Le parlement a approuvé le projet de loi sur la réconciliation avec les autorités municipales en cas d’infraction en matière de construction qui « ne met pas en danger le bâtiment ». Composé de 11 articles, le texte vise à résoudre le problème de certaines constructions illégales. Selon les chiffres du ministère du Développement local, entre 2000 et 2017, environ 1,8 million d’infractions ont été commises en matière de construction. Face à cette situation, le projet de loi prévoit des solutions pragmatiques permettant de gérer le phénomène sans nuire aux habitants des immeubles. Selon le gouvernement, la loi prend en considération les dimensions sociales, économiques et administratives.
Le texte rejette la réconciliation dans les constructions illégales établies sur des terrains agricoles — sauf si elles forment des blocs de bâtiments habités par un grand nombre de personnes —, sur des terrains soumis aux dispositions de la loi sur la protection des antiquités et sur des terrains appartenant à l’Etat ou qui interfèrent avec les affaires de l’armée. Ces infractions sont passibles d’une peine de prison jusqu’à 5 ans en vertu de l’article 102 de la loi n° 119 sur la construction.
En ce qui concerne la construction d’étages supplémentaires sans permis, mais qui ne représentent pas de danger, la construction sur des terrains privés sans la permission des municipalités, l’installation d’infrastructures non autorisées et le changement sans permission du statut du bâtiment (de logement à local commercial ou vice-versa), le projet de loi donne aux propriétaires un délai de six mois pour présenter une demande de réconciliation au gouvernorat, à compter de la date de publication de la charte exécutive de la loi. Des commissions techniques, composées de trois architectes du secteur public ainsi que d’un représentant du ministère de l’Intérieur, seront formées dans chaque gouvernorat. Celles-ci seront chargées de vérifier la nature de l’infraction et le montant de l’amende dans un délai de quatre mois. Si la commission juge que les normes de sécurité sont respectées, le propriétaire se verra infliger une amende comprise entre 50 et 2 000 L.E. par m2, selon le niveau du quartier dans lequel se trouve le bâtiment en question.
L’article 8 du projet de loi affirme que 39 % du montant des amendes collectées seront consacrées aux projets d’infrastructure, notamment les réseaux de drainage sanitaire et d’eau potable, 25 % iront au Fonds de logement social et 1% aux fonctionnaires des commissions techniques, alors que le reste ira au Trésor de l’Etat. Le député Magued Topia propose que les amendes soient payées à crédit sur 10 ans, à raison d’un montant mensuel variant entre 150 et 500 L.E. selon les capacités de la personne. « Sans modalités permettant de faciliter le paiement des amendes, la loi n’aura aucun effet », souligne Topia.
Une solution provisoire
Certains députés et experts s’opposent au concept de la réconciliation sur les infractions en matière de construction, craignant qu’il n’encourage le phénomène. Afin d’éviter un tel scénario, le texte approuvé stipule de manière claire et nette que la réconciliation ne s’applique pas aux futures contraventions. Par ailleurs, la réconciliation en vertu de la nouvelle loi se limitera aux infractions commises jusqu’au 22 juillet 2017, date des photographies aériennes effectuées par les forces armées, dans le but de recenser les quartiers populaires et les zones informelles construits sur des terrains agricoles.
Ces photos ont aidé les autorités à déterminer dans quels cas il peut y avoir réconciliation avec les propriétaires qui ont construit sur des terrains agricoles. « Il s’agit d’une loi provisoire qui sera mise en vigueur jusqu’à la promulgation d’une nouvelle loi unifiée sur la construction et réglementant les normes, les sanctions et les procédures relatives à la construction », indique le député Khaled Abdel-Aziz, vice-président de la Commission du logement au parlement. Il souligne qu’avec le projet de loi, le gouvernement entend apporter une solution pragmatique aux infractions pour ce qui est des constructions existantes. « A quoi sert-il de démolir un bâtiment construit illégalement et de chasser ses habitants, s’il ne représente aucun danger ? Dans ce cas, mieux vaut recourir à la réconciliation et utiliser la somme des amendes pour installer des réseaux d’eau potable, d’électricité et de drainage sanitaire dans les quartiers pauvres », estime Abdel-Aziz. Selon lui, les citoyens ne doivent pas subir les conséquences de la défaillance d’un système qui a favorisé ce genre d’infractions. Il s’agit en outre de s’attaquer sérieusement à la crise du logement, à la corruption au sein des municipalités et à l’absence de contrôle pour freiner l’expansion des constructions illégales.
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