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D’une pierre plusieurs coups

Nada Al-Hagrassy, Lundi, 27 mai 2019

Le gouvernement s’apprête à lancer un nouveau système de collecte et de recyclage des déchets solides. Objectif: éviter l'entassement des ordures, valoriser le recyclage et créer des emplois. Explications.

D’une pierre plusieurs coups
En modernisant les usines de recyclage, le gouvernement vise à augmenter sa capacité de production d'engrais organiques de 160 à 460 tonnes. (Photo:Adel Anis)

Les préparatifs vont bon train pour la mise en vigueur d’un nouveau sys­tème de collecte et de ges­tion des déchets solides. La semaine dernière, le président Abdel-Al-Fattah Al-Sissi s’est réuni avec les ministres de l’Environnement, du Développement local et de la Production militaire pour examiner cette question. Le chef de l’Etat a exigé que le nouveau système soit adopté le plus vite possible, de façon à remédier efficacement à l’entasse­ment des ordures dans les rues, notamment dans les zones surpeu­plées. Le président a de même souli­gné l’importance de profiter de l’ex­périence allemande dans le domaine de la gestion et du recyclage des déchets solides pour se doter d’un nouveau système efficace et moderne de recyclage. « Le président a passé en revue avec les ministres concernés les mesures prises ces derniers mois pour préparer le lancement du nou­veau système de collecte et de ges­tion des déchets solides », a déclaré Bassem Radi, porte-parole de la pré­sidence, à l’issue de cette réunion.

Radi a expliqué que le nouveau système est basé sur trois principaux axes: la réforme des infrastructures (la modernisation des équipements des usines de recyclage et la ferme­ture des dépôts d’ordures aléatoires), la révision des contrats de collecte d’ordures ainsi que la modification du cadre institutionnel du système de collecte et de gestion des déchets solides, pour y inclure le secteur privé via la création d’une compa­gnie holding. Outre la résolution du problème des ordures devenu chro­nique, l’adoption de ce nouveau sys­tème permettra de lutter contre le chômage en « offrant 1,25 million d’emplois aux jeunes, tout en aug­mentant le revenu national de 6 mil­liards de L.E. », a déclaré Mohamad Al-Assar, ministre de la Production militaire.

Se conformer aux normes environnementales

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Le rôle des chiffonniers ne changera pas dans le nouveau système. (Photo :Moustapha Emeira)

Le premier axe de ce nouveau sys­tème est la réforme des infrastruc­tures. Il s’agit de moderniser les équipements des usines de recyclage, de fermer les dépôts d’ordures aléa­toires et de créer des stations inter­médiaires fixes et mobiles de tri des déchets, qui soient conformes aux normes internationales. A cet égard, le ministère de la Production mili­taire a déjà construit 36 stations intermédiaires fixes et 56 stations mobiles où est effectué le tri des déchets avant de les transporter vers les usines de recyclage. En parallèle, les travaux sont en cours pour la création de plusieurs sites destinés à enterrer les déchets dangereux et non recyclables, et qui soient conformes aux critères environnementaux et sanitaires.

D’ailleurs, les ministères de l’En­vironnement et de la Production mili­taire ont commencé par moderniser les deux usines de recyclage de Bella et de Sidi Salem dans le gouvernorat de Kafr Al-Cheikh, afin d’augmenter leur capacité de recyclage de 160 à 460 tonnes. Et ceci, en leur fournis­sant des équipements fabriqués par l’industrie militaire afin de produire, pour la première fois, des engrais organiques et de l’énergie verte. Une réforme qui implique, selon la ministre de l’Environnement, Yasmine Fouad, « la formation du personnel de ce secteur aux meilleures méthodes de tri. Et ceci pour augmenter au maximum le pro­fit tiré du recyclage des ordures ».

Créer une compagnie holding

Le second axe du nouveau système est la création d’une société holding regroupant tous les acteurs concernés (formels et informels) par la collecte et le recyclage des ordures. Le gou­vernement travaille sur cet axe en coopération avec le parlement. La société holding verra le jour en 2019-2020. « Un projet de loi est actuelle­ment en préparation pour définir les droits et les devoirs de chaque acteur au sein de cette nouvelle entité insti­tutionnelle », explique Ahmad Badawi du projet national de recy­clage des déchets solides. Et d’ajou­ter: « Cette société holding facilitera l’élaboration des contrats de travail pour les différents partis concer­nés. Et ceci, en définissant le rôle et la responsabilité de chaque partie travaillant dans le cadre du nouveau système. Ce qui permettra par la suite de déterminer la responsabilité de toute défaillance éventuelle dans le fonctionnement du système et la qualité des services offerts », sou­haite Badawi.

Le troisième axe, le plus important de ce système, porte sur la nature des contrats conclus pour la collecte des ordures. Selon la ministre de l’Envi­ronnement, le gouvernement étudie actuellement les détails des contrats qui seront conclus avec les sociétés chargées de la collecte et du tri des ordures. « Les contrats devraient déterminer la somme que les gens payeront pour financer les opéra­tions de collecte, de tri et de trans­port des déchets vers les usines de recyclage. Ces contrats fixeront aussi le tarif des sites d’enterrement des ordures », a déclaré la ministre de l’Environnement. Avant d’ajouter qu’il est vital de fixer proprement les tarifs de fonctionnement de chaque étape pour éviter tout conflit comme ce fut le cas avec les sociétés étran­gères. Pour rappel, le gouvernement avait conclu en 2001 des contrats avec des sociétés étrangères pour la collecte des ordures. Une expérience qui a duré presque une dizaine d’an­nées, mais s’est soldée par un échec. Le conflit d’intérêt entre ces sociétés et les chiffonniers informels a mené à l’échec de cette expérience. Ces sociétés ont refusé de collecter les déchets organiques non recyclables et, par conséquent, non profitables pour elles.

Eviter les défaillances

Le ministère de l’Environnement organise actuellement un débat social avec les chiffonniers du secteur informel dont certains sont scep­tiques quant à la rentabilité pour eux du nouveau système. Ezzat Naïm, vice-doyen du syndicat des Chiffonniers, souligne que la partici­pation des chiffonniers du secteur informel à ce nouveau système doit garantir leurs droits et surtout ne pas porter atteinte à leur gagne-pain. « C’était notre principal désaccord avec les sociétés étrangères de col­lecte des ordures qui voulaient s’em­parer des matières recyclables et nous laisser les ordures organiques qui ne servent à rien. Par consé­quent, le système a échoué et le pro­blème d’entassement des ordures persiste. Aujourd’hui, en établissant un partenariat entre nous et le gou­vernement, il faut parvenir à une formule équilibrée garantissant nos droits dans les revenus des déchets solides recyclables », insiste Naïm.

A cet égard, l’expert environne­mental, Magdi Allam, affirme que l’inclusion des chiffonniers dans le nouveau système évitera « tout conflit d’intérêt, comme auparavant, entre le secteur formel et celui infor­mel dans le domaine de la collecte des ordures et permettra de mener un travail plus organisé pour nettoyer les rues et maximiser les profits du recyclage des déchets solides ». D’ailleurs, il explique que l’une des raisons de la défaillance du système en place de collecte des ordures a été le tri primitif. « Le ramassage des ordures coûte à l’Etat annuellement environ 10 milliards de L.E., alors que des tonnes de déchets solides ne sont pas exploitées. Il est doncimpor­tant de former les chiffonniers aux méthodes avancées de tri d’ordures et de leur fournir des équipements modernes de tri », ajoute Allam. Il estime que l’une des défaillances dont il faut éviter la répétition, c’est de faire la séparation entre la collecte des déchets en tant que service néces­saire et le recyclage en tant qu’indus­trie rentable. « Pour faire réussir le nouveau système, les deux volets doivent aller de pair et servir l’un l’autre. Cela veut dire que la priorité ne doit pas être accordée à la col­lecte des matières recyclables. Les revenus du recyclage couvriront les frais du service de propreté des rues, un des principaux enjeux du nouveau système », explique l’expert.

Sur la même longueur d’onde, la députée Chérine Farrag, qui avait présenté plusieurs interrogatoires au parlement sur l’échec du gouverne­ment à trouver des solutions à l’en­tassement des ordures dans les rues, se dit optimiste quant à ce nouveau système. « Si ce système est correcte­ment appliqué, il réduirait les pro­blèmes de santé causés par l’inciné­ration des ordures dans les rues. Il augmentera également le revenu national puisque l’Egypte produit 100 millions de tonnes d’ordures annuellement. Les revenus du recy­clage de cette grande quantité d’or­dures profiteraient beaucoup au pays. Mais tous ces acquis dépen­draient de l’application correcte du système », conclut la députée qui a initié l’idée des kiosques d’achat des déchets pour encourager les citoyens à faire le tri chez eux, notam­ment dans les quartiers populaires et défavorisés.

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