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Egypte: La révolution syrienne soutenue, utilisée

Gamila El-Tawila, Mardi, 18 juin 2013

Saluée par les partisans de Morsi, la décision de rompre les relations diplomatiques avec la Syrie est dénoncée par l’opposition comme une manipulation de l’opinion publique. L'armée, elle, rejette une implication directe dans le conflit.

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L'Egypte s'est officiellement rangée du côté des rebelles syriens. (Photo: Reuters)

L’annonce par le président Mohamad Morsi de la rupture des relations avec Damas est un double message destiné, selon des analystes, à courtiser les pays arabes et occidentaux opposés au régime de Bachar Al-Assad, mais aussi à s’assurer le soutien d’une tranche de la population égyptienne en invoquant la dimension confessionnelle de la crise syrienne.

Dans un discours devant des milliers d’islamistes rassemblés dans le stade du Caire pour une conférence de « Soutien à la Syrie », le président Morsi a déclaré samedi soir avoir rompu « définitivement » les relations avec le régime syrien. « Le chargé d’affaires égyptien à Damas sera rappelé, et l’ambassade syrienne au Caire sera fermée », a annoncé le chef de l’Etat, sous les applaudissements de l’audience.

« Morsi a adopté la position américaine dans le conflit en Syrie et tente de plaire à Washington en l’aidant au Proche-Orient », affirme Imane Ragab, du Centre d’études politiques et stratégiques d’Al-Ahram. « Il espère qu’ainsi les Américains fermeront les yeux sur la manière dont le régime pourrait faire face aux grandes manifestations de l’opposition », assure-t-elle.

Ces déclarations rangent également l’Egypte encore plus fermement au côté des pays arabes les plus opposés à Damas, en particulier le Qatar, très proche du régime du président Morsi, à qui il apporte un soutien financier décisif pour faire face à une sévère crise économique.

La décision présidentielle est également intervenue quelques jours après un durcissement de la position des Etats-Unis vis-à-vis du régime syrien.

Avec ces prises de position, le président Morsi, en proie à une vague de contestations qui pourraient culminer lors des manifestations populaires prévues le 30 juin, entend aussi regagner du terrain sur la scène intérieure. Il a ainsi choisi de se présenter en défenseur d’une grande cause arabe et musulmane en dénonçant l’intervention du Hezbollah chiite libanais aux côtés des troupes syriennes. Le président pourrait chercher notamment à séduire l’importante partie de la population attirée par le discours des salafistes, détracteurs virulents du régime de Damas.

En Syrie, en proie à une guerre civile, étant dominée par la minorité alaouite, une branche du chiisme à laquelle appartient le président Assad, le conflit prend de plus en plus une tournure confessionnelle entre les partisans du régime et les rebelles, majoritairement sunnites. Jeudi dernier, d’influents oulémas sunnites de plusieurs pays arabes, dont l’Egypte, ont appelé depuis Le Caire à mener la « guerre sainte » contre le régime en Syrie. Des appels auxquels les Frères musulmans ont apporté leur soutien.

Khaled Al-Qazzaz, secrétaire aux Affaires étrangères du président Morsi, avait de son côté assuré que le gouvernement n’empêchait pas les Egyptiens de se porter volontaires en Syrie, surtout pour des opérations de secours. L’assistance du groupe chiite à Assad risque de « transformer ce conflit en un conflit confessionnel qui pourrait déborder sur la région entière », a-t-il déclaré à la presse. « Le droit de voyager ou la liberté de voyager ou de prendre certaines positions sont ouverts pour tous les Egyptiens. Mais nous n’appelons pas non plus les Egyptiens à partir combattre en Syrie », a-t-il assuré.

Effet contraire

Des milliers d’Egyptiens avaient défilé au lendemain de ces appels au Caire contre le régime syrien, lors d’une manifestation placée sous le slogan « Soutien au peuple syrien » et organisée par des partis et des mouvements islamistes.

Mais cet enthousiasme que les islamistes ont cru exploiter à leur compte a eu un effet contraire sur une tranche importante des Egyptiens qui voient d’un mauvais oeil cette escalade avec « un pays arabe frère ». Au-delà de cette dénonciation populaire, l’armée a aussitôt pris ses distances avec les déclarations du président Morsi où il l’avait implicitement impliquée. « L’Egypte, sa nation, son gouvernement et son armée n’abandonneront pas le peuple syrien avant d’obtenir ses droits et sa dignité », avait déclaré le président.

Une source militaire citée dimanche par l’agence officielle Mena avait réagi en affirmant que « l’armée égyptienne assure uniquement la protection de l’Egypte et la sécurité nationale, elle n’interviendra pas dans les affaires internes d’autres pays et ne se laissera pas entraîner dans des conflits régionaux ».

Prié d’évaluer le risque sécuritaire que pourraient poser à leur retour en Egypte ces « vétérans de Syrie », le ministre de l’Intérieur Mohamad Ibrahim a assuré ne pas avoir des statistiques précises sur le nombre d’Egyptiens en Syrie, du fait qu’ils s’y rendent habituellement via la Turquie. « A leur retour, ils seront immédiatement placés sous stricte surveillance, et nous réagirons à la moindre activité pouvant menacer notre sécurité nationale », a néanmoins affirmé le ministre qui s’exprimait lundi soir sur la chaîne privée CBC.

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