
La visite du président Sissi au Soudan est la première depuis sa réélection en mars dernier. (Photo : AFP)
La relance de la coopération bilatérale dans plusieurs domaines et les dossiers régionaux ont été au menu du sommet du 19 juillet à Khartoum entre le président Abdel-Fattah Al-Sissi et son homologue soudanais, Omar Al-Béchir. Il s’agit de la première visite du président égyptien au Soudan depuis sa réélection en mars dernier. La dernière visite remonte à octobre 2016. Au cours des quatre dernières années, les deux présidents se sont rencontrés 22 fois. Selon Bassem Radi, porte-parole de la présidence, « les entretiens entre les deux présidents ont porté sur les moyens de redessiner les relations stratégiques entre l’Egypte et le Soudan ». « C’est le premier déplacement du président Sissi à l’étranger depuis sa réélection. C’est là un indice sur l’importance des relations égypto-soudanaises », a ajouté Radi. Les relations égypto-soudanaises s’étaient crispées en 2017, lorsque le président soudanais a accusé l’Egypte de soutenir ses opposants dans les zones de conflit, comme au Darfour. Le différend sur le triangle de Halayeb, près de la mer Rouge, avait aussi pesé sur les relations entre les deux pays.
A son arrivée le 19 juillet, le président Sissi a été accueilli par son homologue Al-Béchir à l’aéroport de Khartoum. Les deux leaders ont ensuite tenu une séance d’entretiens en présence des délégations des deux pays. Lors d’une conférence de presse conjointe tenue à l’issue de la réunion, les deux leaders ont exprimé leur volonté d’établir une « coopération constructive ». Il a été notamment décidé de créer un haut comité de coordination dirigé par les deux présidents et regroupant les ministres des Affaires étrangères des deux pays. Ce comité aura pour mission de relancer les projets de coopération décidés depuis 2016 et d’établir un calendrier pour leur exécution, avant le prochain sommet égypto-soudanais en octobre prochain. « Je remercie le président Al-Béchir pour ses efforts pour renforcer les relations entre nos deux pays. La création de comités chargés de résoudre les problèmes bilatéraux et le lancement d’un certain nombre de projets conjoints, comme celui des lignes électriques reliant l’Egypte au Soudan, témoignent de la profondeur des relations entre nos deux pays », a affirmé le président Sissi. Ce projet, qui permettra de transmettre entre 250 et 300 MW d’électricité de l’Egypte au Soudan, doit voir le jour avant la fin de l’année 2018. Le président Sissi a aussi souhaité que le projet d’une ligne ferroviaire entre l’Egypte et le Soudan soit prochainement mis en place. Les deux présidents ont convenu d’accroître le volume des échanges commerciaux entre les deux pays. Pour sa part, Omar Al-Béchir a déclaré que « les deux pays veulent promouvoir leurs relations dans les domaines de l’économie, du commerce, de la sécurité et de la défense, et éliminer tous les obstacles qui entravent la circulation des personnes et des marchandises ». Le Soudan est la première destination pour les exportations égyptiennes dans la région du Bassin du Nil. Les exportations égyptiennes vers le Soudan se sont élevées à 5,6 milliards de L.E. en 2016, contre 4,2 milliards en 2015, selon les chiffres de l’Organisme central pour la mobilisation et le recensement.
« Je souhaite la réussite de vos efforts et je confirme le plein engagement de l’Egypte à soutenir tous les efforts servant la paix et la prospérité en Afrique », a déclaré le président Sissi, évoquant la récente réconciliation entre l’Ethiopie et l’Erythrée : « L’Egypte continuera son appui pour parvenir à la paix, la stabilité et la coopération constructive avec tous les pays africains ». La capitale soudanaise accueille des pourparlers pour rétablir la paix au Soudan du Sud, déchiré par une guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés. « L’Egypte oeuvre avec ses frères dans la région pour parvenir à une solution politique au Soudan du Sud », a affirmé le président Sissi.
Un rapprochement nécessaire
Les relations entre Le Caire et Khartoum s’étaient refroidies l’année dernière, mais ont témoigné cette année d’une amélioration notable. Amani Al-Taweel, chef du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime que plusieurs raisons expliquent ce changement. « Il y a d’abord les évolutions dans la région de la Corne de l’Afrique, notamment la réconciliation entre l’Ethiopie et l’Erythrée. Ce rapprochement a incité le Soudan à calmer le jeu avec l’Egypte », explique Al-Taweel. Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, détaille cette analyse : « Après la réconciliation avec l’Ethiopie, l’Erythrée veut déployer des forces navales en mer Rouge dans la région de Bab Al-Mandab, ce qui constitue une menace potentielle pour l’Egypte et le Soudan. Le contexte régional actuel impose aux deux pays de coopérer. N’oublions pas que l’Egypte s’inquiète aussi de la présence turque dans l’île de Sawaken en mer Rouge ». Amani Al-Taweel évoque un autre facteur : la situation interne au Soudan. « Le régime d’Al-Béchir fait face à une vague de colère populaire due à la dégradation des conditions économiques. Dans de telles conditions, le Soudan a besoin de l’aide économique de l’Egypte », affirme Al-Taweel.
« Il y a une volonté commune de surmonter les différends. L’expérience de l’Egypte et les ressources naturelles du Soudan favorisent la coopération entre les deux pays », indique pour sa part Hamdi Abdel-Rahman, président du Centre arabe d’études africaines. Et d’ajouter : « La consolidation des relations égypto-soudanaises est extrêmement importante dans la mesure où cela se reflète positivement sur le dossier du barrage éthiopien. Elle est aussi indispensable pour la sécurité de la mer Rouge et celle de la Corne de l’Afrique ». Vision partagée par la politologue Nourhane Al-Cheikh, spécialiste des relations internationales, qui estime que les relations égypto-soudanaises représentent un enjeu stratégique dans la mesure où il s’agit de deux pays voisins partageant les mêmes défis et les mêmes intérêts. « L’instabilité régionale actuelle exige plus de coordination sécuritaire pour contrôler les frontières et empêcher l’infiltration des éléments terroristes. Comme l’a dit le président Sissi, la sécurité du Soudan relève de celle de l’Egypte », conclut la politologue.
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