D’importants dispositifs ont été mis en place en prévision d’une diminution de la crue des eaux du Nil, évaluée à 5 milliards de m3 pour la saison de crue actuelle. Cette dernière a commencé début août et durera trois mois. Le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, Mohamad Abdel-Ati, a précisé qu’il s’agissait de prévisions et que le plan du ministère était préventif. « Il est encore trop tôt pour évaluer l’intensité de la crue au cours de cette année hydrique. Des comités techniques suivent et recensent les quantités d’eau et le cours de la crue. Ce qui n’empêche pas le ministère de se préparer à tous les scénarios possibles », a déclaré le ministre. A noter que le Soudan témoigne actuellement de fortes inondations qui ont causé de graves dégâts.
Dans le cadre de ces préparatifs, le ministre a rencontré cette semaine le comité de régulation des eaux du Nil, chargé de suivre la crue dès le début de l’année hydrique, d’élaborer des rapports sur les pluies au niveau du plateau éthiopien et sur le niveau du Nil bleu (qui fournit environ 85% de l’eau de l’Egypte) et de préparer différents scénarios pour faire face aux inondations et pour couvrir les besoins en eau du pays. Iman Al-Sayed, présidente du secteur de la planification au ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques, a indiqué que la baisse prévue ne signifie pas que « l’intensité de la crue est inférieure à la moyenne, mais inférieure à celle de l’année dernière. Elle n’affectera pas la sécurité hydrique du pays ».
La saison de la crue du Nil commence début août, mais les préparatifs du ministère ont été lancés dès le mois de juin. Il s’agit de travaux de maintenance du Haut-Barrage, de suppression des empiètements sur le cours du Nil et de ses branches, du nettoyage et de la maintenance de quelque 117 évacuateurs de crue ainsi que de la vérification de la performance du lac Nasser, dans lequel s’accumule l’eau de crue.
Par ailleurs, des mesures urgentes ont été prises pour surveiller régulièrement les niveaux des réservoirs des barrages à partir du Soudan et jusqu’au Haut-Barrage via des images satellites, en plus de la surveillance des bulletins météorologiques et des pluies au Soudan et au niveau du plateau éthiopien. Pour rappel, au cours des dix dernières années, le gouvernement a dépensé 10,5 milliards (mds) de L.E. pour le développement des barrages et des réservoirs sur le Nil.
Pas de source d’inquiétude
Abbas Chéraki, expert hydrique au Centre des recherches africaines de l’Université du Caire, note que la baisse prévue de la crue ne s’est pas encore confirmée et qu’elle n’est pas inquiétante. Concernant ses causes, il explique que le cycle du Nil s’est modifié à la suite des changements climatiques. Dans le temps, le cycle du fleuve était de 21 ans, divisés en 7 années d’intensité forte, 7 années d’intensité moyenne et 7 ans d’intensité faible. Mais cela fait 9 ans que l’Egypte connaît une faible intensité de la crue du Nil. « C’est seulement les deux dernières que nous avons eu une intensité rassurante, au-dessus de la moyenne, qui a compensé les années de faible intensité. Cette année, même si la crue ne sera pas forte, les quantités d’eau en moins seront compensées par le stock stratégique au lac Nasser, derrière le Haut-Barrage, dont la capacité est de 162 milliards de m3 », rassure Chéraki, soulignant que le rôle du lac Nasser est justement de compenser les déficits d’eau.
Les eaux stockées dans le lac sont souvent utilisées en cas d’importantes baisses des quantités d’eau ou de sécheresse dus à la faible intensité de la crue, comme c’était le cas au cours des dernières années. Des pluies torrentielles compensent chaque année l’eau utilisée, comme l’indique l’expert. Il ajoute que l’Egypte dispose de 4,2 mds de m3 supplémentaires par an sous forme d’eaux souterraines et côtières dessalées et de pluies. De plus, quelque 24 mds de m3 d’eau sont réutilisés après traitement. « L’Etat devra travailler, dans la période à venir, à augmenter la quantité d’eau traitée, afin de pouvoir élever la moyenne annuelle de consommation de l’eau en Egypte, qui atteint 560 m3 par personne, alors que le pourcentage international est de 1 000 m3 par personne », indique Chéraki.
Rationaliser est la solution
En prévision de toute baisse possible des quantités d’eau pendant la saison de crue annuelle, le ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques a élaboré un plan portant sur quatre axes: l’amélioration de la qualité de l’eau, la rationalisation de son utilisation, le développement des ressources en eau en coopération avec les pays du bassin du Nil et la sensibilisation à l’importance de la rationalisation de l’eau. A cet égard, Gamal Seyam, professeur d’économie agricole à l’Université du Caire, estime que les systèmes traditionnels d’irrigation utilisés, notamment dans la vallée et dans le Delta, gaspillent beaucoup d’eau. Des terrains où, selon Seyam, il est difficile d’appliquer les systèmes d’irrigation par aspersion ou le goutte-à-goutte.
Afin de rationaliser l’eau, le gouvernement met en place dans ces régions le projet de « l’irrigation développée », basée sur l’utilisation d’eau traitée. 250000 acres ont été couverts en 2018. Seyam explique que ce projet permettra d’économiser environ 15% d’eau. Une acre consommant 5000 m3 d’eau par an, il sera donc possible d’économiser environ 950 m3. Par ailleurs, il explique que les cultures avides en eau gaspillent de grandes quantités d’eau souterraines dans les zones désertiques comme à Wadi Al-Natroun, où les cultures comme celles des bananes utilisent environ 16 000 m3 d’eau par an. Il trouve donc évident d’avoir une stratégie intégrale concernant les superficies cultivées, les genres des denrées et les moyens d’irrigation les plus rationnels.
Une vision partagée par le député Sabri Youssef, membre de la commission de l’agriculture et de l’irrigation au parlement, qui souligne l’importance du plan gouvernemental mis en place. « Même si la situation hydrique en Egypte n’est pas si critique, il faut ménager les ressources hydriques, qui sont limitées. D’où l’importance qu’accorde le gouvernement à combler tout déficit hydrique », conclut-il.
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