Al-Ahram hebdo : Le choix de l’Egypte pour la tenue du premier Sommet arabo-européen est certainement significatif. Pourquoi ?
Bahaa Mahmoud: C’est un message sur le poids et le rôle axial de l’Egypte sur les échiquiers régional, africain et international. Cette importance s’est traduite par la grande participation européenne et arabe à cette rencontre et par l’agenda surchargé de dossiers épineux qui y ont été discutés. Sur un autre volet, l’Egypte est aux yeux de l’Europe un pays modèle qui a réussi à faire face à deux de ses principaux défis, à savoir la lutte antiterroriste et la lutte contre la migration illégale. Deux dossiers hautement prioritaires pour les Européens.
De même, ce sommet est considéré comme un nouvel élan pour l’Egypte sur les plans politique et économique. L’Egypte est devenue pour l’Europe un marché prospère pour ses investissements. Il est donc envisageable que les pays de l’Union Européenne (UE) multiplient leurs investissements en Egypte.
— L’Egypte étant un partenaire de premier rang de l’UE, comment ces relations privilégiées peuvent-elles contribuer à la résolution des crises régionales ?
— L’Egypte reste un médiateur principal entre les parties arabes et la communauté internationale. Ses relations avec les deux côtés favorisent donc une meilleure coordination en vue de parvenir à un soutien maximum de la part des pays européens sur les dossiers prioritaires arabes, à savoir les crises régionales et la lutte contre le terrorisme. D’autres pays arabes, qui traversent des crises ou qui sont en proie à des conflits armés, comme la Syrie, la Libye ou le Yémen, ont aussi besoin d’une action européenne en leur direction en termes de résolution des conflits ou de développement.
— Comment évaluez-vous l’approche égyptienne sur le dossier de la migration qu’a étalé le président lors de son discours ?
— Le président Sissi est bien conscient que la migration irrégulière via la Méditerranée demeure la principale source d’inquiétude pour les Etats européens. Ceux-ci cherchent à trouver un terrain d’entente avec leurs voisins arabes, qui sont des pays de transit et/ou d’origine des migrants. C’est pourquoi le président estime que le développement des pays d’origine de ces migrants est la voie la plus sûre pour faire face à ce phénomène. Ceci passe par la création d’emplois. En trouvant un travail digne, ces jeunes ne partiront pas, et en même temps, ceci peut contribuer au développement de ces pays, dont certains sont en difficulté. De son côté, l’UE a commencé à changer de politique vis-à-vis de la gestion de la crise migratoire. Auparavant, les pays européens optaient pour la solution sécuritaire pour lutter contre l’entrée de clandestins. Ils se sont ensuite rendu compte que cette approche est insuffisante. En même temps, il y a une autre approche: des aides au développement destinées aux pays de départ pour dissuader les jeunes de partir.
— Arabes et Européens ont, chacun, leurs propres priorités et leurs propres visions. Quels sont les dossiers qui nécessitent davantage de concertation entre les deux parties en vue de plus de rapprochement ?
— S’il n’existait pas de divergences dans les points de vue entre les pays arabes et les pays européens, ce sommet n’aurait alors pas eu lieu. C’est à travers un dialogue ouvert que les deux camps peuvent parvenir à un terrain d’entente aux sujets de controverse.
— Mais l’absence de recommandations à la fin de ce sommet n’est-elle pas signe de désaccord ?
— Absolument pas, car on ne s’attendait pas à ce qu’il en résulte des recommandations. Ce sommet était une rencontre pour l’échange des vues et pour la discussion entre deux grandes forces mondiales, à savoir les pays européens et les pays arabes. Leur rencontre visait à exposer les dossiers d’intérêt commun et à envisager des solutions à venir. Il n’était pas question de prise de décision pour une affaire quelconque.
— A travers ses discours inaugural et de clôture, quels messages le président Sissi a-t-il envoyés ?
— Le président a insisté sur la nécessité de travailler en commun pour la résolution des crises régionales qui ont des répercussions directes sur le Moyen-Orient aussi bien que sur l’Europe. Il s’agit, pour lui, de « transformer le Moyen-Orient d’une région de crises en une région de prospérité ». Le président a également insisté sur la nécessité d’élargir la coopération en matière de lutte antiterroriste. Un autre message porte sur le refus de l’Egypte de toute ingérence dans les décisions judiciaires .
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