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Départ d’un chevalier de la gauche

May Al-Maghrabi, Mardi, 04 septembre 2018

Hussein Abdel-Razeq, cadre éminent de gauche, journaliste et syndicaliste, est décédé jeudi 31 août à l’âge de 82 ans. Retour sur son parcours qu’il a dédié à la défense de la justice sociale et des libertés.

Départ d’un chevalier de la gauche

Hussein Abdel-razeq, l’un des fondateurs du parti du Rassemblement (gauche), journaliste renommé et syndicaliste rodé, est décédé jeudi 30 août à l’hôpital militaire d’Al-Maadi des suites d’une longue maladie. Il est parti après un riche parcours politique qui s’est étendu au fil de plus de 60 ans, au cours desquels il s’est toujours aligné du côté de la démocratie, de la justice sociale et des libertés.

Témoin de plusieurs régimes successifs, il ne s’est jamais rapproché du pouvoir. Dans son opposition à des politiques, à des courants ou même à des régimes, Abdel- Razeq n’a jamais été offensif, mais plutôt patriotique, reconnaissant l’importance de conserver l’Etat national et ses institutions. Ce qui lui a fallu l’estime et l’appréciation non seulement du courant de gauche en particulier et de l’opposition en général, mais aussi des symboles des régimes auxquels il s’est opposé.

D’ailleurs, un large parterre de politiciens, journalistes et syndicalistes ont participé, vendredi 31 août, à ses funérailles et lui ont rendu hommage, le qualifiant d’un des plus farouches, mais surtout des plus « nobles figures » de l’opposition.

« C’est une grande perte pour la gauche, pour la presse et pour la vie politique », a déploré Abdel-Ghaffar Chokr, cadre de gauche et vice-président du Conseil national des droits de l’homme. Même regret affiché par l’écrivain Makram Mohamad Ahmad, président du Conseil suprême des médias. « Abdel-Razeq a toujours défendu les libertés, les pauvres, les marginalisés. Des combats qu’il a menés avec toute noblesse et patriotisme », avoue Makram.

Un parcours de militant

Né en 1936 et originaire du gouvernorat d’Assouan, Abdel-Razeq est gradué de la faculté de commerce et de sciences politiques en 1961. Il s’est marié en 1964 de l’écrivaine Farida Al-Naqqach, actuellement rédactrice en chef du quotidien de gauche Al-Ahali. Au début de sa carrière journalistique, dans les années 1970, il a travaillé au quotidien Al-Gomhouriya, mais il en a été licencié pour son opposition à l’ancien président Sadate.

Le même scénario s’est répété à Al-Akhbar. Abdel-Razeq n’a pas donc tardé de réaliser qu’il n’a de place qu’au sein de la gauche. C’est pourquoi il a participé à la création du quotidien de gauche Al-Ahali, dont il est devenu le rédacteur en chef dans la période entre 1982-1987. Il a ensuite fondé le magazine La Gauche.

Son rôle syndical a été incontournable, surtout qu’il avait une large connaissance des législations relatives à la presse. Il a été élu à plusieurs reprises membre du Conseil du syndicat des Journalistes, participant à des combats en faveur de la liberté et de l’indépendance de la presse. C’est surtout en 1995 que Abdel-Razeq a réussi, avec d’autres, à mobiliser contre la loi sur la presse 93 jugée restrictive, obligeant le gouvernement à la retirer.

Membre du comité constituant chargé de la rédaction de la Constitution, il a contribué à la rédaction des articles en faveur de la démocratie et de la liberté de la presse. Au niveau du travail politique et partial, Abdel-Razeq a été l’un des fondateurs du parti de gauche du Rassemblement en 1976.

Le premier clash de Abdel-Razeq avec le régime de l’ancien président Sadate a été en 1977, lorsqu’il a été détenu sur fond de sa participation aux vastes manifestations contre la hausse des prix du pain baptisées « L’Intifada du pain ». Accusé d’appartenance au « parti communiste », hostile aux politiques de libéralisme économique du président Sadate, Abdel-Razeq a été aussi détenu en mars 1981.

Aussi, la position hostile de Abdel- Razeq à la normalisation avec Israël était au centre de ses désaccords avec Sadate qui avait signé l’accord de Camp David avec Israël en 1978. Pour s’y opposer, Abdel-Razeq a participé à la fondation du « comité de la défense de la culture nationale » qui avait pour rôle de former une conscience populaire contre la normalisation.

Sous le régime de l’ancien président Moubarak, Abdel-Razeq n’a pas baissé les bras au cours des 3 décennies de sa présidence. Il a toujours lutté pour une démocratie basée sur un véritable pluralisme politique et une alternance du pouvoir. Abdel-Razeq était notamment opposé à la privatisation du secteur public, défendant les droits des ouvriers, des paysans et des classes défavorisées. Et quand Gamal Moubarak avait apparu sur la scène politique, notamment en 2005, Abdel-Razeq a été parmi ceux qui se sont vivement opposés à l’idée de la transmission « héréditaire » du pouvoir.

Il a écrit, en anglais, un livre intitulé Gamal Moubarak : The Most Influential Politician in Egypt (Gamal Moubarak, l’homme politique le plus influent en Egypte), critiquant son ingérence accrue dans la vie politique.

En 2011, il a participé à la révolution du 25 janvier qui a fait chuter le régime de Moubarak. Mais il a également participé à celle de juin 2013 contre les Frères musulmans. Un long itinéraire qui fait de son départ une vraie perte pour toute la vie politique et non pas uniquement pour le courant de gauche, qui déplore le départ de l’« un de ses piliers ».

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