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L’éternel dilemme des tok-toks

May Atta, Mardi, 11 décembre 2018

Le gouvernement a temporairement interdit l'octroi de nouvelles licences pour les tok-toks, dont le nombre a explosé en Egypte. Une tentative de contrôler une situation devenue de plus en plus difficile à gérer.

Réuni récemment avec les gouverneurs au siège du ministère du Développement local, le premier ministre, Moustapha Madbouli, a ordonné l’arrêt temporaire de l’octroi de nouvelles licences pour les tok-toks, « afin de réduire les effets négatifs qui résultent de la propagation incontrôlée de ces tricycles ». Le chef du gouvernement a expliqué que l’Etat avait fait preuve d’une certaine flexibilité concernant la permission de circulation des tok-toks dans certaines zones nécessitant de tels moyens de transport. « Cependant, de récentes études ont mis en garde contre l’augmentation du nombre de jeunes qui en ont fait leur métier plutôt que de s’engager dans d’autres emplois sérieux qui pourraient contribuer au développement et à la construction du pays », a ajouté le premier ministre, qui n’a pas manqué d’invoquer les dangers que représentent les tok-toks pour les enfants mineurs, qui travaillent également dans ce domaine et qui dépensent de manière incontrôlée leur argent vu leur jeune âge.

Pour sa part, le ministre du Développement local, Mahmoud Chaarawi, a indiqué que le ministère recevait sans arrêt des demandes de licences, mais que l’octroi de celles-ci sera désormais interrompu, conformément aux instructions du premier ministre, tout comme l’importation de tok-toks et de pièces de rechange, et ce, afin d’en limiter l’utilisation.

Les chiffres sont, en effet, frappants : selon l’Organisme national pour la mobilisation et le recensement (CAPMAS), à la fin de l’année 2016, on dénombrait 3,1 millions de tok-toks dans les rues d’Egypte, dont 99 000 seulement avaient une licence de circulation. Des chiffres qui sont, sans aucun doute, encore bien plus élevés aujourd’hui.

Le député Hammam Al-Adli, président de la commission des propositions et des plaintes, a salué la décision de Madbouli, soulignant qu’il était temps de freiner ce phénomène qui a explosé en Egypte. « La situation est devenue chaotique. Ces tricycles circulent un peu partout dans le pays, sans permis et sans contrôle. Il faut donc que le gouvernement prenne son temps cette fois-ci pour réglementer et contrôler leur circulation », a-t-il expliqué.

Ce n’est pas la première fois qu’on essaie de mettre de l’ordre dans le domaine des tok-toks. En novembre 2007, le gouvernement d’alors avait pris la décision d’interdire la circulation des tok-toks. Or, suite à des manifestations de chauffeurs, la décision avait été annulée. En 2011, après la révolution du 25 janvier, la situation est devenue plus chaotique que jamais. Les tok-toks, qui ne circulaient que dans les ruelles des quartiers populaires, se sont propagés sur les ponts, la corniche et même sur les grandes artères. En 2014, le ministère de l’Industrie a annoncé l’arrêt de l’importation des tok-toks. Une décision qui n’a non plus pas tardé à être annulée. Le ministère du Développement local a alors appelé tous les gouvernorats du pays à organiser le processus de l’octroi de licences et de déterminer leurs lignes de circulation et de stationnement conformément à une loi modifiée en 2014.

Un moyen de transport très utilisé

Le gouvernement pourra-t-il, après toutes ces tentatives, réaliser une avancée dans cette affaire ? La tâche ne semble pas facile. Le tok-tok est devenu un moyen de transport important pour les citoyens, surtout ceux qui habitent les régions informelles. Pour les habitants de ces quartiers, le tok-tok est rapide, pratique et bon marché, ce qui stimule les craintes de certains députés concernant l’application de la décision de Madbouli.

Pour Mohamad Al-Husseini, membre de la commission des municipalités, le vrai problème est que le gouvernement n’a jusqu’à présent pas mis en place un mécanisme clair pour gérer ce problème. Al-Husseini se demande si le gouvernement compte suspendre l’importation des tok-toks, et pourquoi il n’a pas appliqué cette interdiction en 2014. Il regrette par ailleurs le manque d’informations de base concernant le contrôle de ce phénomène. « Jusqu’à présent, il n’existe pas de statistiques officielles sur le nombre de tok-toks dans chaque gouvernorat, ni d’informations sur les quartiers qui ont besoin de ce moyen de transport », dit-il. Pour lui, la présence des tok-toks est devenue un fait accompli, ce qui fait que l’octroi de licences reste le meilleur moyen de contrôler leur circulation, puisque cela permettra d’arrêter les enfants qui les conduisent ou les conducteurs sans permis. Un avis que partage le député Riyad Abdel-Sattar, membre de la commission des droits de l’homme du parlement, qui craint, lui, que la décision du gouvernement ne fasse augmenter le taux de chômage.

Pour certains, la future nouvelle loi sur la circulation est le seul moyen pour organiser le domaine des tok-toks. C’est ce qu’affirme notamment le général Ahmad Hicham, expert de la circulation, qui souligne que la nouvelle loi sur la circulation, qui sera discutée prochainement au parlement, permettra de résoudre le problème. « La promulgation de cette loi permettra de résoudre plusieurs problèmes. Parmi eux, celui des tok-toks ». La loi imposera des conditions relatives à l’âge des chauffeurs et des lieux où il est permis de circuler. En outre, chaque gouvernorat aura une couleur pour ses tok-toks. En cas de violation, des sanctions seront imposées.

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