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Ayman Abdel-Wahab : L’Egypte estime que le Nil doit être une source de coopération et de développement, et non de conflit

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 20 août 2019

Ayman Abdel-Wahab, spécialiste des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, évoque les futures négociations entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan concernant le barrage éthiopien de la Renaissance. Entretien.

Ayman Abdel-Wahab

AL-Ahram Hebdo : L’Ethiopie a récemment informé Le Caire de sa volonté de reprendre les négociations suspen­dues sur le barrage éthiopien de la Renaissance. S’agit-il d’une volonté sincère de parvenir à un consensus sur ce dossier contro­versé ?

Ayman Abdel-Wahab : La balle est dans le camp de l’Ethiopie. Depuis leur suspension en 2017, l’Egypte a appelé maintes fois à une reprise sérieuse des négociations techniques sur les impacts de la construction du barrage de la Renaissance sur le quota de l’Egypte dans les eaux du Nil. Mais le côté éthiopien a beau­coup tergiversé. Aujourd’hui, en affichant une volonté de reprendre les négociations tripartites, il faut les effectuer sur des bases déterminées. C’est pourquoi le ministre de l’Irri­gation et des Ressources hydriques s’est rendu, début août, au Soudan et en Ethiopie, pour présenter la vision de l’Egypte sur les dispositions qui devraient régir les négociations en ce qui concerne le remplissage et le fonctionnement du barrage.

— En quoi consiste exactement cette vision ?

— La position de l’Egypte repose sur le respect de l’accord de prin­cipes signé entre l’Egypte, l’Ethio­pie et le Soudan en mars 2015. Dans cet accord, les trois pays ont conve­nu de prendre toutes les mesures garantissant que le remplissage et le fonctionnement du barrage éthio­pien ne nuisent pas aux droits des pays en aval, dont l’Egypte et le Soudan, concernant l’eau du Nil. En vertu de cet accord, l’Ethiopie ne peut pas entamer le remplissage du barrage avant de s’entendre avec l’Egypte. Lors de sa visite en Ethiopie, le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques a appe­lé au respect des recommandations du bureau-conseil et des résultats du rapport final du comité tripartite, qui a recommandé des études supplé­mentaires sur le barrage.

— Quel cours prendront, selon vous, les négociations, marquées auparavant par une tergiversation du côté éthiopien ?

— Cette tergiversation éthio­pienne a été la principale cause de la suspension par l’Egypte, en 2017, des négociations techniques tripar­tites. Aujourd’hui, c’est à l’Ethiopie de faire preuve de bonne volonté pour parvenir à un accord. Ceci en reconsidérant sa position intransi­geante au sujet du rapport technique préliminaire rédigé par le bureau-conseil.

— Comment l’Egypte pourra-t-elle obtenir des résultats positifs pendant ces négociations ?

— L’Egypte doit oeuvrer à accélé­rer le rythme des négociations qui traînent depuis de longues années, alors que les travaux de construction du barrage vont bon train. Pour ras­surer le côté éthiopien, l’Egypte doit, par ailleurs, coopérer avec l’Ethiopie en matière de projets hydriques, alimentaires et d’électri­cité. Il s’agit de transformer les points de litige en points de coopéra­tion.

— Suivant les pas de l’Ethiopie, d’autres pays du bassin du Nil n’ont pas caché leur intention de construire des barrages sur le fleuve. S’agit-il d’une menace pour l’Egypte ?

— Tout d’abord, il faut souligner que l’Egypte ne s’oppose pas au droit d’autres pays du bassin du Nil au développement, tant que cela ne nuit pas à sa sécurité hydrique. Au contraire, l’Egypte estime que le Nil doit être une source de coopération et de développement, et non de conflit. Confirmant cette conviction, le ministre de l’Electricité et des Energies renouvelables, Mohamad Chaker, a participé, vendredi 26 juil­let, à la cérémonie de pose de la première pierre du projet de barrage hydroélectrique de Rufiji, en Tanzanie, l’un des plus grands bar­rages hydroélectriques d’Afrique de l’Est. Il s’agit de l’un des dizaines de projets hydriques auxquels participe l’Egypte avec des pays du bassin du Nil. Concernant la controverse sur la construction et le remplissage du barrage de la Renaissance, elle remonte aux débuts de la construc­tion sans consultation préalable de l’Egypte. Des raisons qui justifient les craintes de l’Egypte de voir son quota dans les eaux du Nil affecté, alors qu’elle souffre déjà d’une pénurie hydrique. D’où l’impor­tance de parvenir à une sorte d’ac­cord modèle sur le barrage de la Renaissance, qui puisse devenir une référence pour la construction d’autres barrages sur le Nil.

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