Dans un revirement subit, l’Italie a opté pour l’escalade avec l’Egypte en ce qui concerne le meurtre de l’étudiant italien Giulio Regini, tué en Egypte en 2016. Le ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, a convoqué, vendredi 30 novembre, l’ambassadeur d’Egypte à Rome et le président de la Chambre des députés, Roberto Fico, a annoncé le même jour que la Chambre entendait rompre tout contact officiel avec le parlement égyptien.
Des mesures d’escalade prises alors que les enquêtes sur le meurtre de Regini se poursuivent en coopération avec les instances judiciaires et sécuritaires italiennes. Mercredi 28 novembre, le procureur général, Nabil Sadeq, s’est réuni avec une délégation des magistrats italiens pour passer en revue les derniers développements des enquêtes en cours. Selon un communiqué du bureau du procureur général, les deux côtés ont présenté les derniers résultats des enquêtes. « La réunion a été marquée par un esprit positif. Le côté italien a présenté au procureur général les résultats de l’examen technique du contenu des images des caméras de vidéosurveillance de la station du métro où se trouvait Regini le jour de sa disparition. A la fin de la réunion, les parties ont convenu de poursuivre la coopération pour identifier les coupables et réaliser la justice », indique le communiqué.
Le ton italien a donc changé subitement et sans justification. Mais le Parquet général égyptien, selon une source judiciaire citée par l’agence officielle Mena, a répondu fermement : « L’Egypte ne peut, en aucun cas, accepter l’ouverture d’une enquête avec des agents égyptiens tant qu’il n’existe pas de preuve tangible. Ce n’est pas la première fois que les instances judiciaires italiennes réclament cette mesure, or, ils n’évoquent que des soupçons ». Selon l'agence de presse italienne ANSA, le Parquet italien veut « ouvrir une enquête contre des agents égyptiens ». De son côté, le parlement a rejeté, dans un communiqué publié vendredi 30 novembre, une escalade injustifiée de la part de l’Italie qui anticipe les résultats des enquêtes. « La décision du parlement italien a été choquante, surtout que les enquêtes s’effectuent avec toute neutralité et transparence. Il ne fallait donc pas anticiper les enquêtes en cours et conclure des résultats infondés. Ces genres de décisions unilatérales ne contribuent pas à faire avancer le procès et risquent de porter atteinte aux relations égypto-italiennes distinguées et solides », lit-on sur le communiqué.
Le parlement se penche actuellement, comme l’affirment certains députés, à étudier les moyens de tuer dans l’oeuf une crise qui risque de perturber les relations entre les deux pays. A noter que l’Italie est le premier partenaire commercial de l’Egypte dans l’Union européenne et le troisième après les Etats-Unis et la Chine. Les investissements italiens en Egypte sont à la hauteur de 7 milliards d’euros, alors que le taux d’échange commercial entre les deux pays est de 4,75 milliards d’euros. D’ailleurs, l’Egypte est un partenaire politique important de l’Italie avec laquelle elle coopère sur maints dossiers d’intérêt commun dont en tête la lutte contre le terrorisme et la migration illégale.
Pour rappel, l’étudiant italien Giulio Regini, âgé de 28 ans et qui effectuait des recherches pour une thèse sur les syndicats égyptiens, a été retrouvé mort le 3 février 2016, en bordure d’autoroute dans la banlieue du Caire. Son corps portait les stigmates d’actes de torture. L’affaire Regini avait pesé pour un certain temps sur les relations égypto-italiennes à tel point que l’Italie avait rappelé son ambassadeur au Caire en avril 2016. En septembre 2017, l’Italie a décidé de rétablir son ambassadeur en Egypte et de participer aux enquêtes avec Le Caire.
Selon le député Tareq Radwan, membre de la commission des affaires étrangères au parlement, face à cette escalade italienne, l’Egypte doit opter pour la retenue. « Les relations égypto-italiennes sont importantes pour les deux pays, c’est pourquoi il faut traiter ce dossier avec lucidité. Si le côté italien a des réserves, il n’a qu’à les discuter avec les autorités égyptiennes qui ont déjà coopéré positivement dès le début du procès avec l’Italie et lui ont fourni tous les informations et les documents réclamés », estime Radwan. Il rappelle que le côté égyptien avait répondu à toutes les revendications de l’Italie en ce qui concerne la participation à l’enquête et le fournissement des informations réclamées par les enquêteurs italiens dont les relevés téléphoniques de Regini et les images des caméras de vidéosurveillance du métro et des commerces dans le quartier où vivait Regini. « Or, en l’absence d’informations complètes sur le crime, déchiffrer l’énigme du meurtre de Regini se révèle une tâche ardue qui nécessite plus de temps et surtout de confiance mutuelle. Les autorités n’ont aucun intérêt à protéger le coupable et c’est exclu qu’elles y soient impliquées. On s’appuie donc sur du solide et on n’a rien à cacher », affirme le député. Les jours à venir devront révéler vers où se dirigent les relations entre les deux pays.
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