
Aucun bateau d'immigrants illégaux n'a quitté les ports égyptiens depuis deux ans.
Le premier sommet entre l’Union Européenne (UE) et les pays de la Ligue arabe consacré au dossier des migrations clandestines aura lieu les 24 et 25 février 2019 en Egypte. C’est ce qui a été annoncé la semaine dernière par l’UE. L’objectif est de mettre en place une meilleure coopération entre les deux parties contre les migrations irrégulières vers l’Europe. L’Egypte, qui organisera ce sommet, a été érigée en exemple par le président du Conseil européen, Donald Tusk, pour son action contre les migrations irrégulières vers l’Europe. C’est « le seul pays (d’Afrique du Nord) qui a réussi depuis 2016 à empêcher tout départ de migrants » par voie de mer, avait récemment souligné le chancelier autrichien, Sebastian Kurz. Dans un communiqué, les dirigeants de l’UE ont précisé qu’il s’agissait du « premier sommet réunissant les vingt-huit Etats membres de l’UE et la Ligue arabe ». Les partenariats conclus par l’UE et l'Egypte en juillet 2017 couvrent la lutte contre la contrebande et la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés et visent à renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’UE.
Selon les dirigeants de l’UE, il est évident de renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit, en particulier en Afrique du Nord. Une coopération qui ne doit pas seulement porter sur la migration. Cela doit être plus large et inclure une coopération économique et la création d’emplois. D’ailleurs, dans le cadre de la coopération entre l’Egypte et l’UE en matière de la lutte contre l’immigration illégale, deux accords d'un montant de 135 millions d’euros ont été signés le 18 octobre. Ils portent sur des projets de développement durable destinés à créer des offres de travail aux jeunes et améliorer les conditions de vie des gens.
« L’intérêt qu’accorde l’UE à la coopération avec l’Egypte revient à sa position géographique qui fait d’elle un pays de transit, et ceci, à un moment où les pays européens craignent de voir arriver en masse des réfugiés, des migrants, entre lesquels peuvent s’infiltrer des terroristes », explique le député Mohamad Al- Orabi, président de la commission des affaires étrangères au parlement. Il affirme que le contrôle strict de l’Egypte sur ses frontières maritimes et terrestres a pu empêcher l’infiltration d’éléments terroristes provenant de la Libye, du Soudan, et aucun départ d’immigrants illégaux n’a été recensé depuis deux ans. « Des avancées qui rassurent certes les pays de l’Europe », dit-il.
Quelles formes de coopération ?
Les intérêts mutuels favorisent aussi la coopération égypto-européenne dans ce domaine comme l’estime Ghada Helmi, spécialiste dans la lutte contre l’immigration illégale. Elle indique que cette coopération entre l’Egypte et l’UE porte sur l’axe sécuritaire et celui du développement. Le volet sécuritaire porte sur l’échange d’informations entre les pays, alors que celui du développement inclut le financement de l’UE d’une série de projets et de mini-projets pour les jeunes. « La coopération entre l’Egypte et l’UE émane d’un consensus sur la nécessité de s’attaquer aux racines de ce phénomène pour pouvoir freiner le flux migratoire. L’Europe fournit donc des aides financières à l’Egypte pour mettre en place des projets permettant de créer des chances de travail aux jeunes, et par la suite, éviter qu’ils aient recours à l’immigration illégale. Par ailleurs, pour alléger le fardeau de l’Egypte qui accueille environ 5 millions de réfugiés, les pays européens octroient des aides financières à l’Egypte », détaille Helmi. Selon l’experte, le but des Européens c’est d’étendre des partenariats à tous les pays de l’Afrique du Nord, à l’exemple des accords conclus depuis le pic de la crise migratoire, en 2015, avec la Turquie et la Libye et qui ont contribué à une forte baisse des arrivées sur le continent via la Méditerranée.
Plusieurs sujets de controverse
Si l’Egypte, très coopérative en matière de la lutte contre l’immigration illégale en Europe, devrait accueillir en février prochain le Sommet Europe-Afrique sur les migrations illégales, dont les moyens d’y lutter sont débattus au sein de l’UE même, « pour l’Egypte, il n’est pas question de devenir un pays d’accueil pour satisfaire les pays européens hostiles à l’accueil de migrants ou de réfugiés », comme l’affirme l’avocat Achraf Milad, spécialiste des affaires de migration. Il explique que, pour les pays européens, la lutte contre ce phénomène dépend de deux axes principaux : empêcher le départ des migrants vers l’Europe, axe que l’Egypte a réussi à réaliser depuis deux ans. Le deuxième axe porte sur l’installation des camps de réfugiés, notamment hors de l’Europe.
« Il est prévu que l’Europe exerce des pressions sur l’Egypte dans ce sens. Or, l’Egypte rejette catégoriquement d’installer des camps sur son territoire pour accueillir des réfugiés ou des migrants en provenance d’Europe. Le Caire accueille des réfugiés, mais pas des camps, ils vivent comme les citoyens égyptiens et bénéficient des droits de base comme tout citoyen », affirme Milad. Il rappelle que l’Egypte est signataire de la Convention de Genève de 1951 et de celle de l’Union africaine (1969), en vertu desquelles l’installation de camps impose au pays hôte certaines conditions que l’Egypte refuse. Il s’agit notamment des conditions des droits des réfugiés au travail, aux soins, à la nutrition et à l’éducation. « Avec les circonstances économiques et sécuritaires actuelles, l’Egypte n’est pas en mesure d’assumer un tel fardeau », justifie-t-il. Des points de discorde qui seront discutés au sommet de février prochain. Une occasion pour toutes les parties concernées d’étaler leurs visions sur ce dossier et de tenter de parvenir à un terrain d’entente.
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