La police assure qu'elle restera neutre durant les manifestations du 30 juin.
Au sein de leur club dans le quartier de Madinet Nasr, les policiers se sont réunis jeudi pour définir la position des forces de sécurité lors des manifestations programmées par l’opposition le 30 juin pour réclamer la démission du président Mohamad Morsi. Cette réunion a fait suite à la tenue une semaine auparavant d’une « assemblée générale extraordinaire » en présence de plus de 35 000 policiers, lesquels ont confirmé leur « alignement sur les manifestants pacifiques » et se sont engagés à « ne plus reproduire les erreurs du passé » quand la police n’était qu’un « outil de répression dans les mains du régime ».
« En principe, la police est une institution civile dont le rôle est de veiller sur l’ordre et la sécurité. Si auparavant l’appareil sécuritaire a été instrumentalisé au profit du régime, aujourd’hui on a décidé de se consacrer uniquement à nôtre rôle sécuritaire », affirme Hicham Saleh, porte-parole du Club des policiers.
« Les policiers n’accepteront plus de payer la facture d’une mauvaise gestion du pays, une gestion qui multiplie les crises politiques et les contestations populaires », renchérit le colonel Oussama Hamed, membre de l’assemblée générale du club.
Le ministère de l’Intérieur, qui a toujours nommé le conseil d’administration du club, a permis pour la première fois en avril dernier aux officiers d’en élire les membres. Avant d’obtenir ce droit, qui a transformé le club en une sorte de syndicat, les officiers avaient, au lendemain de la révolution de janvier 2011, créé plusieurs formations officieuses leur permettant de défendre leurs droits et d’exprimer leurs positions indépendamment du ministère. Ces « unions » ont par la suite intégré le club ainsi « démocratisé ».
Les policiers veulent jouer leur rôle
Mais pour beaucoup de policiers, il ne s’agit pas d’un conflit avec le ministère. « Nous ne sommes pas en guerre avec le ministère de l’Intérieur auquel nous appartenons, on s’oppose simplement à certaines politiques incompatibles avec notre rôle essentiel », explique Amr Ahmad, un jeune officier. Ces politiques consistent notamment à impliquer les policiers dans des conflits qui ne sont pas les leurs. « Le policier est toujours représenté par les médias comme un être barbare qui réprime les manifestants. Ceci a beaucoup nui à la relation entre la police et les citoyens. Le pouvoir doit trouver des solutions politiques et non sécuritaires. A titre d’exemple, ce n’est pas aux policiers de faire face aux contestations massives déclenchées à cause des dernières nominations de gouverneurs. Nous voulons sortir de l’équation politique », demande le colonel Oussama Hamed.
De son côté, le ministère a adopté le discours des officiers, en promettant de rester « neutre » lors des manifestations de la fin du mois. Lors d’une réunion avec le département de la sécurité centrale samedi, le ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, a déclaré que le ministère s’emploierait à protéger les manifestants contre les « intrus » et a donné l’ordre à la police antiémeutes de s’abstenir de tout usage de la force contre les manifestants pacifiques.
Toutefois, les forces politiques restent sceptiques quant à l’engagement du ministère à s’abstenir d’attaquer les manifestants anti-Morsi. La nouvelle attitude prônée à la fois par les policiers et par leur ministère ne s’est pas encore concrétisée sur le terrain. Deux ans après la révolution, les contestations contre les brutalités policières ne s’arrêtent pas. Au cours des protestations récentes, les manifestants avaient encore été battus, avaient essuyé des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Le 30 juin marquera-t-il un tournant ? C’est ce que souhaitent les manifestants ... sans trop d’illusion.
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