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Halte à la pagaille des fatwas

May Atta, Mardi, 17 juillet 2018

La commission des affaires religieuses du parlement a donné son aval à deux importants projets de loi qui devraient être votés lors de la prochaine session parlementaire : le premier réglementant l’apparition des hommes de religion dans les médias, le deuxième réglementant le droit à l’émission de fatwas publiques. Objectif : éviter les dérives du discours religieux adressé au public.

Halte à la pagaille des fatwas
Les hommes de religion apparaîtront désormais sur l’écran après l’obtention d’un permis.

La commission des affaires religieuses au parlement a approuvé un projet de loi sur l’organisation de l’émission de fatwas (avis religieux). Le texte sera discuté et voté lors de la prochaine session. A noter que les fatwas publiques concernent les avis de la charia sur des affaires politiques, économiques et sociales telles que les intérêts bancaires, la distribution de l’héritage, le mariage, la déclaration de la guerre, l’établissement de la paix, etc.

Composé de 5 articles, le projet de loi restreint le droit de l’émission des fatwas publiques à quatre instances, à savoir le Front des oulémas d’Al-Azhar, Dar Al-Iftaa, l’administration générale des fatwas du ministère des Waqfs, (biens religieux) et l’Académie de la recherche islamique. En revanche, le projet de loi permet aux imams des mosquées, prédicateurs et enseignants de l’Université d’Al-Azhar d’interpréter les textes religieux et de faire de la prédication sans émettre des fatwas. Selon le projet de loi, toute personne qui ne respecte pas les dispositifs de la loi risque une peine de 6 mois de prison ou une amende qui ne dépasse pas les 5000 L.E. En cas de récidive, la peine sera doublée.

Jusqu’à présent, 2 instances sont officiellement autorisées à émettre des fatwas: Dar Al-Iftaa, dépendant du ministère de la Justice, et la prestigieuse institution sunnite d’Al-Azhar. Ce qui n’a pas empêché des imams des mosquées, des prédicateurs non Azharites et d’autres d’émettre des fatwas incitant à la haine, à la violence et au sectarisme. A tel point qu’il était devenu courant au cours des dernières années de voir sur les écrans un cheikh qui qualifie les coptes d’apostats, ou un autre appelant à multiplier les attaques contre l’armée « mécréante ». Cheikh Yasser Borhami, prédicateur salafiste, est l’un des exemples les plus flagrants de cette pagaille de fatwas menaçant la paix sociale ainsi que la sécurité nationale en prohibant, à titre d’exemple, de féliciter les coptes à leurs fêtes.

D’où l’importance de cette loi, selon Amr Hamrouch, secrétaire de la commission des affaires religieuses au parlement, pour s’attaquer à la propagation de ces avis religieux extrémistes qui ne représentent pas en aucun cas les principes de l’islam, prônant pour la modération et la tolérance. « Il était évident de confier le droit à l’émission des fatwas à des instances religieuses spécialisées et connues par leur ligne religieuse modérée. L’absence de règlements pour l’émission des fatwas a laissé le champ libre à des non-spécialistes et à des personnes optant pour l’extrémisme pour émettre des fatwas erronées et fanatiques », indique Hamrouch.

S’attaquer aux racines du mal

Mais tout le monde ne voit l’affaire du même oeil. Hélmi Al-Namnam, ancien ministre de la Culture, estime que la promulgation d’une telle loi ne suffit en elle seule pour lutter contre la propagation des avis extrémistes. Au niveau de la forme, il trouve qu’il fallait mieux unifier l’instance chargée d’émettre des fatwas. Il propose de l’attribuer exclusivement à Dar Al-Iftaa. « Cette instance religieuse dépend du ministère de la Justice et regroupe des oulémas azharites. Un statut qui revêt ses fatwas d’une valeur à la fois juridique et religieuse », explique Al-Namnam. De même, il trouve que la sensibilisation des gens sur les vrais principes de la religion est aussi un axe important sur lequel les instances concernées doivent travailler. « Le manque de culture religieuse au sein de la société représente un terrain fertile pour la propagation des idées extrémistes. Il faut s’attaquer aux racines du mal », insiste Al-Namnam. Quant à Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, il estime que le problème ne réside pas au niveau des instances, mais plutôt au niveau des livres de jurisprudence islamique remontant à des siècles et dont certains referment des avis religieux fanatiques. « Les fatwas sont en principe basées sur les interprétations des textes religieux et du hadith, des interprétations qui diffèrent d’une école de jurisprudence à l’autre. Il vaut mieux purifier les livres du patrimoine enseigné jusqu’à aujourd’hui à l’Université d’Al-Azhar des idéologies fanatiques et desquels s’inspirent les oulémas en émettant des fatwas », estime Ban. Reste que si tout le monde est d’accord sur la nécessité de contrarier le discours religieux fanatique, ils se divisent sur les moyens de le faire.

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