Vendredi 27 septembre, les manifestations contre le président Abdel-Fattah Al-Sissi n’ont pas eu lieu. L’appel à manifester contre le chef de l’Etat, lancé par l’entrepreneur en exil Mohamad Ali n’a eu aucun écho. Mohamad Ali a accusé le président et les forces armées de « corruption et de mauvaise gestion des fonds publics », un fait que le chef de l’Etat a nié en bloc, lors de la Conférence de la jeunesse le 14 septembre, dénonçant une « tentative de semer la discorde entre les Egyptiens et leurs forces armées ».
A travers une série de vidéos postées sur les réseaux sociaux, l’entrepreneur s’était d’abord présenté comme un simple citoyen qui « dénonce la corruption » avant d’appeler à une révolte pour renverser le président. Mais les événements sont allés à l’encontre de la volonté de Mohamad Ali et des Frères musulmans qui ont soutenu ses appels et ont tenté de mobiliser les Egyptiens à travers les réseaux sociaux et surtout les chaînes Al-Jazeera. Al-Jazeera Misr a consacré plusieurs dizaines d'heures d'antenne pour mobiliser les Egyptiens.
Vendredi, Le Caire s'est réveillé sur une scène inédite: des milliers d’Egyptiens soutenant le président et l’armée rue Al-Nasr, à Madinet Nasr, tout près de la tombe du soldat inconnu. Des manifestations très limitées contre le pouvoir ont eu lieu à l’île d’Al-Warraq et à Hélouan, alors que la place Tahrir et les principales autres places de la République n’ont vu aucun rassemblement. La veille des manifestations, un important dispositif sécuritaire avait été déployé pour éviter d’éventuels actes de sabotage ou de terrorisme.
Pas de raisons de s’inquiéter
Selon les observateurs, le rejet par les Egyptiens des appels à manifester reflète leur choix en faveur de la stabilité. Le président Sissi a estimé qu’il n’y avait pas « de raisons de s’inquiéter de ces appels à manifester et que le peuple est aujourd’hui plus conscient des réalités ». Des déclarations faites par le président à son arrivée à l’Aéroport international du Caire, vendredi matin, en provenance de New York, après avoir participé à l’Assemblée générale des Nations-Unies. Le président a surtout mis en garde contre les médias qui font de la désinformation et les personnes qui véhiculent des informations mensongères sur la situation en Egypte. « Le pays avance à pas sûrs sur le bon chemin », a rassuré le président, appelant le peuple à se méfier des complots qui visent l’Egypte et son peuple. « C’est une guerre menée par un petit groupe contre tout un peuple. Ils ne veulent pas le bien et la réussite pour vous », a dit le président Sissi, appelant les médias à sensibiliser la population et à dévoiler les vérités.
Des membres des partis politiques, des artistes et des personnalités publiques ont participé au rassemblement de vendredi. « L’Egypte ne tombera pas », « Non au chaos, non au terrorisme », « Les Egyptiens soutiennent le président Sissi », pouvait-on lire sur des dizaines de pancartes, alors que la foule brandissait les drapeaux de l’Egypte et les photos du président tout en scandant: « Vive l’Egypte ». « Voici les Egyptiens, où est la chaîne Al-Jazeera? », scandaient certains manifestants, dénonçant « la campagne féroce de désinformation lancée par les partisans des Frères musulmans sur les chaînes diffusées à partir de Qatar et de la Turquie ». Dans d’autres gouvernorats, des centaines de personnes sont aussi descendues pour manifester leur soutien au régime. Le député Salah Hassaballah, porte-parole du parlement, et président du parti de la Liberté, affirme que l’afflux des citoyens pour participer aux manifestations en faveur du président a été spontané. « L’idée d’organiser des manifestations de soutien au président, à l’armée et aux institutions de l’Etat a commencé par des appels sur les réseaux sociaux qui n’ont pas tardé à être largement suivis au niveau populaire. Les Egyptiens ont voulu renouveler la confiance au président Sissi, mais aussi défendre le pays contre certains comploteurs qui cherchent à le déstabiliser », indique Hassaballah. De son côté, Hossam Al-Khouli, secrétaire général du parti Mostqbal Watan, estime que les derniers événements ont montré que « ceux qui appellent à une nouvelle révolution n’ont aucune influence sur la rue ». Et d’ajouter que « cette participation massive des Egyptiens aux manifestations favorables au président est un message fort aux détracteurs de l’Egypte à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est la preuve que le peuple soutient l’Egypte et son président et ne se laissera pas piéger par les rumeurs et les tentatives de démoraliser le peuple ».
Selon lui, ces rassemblements ont surtout mis l’accent sur la maturité des Egyptiens qui savent quand et comment soutenir leur pays. Al-Khouli affirme que les Frères musulmans étaient derrière ces appels à manifester contre le pouvoir pour se venger du peuple qui avait refusé leur pouvoir. « C’est un complot cousu de fil blanc et les Egyptiens l’ont avorté. C’est une défaite de taille pour les détracteurs de l’Egypte », ajoute-t-il. Plusieurs raisons expliquent, selon Tareq Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, pourquoi les Egyptiens n’ont pas suivi les appels à manifester contre le président. « Après deux révolutions, qui ont pesé sur l’économie et ont affecté la situation sécuritaire, les Egyptiens sont aujourd’hui devenus plus que jamais convaincus que la stabilité politique est la garantie du développement et de la réforme. D’autant plus que le peuple fait confiance au président.Ses promesses se sont traduites par des réalisations concrètes dans tous les domaines. Des méga-projets de développement créant des milliers d’offres d’emplois ont été lancés », explique Fahmi. Il ajoute que l’Egypte a connu des changements politiques, économiques et sociaux prometteurs. En outre, les forces politiques ne se sont pas mobilisées pour ces manifestations.
D'autre part, le procureur général, le conseiller Hamada Al-Sawi, a ordonné, jeudi, d’ouvrir une enquête sur les événements du vendredi 20 septembre. « 1 000 personnes accusées de participer à des manifestations non autorisées sont interrogées en présence de leurs avocats », a indiqué le communiqué du procureur général, ajoutant que le Parquet examine le contenu des caméras de surveillance sur les lieux où se sont déroulés les rassemblements. Selon le communiqué du procureur général, des manifestants ont reconnu avoir manifesté dans certaines régions dans cinq gouvernorats poussés pour certains par leurs mauvaises conditions économiques.
« D'autres ont affirmé avoir été trompés par des appels sur les réseaux sociaux et expliqué leur volonté de s'opposer au régime. Certains accusés ont reconnu avoir rencontré des inconnus place Tahrir qui les ont incités à filmer la place pour pousser les citoyens à manifester ».
Ces arrestations ont été critiquées par la Haute-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, qui a exhorté les autorités égyptiennes à « changer radicalement leur approche à l’égard de toute future manifestation ».
« Il est inacceptable qu’une telle déclaration soit émise par une entité comme l’Onu, qui doit vérifier l’exactitude de sa déclaration et ne doit pas fonder ses évaluations sur des hypothèses qui vont à l’encontre de la réalité », a répliqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, soulignant que les autorités égyptiennes respectent la loi et traitent l’affaire avec transparence. « Aucun citoyen n’est détenu ou traduit en justice pour avoir critiqué le gouvernement. Si la Constitution garantit le droit de manifester pacifiquement, la loi exige une autorisation préalable des autorités », a précisé le communiqué.
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