Le Conseil des ministres a approuvé, cette semaine, la régularisation du statut de 120 églises et édifices annexes, conformément à la loi sur la construction des églises promulguée fin 2016.
La nouvelle loi détermine les conditions requises pour la construction des églises et la régularisation de celles construites avant sa promulgation. Un comité a été formé en janvier 2017, en vertu de l’article 8 de la nouvelle loi. Il est notamment chargé de vérifier la conformité des lieux de culte chrétiens construits avant l’entrée en vigueur de la loi. Présidé par le premier ministre, le comité regroupe 10 membres dont les ministères de la Défense, de l’Intérieur, du Logement, du Développement local, de la Justice ainsi qu’un représentant du Conseil suprême des antiquités. En octobre 2017, les représentants des trois communautés chrétiennes (orthodoxe, protestante et catholique) s’étaient réunis avec le comité pour la première fois pour présenter les documents nécessaires concernant quelque 3 000 églises construites avant la promulgation de la nouvelle loi, mais ne bénéficiant pas d’un statut légal.
Pour régulariser le statut d’une église, il faut soumettre au comité les titres de propriété du terrain sur lequel est construite d’église et les plans de construction pour que le comité vérifie si l’église répond aux normes fixées par la nouvelle loi. En revanche, le statut de certaines églises construites ne sera pas régularisé. C’est le cas notamment des églises construites dans des quartiers jugés « à risque » par la sécurité et où il y a une probabilité de confrontation confessionnelle, ce qui expose les chrétiens au danger, des églises menacées d’effondrement, celles construites sur des terrains agricoles ou possédés par les forces armées, sur les terrains de l’Etat ou des terrains qui peuvent renfermer des antiquités.
La loi sur la construction des édifices de culte chrétiens, approuvée fin août 2016, a représenté pour les communautés chrétiennes égyptiennes un progrès objectif par rapport aux 10 règles ajoutées en 1934 à la législation ottomane. Ces règles interdisaient notamment de construire de nouvelles églises dans les environs des écoles, des canaux, des édifices gouvernementaux, des voies ferrées et des zones résidentielles. Dans de nombreux cas, l’application rigide de ces règles avait empêché de construire des églises. La députée copte Samia Rafla qualifie la décision sur la régularisation du statut des églises de « triomphe ». « Cela prouve que l’Etat est sérieux dans la défense des principes de citoyenneté garantis par la Constitution. Et là, il faut avouer que depuis son accession au pouvoir, le président Abdel-Fattah Al-Sissi soutient par tous les moyens les droits légitimes des chrétiens », affirme la députée.
Des obstacles à surmonter
Sur la même longueur d’onde, Hafez Abou-Seada, du Conseil national des droits de l’homme, indique que la mise en vigueur de cette loi répond aux textes de la Constitution de 2014 qui garantit la liberté religieuse et la construction des lieux de culte. « La loi sur les églises a été saluée par la communauté chrétienne. Aujourd’hui, il faut surmonter les obstacles qui entravent sa mise en vigueur », pense Abou-Seada. Il explique que les églises construites sans permis avant la promulgation de la nouvelle loi avaient 8 mois, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour présenter les demandes de régularisation de leur statut. « Mais le comité n’a pas fixé de délai pour achever les procédures de régularisation, et seulement 10 % des demandes de régularisation présentées au comité ont été réglées. Et là, il faut avouer que la bureaucratie est l’une des raisons de ce retard », indique Abou-Seada. Mais d’autres estiment que le véritable problème réside dans l’absence de charte exécutive de la nouvelle loi qui détermine clairement les conditions et les procédures. C’est ce qu’estime Ihab Ramzi, avocat copte, qui note que le gouvernement n’a pas émis jusqu’à présent de charte exécutive. « Cela a donné lieu à un état de confusion en ce qui concerne les procédures de régularisation, surtout que certaines demandes ont été refusées sans donner de raisons déterminées. C’est vrai que la nouvelle loi a beaucoup assoupli les conditions de construction des églises, ce qui est positif. Mais pour que la loi se concrétise, il faut revoir les obstacles administratifs et sécuritaires entravant dans certains cas son application sur le terrain », réclame Ramzi.
L’intellectuel copte Kamal Zakher trouve illogique la non-régularisation du statut des églises dans les quartiers dits « à risque ». « Il faut combattre le terrorisme et non pas interdire la construction des églises. La décision de régulariser le statut d’une église doit prendre en compte d’autres critères que la norme sécuritaire, comme la densité de la population chrétienne dans le quartier et le nombre d’églises », conclut Zakher.
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