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Syndicats indépendants : La loi assouplie

May Atta, Mardi, 11 juin 2019

La commission de la main-d'oeuvre au parlement vient d'approuver des amendements relatifs à la loi sur les syndicats ouvriers, entrée en vigueur en 2018. Objectif : faciliter la création des syndicats indépendants.

La commission de la main-d’oeuvre au par­lement a approuvé, lundi 10 juin, des amendements relatifs à la loi sur les syndicats ouvriers, entrée en vigueur en 2018, amende­ments qui doivent à présent être discutés au parlement. Ils visent à assouplir les conditions qui régissent la création des syndicats ouvriers indépendants en réduisant le nombre d’ouvriers requis pour former un comité syndical, un syn­dicat général ou une union syndicale.

Les amendements autorisent la création d’un comité syndical à partir de 50 ouvriers, contre 150 dans la loi en vigueur. Quant aux usines ou entreprises comprenant moins de 50 ouvriers, ils ont le droit de former un comité syndical avec d’autres usines au niveau de la ville ou du gou­vernorat. Toujours selon les amendements, un syndicat général peut être formé à partir de l’union d’au moins 10 comités syndicaux regroupant au moins 15 000 membres, contre 20 000 actuellement. Enfin, les conditions de création d’une union syndicale ont aussi été assouplies : elle doit être composée d’au moins 7 syndicats généraux comprenant 150 000 membres, contre 200 000 jusqu’à présent.

Ces amendements ont pour objectif de facili­ter les procédures relatives à la création de syn­dicats ouvriers indépendants figurant dans la loi en vigueur. Cette dernière a été promulguée en 2018. Pendant 60 ans, l’Union générale des syndicats ouvriers était le seul organe officiel auquel tous les syndicats devaient adhérer. Celle-ci compte près de 5 millions d’ouvriers sur 27 millions, les 22 millions restants étant des ouvriers de petites entreprises et usines privées ou du secteur informel qui ne font pas partie d’un syndicat. C’est dans ce contexte que la nouvelle loi est venue répondre aux revendica­tions des syndicalistes, qui réclamaient un plura­lisme syndical.

Grâce à la nouvelle loi, les syndicats indépen­dants ont pour la première fois mené des élec­tions syndicales en mai 2018. Une expérience moyennement réussie, vu les difficultés qu’ont connues les syndicats indépendants créés avant la promulgation de la loi à ajuster leurs statuts aux nouvelles dispositions. Sur 800 comités syndicaux indépendants, seuls 108 ont vu leur statut régularisé par le ministère de la Main-d’oeuvre. « Les amendements de la loi consti­tuent une étape positive en faveur du mouvement ouvrier, visant à soutenir le pluralisme syndi­cal », se réjouit Mohamad Wahballah, vice-pré­sident de la commission de la main-d’oeuvre au parlement. Il souligne que les amendements prennent en compte toutes les remarques et recommandations de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Rappelons que l’OIT a, à maintes reprises, critiqué l’Egypte à cause des restrictions en matière de libertés syn­dicales, surtout avant la promulgation de la loi sur les syndicats ouvriers en 2018.

Combler les failles

Plusieurs cadres syndicalistes saluent les amendements tout en réclamant la suppression d’autres obstacles entravant, selon eux, la créa­tion des syndicats indépendants. Tareq Moustapha, à la tête du syndicat indépendant des Employés de l’Organisme de l’impôt foncier à Qalioubiya, juge le nombre minimal de 15 000 ouvriers issus de 10 comités syndicaux pour la création d’un syndicat général exagéré. « Puisque le nombre exigé pour la création d’un comité est de 50 ouvriers, il suffirait que le syn­dicat général comprenant 10 comités soit formé de 500 ouvriers. Cela permettrait aux syndicats indépendants, pour la première fois, de créer un syndicat général indépendant et, par la suite, de former une union générale indépendante », indique Moustapha. Par ailleurs, il trouve qu’il faudrait revoir les procédures compliquées de régularisation des syndicats indépendants créés avant la promulgation de la loi de 2018.

D’autres difficultés risquent d’entraver la création de syndicats indépendants parmi les ouvriers du secteur privé. C’est ce qu’indique Khaled Al-Feqi, vice-président du conseil d’ad­ministration de l’Union Générale des Syndicats Ouvriers (UGSO). Selon lui, même si la loi sur les syndicats ouvriers comprend une clause autorisant tout ouvrier à adhérer à la formation syndicale qu’il choisit et interdit le licenciement et la discrimination salariale à l’encontre des ouvriers pour leurs activités syndicales, dans certaines entreprises ou usines, des hommes d’affaires exercent des pressions sur les ouvriers. « Certains ouvriers de ce secteur qui veulent adhérer à un syndicat indépendant subissent des pressions indirectes de la part de leurs patrons. Ces pressions peuvent aller jusqu’au licencie­ment, ce qui prive des millions d’ouvriers de ce secteur du droit de choisir la formation syndi­cale à laquelle ils veulent adhérer », note Al-Feqi.

C’est pour cette raison que Rahma Réfaat, cadre ouvrier, est d’avis que la nouvelle loi sur le travail, en cours d’élaboration, doit renfermer davantage de garanties pour les ouvriers contre le licenciement arbitraire. « Les termes vagues du projet de loi sur le travail permettent de licencier, pour des raisons indéterminées, les ouvriers, et ce, en l’absence d’une peine répres­sive contre les patrons qui emploient une main-d’oeuvre sans contrat donnant la liberté aux patrons de les licencier. Le projet de loi sur le travail prévoit une amende de 10 000 L.E. seulement par personne employée sans contrat », conclut Réfaat.

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