pouvoir exécuter des projets d’infrastructure comme les liaisons terrestres et maritimes entre les Etats africains », a souligné le président, jugeant évident d’oeuvrer à moderniser l’infrastructure de l’Afrique, les transports et les télécommunications. A cette occasion, le président a tenu à mettre en relief les réformes actuelles, qui font du continent noir une destination de prédilection. « Nous avons achevé de grandes réformes économiques et politiques, et nous avons pris des mesures tangibles et successives pour assurer le processus de l’intégration économique aux deux niveaux régional et continental », a-t-il dit, citant l’exemple de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLEC), entrée en vigueur lors du sommet de l’Union africaine, tenu au Niger en juillet 2019.

« Le développement en Afrique, l’instauration de la paix et la sécurité ainsi que la réalisation de l’intégration continentale sont des dossiers-clés pour Le Caire, en sa qualité de présidente de l’UA, mais aussi en tant que partenaire régional et africain-clé de la Russie », explique l’économiste Rachad Abdou. C’est dans ce contexte qu’il estime que ce sommet a pavé le chemin à une présence économique et politique plus influente de la Russie en Afrique, et dont l’Egypte sera l’acteur-clé. « Moscou est conscient que Le Caire est son portail pour l’Afrique vu son rôle axial au niveau régional. L’Egypte sera inéluctablement un acteur-clé dans tout plan de coopération afro-russe, notamment en ce qui concerne les projets du développement, les investissements et le commerce », affirme Abdou, se référant au partenariat élargi entre les deux pays et aux méga-projets égypto-russes mis en place et appuyant le rôle égyptien.

Evoquant l’importance du partenariat égypto-russe dans la stimulation de la coopération afro-russe, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Amr Nassar, a indiqué, lors de sa participation au Forum économique Russie-Afrique, que l’exploitation des investissements de la Russie, de son expertise industrielle ainsi que des énormes ressources naturelles dont dispose l’Afrique favorise la création des industries conjointes, à l’instar de la zone industrielle russe à Suez. « Ce genre d’investissements conjoints contribue à développer les économies nationales des pays africains dans la mesure où leurs produits devront satisfaire les besoins du continent africain et l’excès sera exporté », a expliqué le ministre. Moscou a d’ailleurs annoncé qu’il prévoyait de créer des zones industrielles similaires partout dans le monde, couvrant les marchés régionaux et africains les plus prometteurs.

C’est dans ce contexte que Tareq Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, estime que le plus important résultat de ce sommet a été le consensus afro-égypto-russe sur l’importance de relancer la coopération entre les deux parties de façon à servir les enjeux et les intérêts mutuels. « Les deux parties ont formulé les priorités et les axes de cette coopération à tous les niveaux, notamment dans les domaines du commerce, de l’armement et des infrastructures », indique Fahmi. Selon lui, l’avenir de ce partenariat se révèle prometteur pour l’Egypte comme pour le continent noir. « L’Egypte et la Russie partagent le même enjeu de regagner l’Afrique et d’y avoir un rôle plus important même si à chacun ses raisons. Pour Moscou, l’Egypte est la clé du Moyen-Orient, c’est un partenaire avec lequel il est possible de réaliser des avancées politiques, militaires, économiques et commerciales », affirme Fahmi.

Concernant les relations égypto-russes, le sommet a été l’occasion d’aborder plusieurs dossiers bilatéraux dans la reprise des vols russes vers Le Caire. De même, le président Sissi a exprimé à son homologue russe la volonté de l’Egypte d’accélérer la mise en place de la zone industrielle russe dans la zone économique du Canal de Suez qui devrait attirer environ 7 milliards de dollars. Il a de même invité le président russe à venir prochainement en Egypte pour poser la première pierre de la centrale nucléaire d’Al-Dabaa, que la Russie finance à hauteur de 80 %, par le biais d’un prêt accordé à l’Egypte. Mais aussi à prendre part au Forum d’Assouan pour la paix et le développement, prévu les 11 et 12 décembre prochain. « La première édition de ce forum sera une tribune régionale et africaine pour discuter des moyens de réaliser la paix et le développement », a dit le président Sissi invitant le président russe et les leaders africains à y participer.

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