16 heures. Devant la mosquée historique de Sayeda Zeinab au Caire, des milliers de manifestants sont prêts à entamer leur marche. Sur un air de kermesse, plusieurs voitures équipées de haut-parleurs diffusant des chants patriotiques accompagnent les manifestants qui ont bloqué l’avenue Port-Saïd près du centre-ville. Cartons rouges (à l’intention du président) et bouteilles d’eau sont distribués aux participants. La marche avance aux rythmes des tambours battus par de jeunes gens. Destination : place Tahrir. La chaleur torride n’a pas empêché femmes, hommes, jeunes et enfants de ce pèlerinage spécial.
Sur la route, presque tous les balcons arborent les drapeaux rouge, blanc, noir. Les habitants saluent les manifestants et scandent avec eux les slogans. Difficile de préciser l’appartenance politique de cette masse d’Egyptiens. Des forces révolutionnaires ? Des vrais ? De gauche? Des feloul ? Peu importe. Ce qui les unit, c’est leur colère contre un régime qui n’a pas tenu ses promesses, qui n’a rien fait pour améliorer leurs conditions.
Soucieux d’éviter toutes dissensions, les manifestants ignorent les slogans lancés de temps en temps contre la police ou l’armée. « Les Frères veulent gâcher notre deuxième révolution en semant la zizanie parmi nos rangs. Tantôt en parlant de feloul infiltrés, tantôt en envoyant des intrus pour scander contre les policiers et les militaires. C’est un piège auquel nous sommes très attentifs », prévient Héba, une jeune manifestante.
Vêtu d’un t-shirt sur lequel on lit « J’aime l’Egypte », Ahmad Taha, membre du parti libéral Al-Dostour jubile : « Regardez les foules, tous les Egyptiens sont dans la rue. C’est cette deuxième révolution qui remettra les choses sur les rails ». Taha sait bien pourquoi tout ce monde est là : « Pain, liberté et justice sociale, tels ont été les objectifs de la révolution du 25 janvier 2011, pour lesquels beaucoup de jeunes ont versé leur sang et sacrifié leur vie. Mais depuis, les choses ne vont que de mal en pis ». Et d’assurer : « Aujourd’hui, l’Egypte renaîtra à nouveau sur la place Tahrir ».
Un souhait que partagent tous les manifestants. « Les Egyptiens sont sortis pour libérer leur pays de la poigne des Frères et des terroristes. Nous ne partirons pas avant le départ de Morsi », promet Salwa, femme au foyer venue en famille.
« C’est la première fois que je participe à une manifestation parce que cette fois-ci, il ne s’agit pas de querelles politiques mais d’un pays occupé. Et nous sommes prêts à sacrifier notre vie pour le libérer », dit-elle sur un ton aussi coléreux que déterminé. Elle rattrape la marche en scandant « Les Egyptiens sont là, où sont les Frères ? ».
Nouvelle complicité
Devant le QG de la sécurité du Caire, des camions de police affichent aussi des cartons rouges. Un jeune se dirige vers un officier et s’écrie : « Le peuple et la police, une seule main ». Aucun rapport avec les manifestations d’antan brutalement réprimées par les forces de l’ordre.
Une nouvelle complicité qui encourage les protestataires à poursuivre leur lutte. « Si la police et l’armée nous soutiennent, qui faut-il craindre ? Tout le monde a lâché les Frères, tout ce qu’il nous faut pour l’emporter c’est un peu de persévérance », dit un manifestant quadragénaire.
Arrivés à destination vers 18 heures, les manifestants trouvent la place Tahrir déjà pleine à craquer. Hourras, slogans via haut-parleurs se mêlent au bourdonnement des hélicoptères qui viennent lâcher des drapeaux, avant de disparaître sous un tonnerre d’applaudissements. « L’armée est du côté du peuple. Elle le défendra jusqu’au bout contre le régime des Frères musulmans », dit un manifestant. Pour lui, « l’armée c’est la force qui protège le droit. Dans cette phase critique, son intervention est une nécessité » .
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