Al-Ahram Hebdo : La Fête du paysan est célébrée pour la 67e fois. Comment évaluez-vous le statut des paysans aujourd’hui ?
Hussein Abou-Saddam : Tout d’abord, il faut noter que cette fête est née au moment de la promulgation de la loi sur la réforme agraire à l’issue de la Révolution du 23 Juillet 1952. Cette loi, qui a mis fin au système des grands propriétaires terriens, a fait triompher le droit des paysans à une justice sociale et a instauré une réforme du secteur agricole. Des acquis qui, au fil des décennies, ont toutefois régressé en raison des mauvaises politiques agricoles mises en place. Ce qui a fait, à titre d’exemple, que les superficies cultivées ont diminué à cause de l’urbanisation. Aujourd’hui, le gouvernement accorde plus d’intérêt à ce secteur, qui constitue la colonne vertébrale de la sécurité alimentaire de l’Egypte et un secteur-clé de l’économie égyptienne, représentant 30 % des emplois et 15 % des exportations. Cet intérêt s’est traduit par un plan de réforme du secteur agricole initié par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui a lancé un projet de culture de 4 millions de feddans, dont un million et demi ont été cultivés jusqu’à présent. Par ailleurs, grâce à l’utilisation de nouvelles technologies pour augmenter la productivité des terrains, l’Egypte produit 98 % des semences de céréales, et nous espérons que les semences de légumes et de fruits, que l’Egypte importe à plus de 90 %, seront prochainement produites localement. De nombreux soutiens ont été octroyés aux paysans pour les aider à surmonter la situation économique qu’ils traversent à cause de l’augmentation des prix de ce dont ils ont besoin pour cultiver.
— Dans le cadre de ce plan de réforme, une « carte intelligente », de la taille d’une carte de crédit, doit être remise aux paysans. De quoi s’agit-il exactement ?
— Fondée sur une base de données numérique, cette carte est délivrée par le ministère de l’Agriculture et renferme, pour chaque paysan, les informations concernant les terrains qu’il possède, les méthodes d’agriculture utilisées, etc. Cela permettra au gouvernement de connaître plus facilement les besoins de chaque paysan, comme la quantité de semences ou la quantité d’eau nécessaire pour l’irrigation.
— Pourquoi les paysans revendiquent-ils l’application d’un système d’agriculture contractuelle ?
— Pour garantir une commercialisation juste des produits agricoles et éviter les pertes. Ce genre de système assure la coordination entre les agriculteurs d’une part et les acheteurs — que ce soit du secteur public ou privé — d’autre part, pour ce qui est des genres de denrées cultivées, des prix et des quantités. Sans cette coordination, le paysan se retrouve souvent manipulé par les acheteurs, qui lui imposent des prix bas, sachant qu’il est obligé de vendre ses récoltes à n’importe quel prix pour éviter qu’elles ne soient avariées. Le système de culture contractuelle organisera la relation entre les deux parties en déterminant d’avance tous les détails. Par ailleurs, ce système fixera des conditions relatives à l’importation des denrées, pour protéger la culture locale de la compétitivité.
— Au niveau des droits sociaux, quelles sont les principales revendications des paysans ?
— En tête de nos revendications figure la création d’un syndicat officiel pour les paysans, apte à représenter leurs intérêts et à améliorer leurs conditions de vie. Un projet qui traîne depuis longtemps. Environ 50 millions de paysans ne disposent pas jusqu’à présent d’une entité syndicale apte à leur assurer le droit à une assurance retraite, à une assurance médicale ou à un soutien professionnel, pour augmenter la productivité agricole. Le gouvernement a approuvé un projet de loi sur la création d’un premier syndicat pour les paysans, qui a été transmis au parlement, qui ne l’a pas discuté jusqu’à présent. A l’occasion de la fête des paysans, nous appelons le gouvernement et le parlement à se pencher sur ce dossier important.
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