L’augmentation de la population de 2,5 millions d’habitants par an et le risque de pénurie d’eau mettent l’Egypte face à un défi alimentaire majeur.
Le pays souffre d’une déficience hydrique de 21,5 milliards de m3, selon les chiffres du ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques. Et ce, car le quota de l’eau du Nil pour l’Egypte est de 55,5 milliards de m3, alors que le taux réel de la consommation est de 77 milliards de m3, dont 85% sont destinés à l’agriculture.
L’une des solutions à ce problème est la culture sous serre. De même, l’installation de 100000 serres a été lancée. « Il s’agit du plus grand projet de serres agricoles au Proche-Orient », a affirmé le président Abdel-Fattah Al-Sissi le 22 décembre 2018, lors de l’inauguration de la première phase du projet, comprenant 7100 serres installées sur 34000 feddans, dans la ville du 10 Ramadan.
Le président a souligné que les produits issus des serres ne seraient pas exportés et ne seraient utilisés que pour répondre à la demande intérieure. Au terme de cette première phase, 20000 serres seront construites dans 4 gouvernorats, dans la région de Hammam, la ville du 10 du Ramadan, dans le gouvernorat de Charqiya, Abou-Sultan et le village d’Amal dans le gouvernorat d’Ismaïliya. Elles devraient permettre la culture de 1,5 million de tonnes de légumes par an et créer 75000 emplois.
Ce projet colossal porte sur l’installation de 100000 serres sur 1,5 million de feddans dans différents gouvernorats, dont Minya, le Sinaï ainsi que Halayeb et Chalatine à la frontière avec le Soudan.
L’objectif est d’atteindre une autosuffisance agricole, de rationaliser l’usage de l’eau et de créer des emplois.
D’autre part, la production légumière et florale sera exclusivement bio. La « Compagnie nationale pour l’agriculture protégée », qui dépend de l’Autorité du service national des forces armées, en coopération avec des entreprises chinoises et espagnoles, est en charge d’exécuter ce projet. Par ailleurs, les forces armées dispenseront des stages de formation aux paysans pour les initier à la culture sous serre.
Le secteur agricole en Egypte a besoin de développement. Il constitue un secteur-clé de l’économie égyptienne, avec 30% des emplois et 15% des exportations. De même, la culture sous serre représente une solution adaptée pour augmenter la productivité agricole de l’Egypte, estiment les experts.
Par ailleurs, cette option permettrait de palier un autre problème: le recul de la superficie des terres cultivables. En cause, la construction excessive sur les terrains agricoles. C’est pourquoi Refaat Khedr, ancien directeur du Centre des recherches agricoles, trouve en l’installation des serres une réponse idéale. « La serre n’occupe que 1/10 de la superficie du feddan, soit 400 m2, alors qu’elle donne dix fois plus qu’une culture ordinaire en ne consommant que 40% de la quantité d’eau consommée par un feddan. L’utilisation de systèmes d’irrigation économisant l’eau dans l’agriculture est extrêmement importante », indique Khedr, ajoutant que les cultures protégées ne nécessitent pas l’usage d’insecticides et protègent les cultures des aléas climatiques. « Avec cette technique agricole, l’Egypte pourra donc produire des fruits sans polluants. D’ailleurs, le gaz carbonique produit par le chauffage, réintroduit dans la serre, permettra d’améliorer la photosynthèse des plantes et favorisera la culture des légumes et des fruits durant toutes les saisons de l’année », souligne l’expert.
Raëf Temraz, vice-président du comité de l’agriculture au parlement, souligne, quant à lui, que la culture des légumes et des fruits sous serre permettra de dégager plus de superficie de terrains pour la culture de denrées de base comme le blé, le maïs et la canne à sucre. « Par exemple, la production du blé, dont l’Egypte est le deuxième importateur dans le monde, pourra augmenter de 30%, ce qui permettra de compter davantage sur la production locale », aspire Temraz.
Gérer la hausse des prix des semences
Autre avantage, les serres permettront aussi de remédier au coût élevé des semences, comme l’affirme Mohamad Farag, membre de l’Association égyptienne des producteurs agricoles. Il rappelle que l’Egypte dépense un milliard de dollars par an dans l’achat de semences, dont 90 % sont importées. « Car les études ont prouvé que le contrôle des facteurs climatiques dans les serres permettait la production de semences. Dans ce domaine, l’Egypte pourra profiter de l’expérience de la compagnie espagnole des serres Méridien, travaillant en Egypte, produire ainsi localement les semences et améliorer leur qualité », estime Farag. Il ajoute qu’ainsi, comme l’a affirmé le président de la compagnie espagnole, « l’Egypte pourra réaliser son autosuffisance en semences d’ici 10 ans ».
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