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Les journalistes et la nouvelle loi

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 12 juin 2018

Le parlement a approuvé la nouvelle loi sur la presse et les médias. Le nouveau texte suscite un grand débat.

Les journalistes et la nouvelle loi
La loi sur la presse a été envoyée au Conseil de l’Etat pour être révisée.

Finalement, et après une longue attente, le parlement a annoncé, lors de sa séance plénière tenue dimanche 10 juin, son approbation de la loi sur la réglementation de la presse et les médias. Celle-ci devra ainsi être envoyée au Conseil de l’Etat pour être révisée avant d’être renvoyée à nouveau au parlement pour approbation finale. Le président du parlement, Ali Abdel-Al, a justifié ce retard par le fait que la loi régissant la presse et les médias est l’une des plus sensibles, devant être étudiée et rédigée avec une extrême prudence.

Composée de 7 chapitres renfermant 109 articles, cette loi vise en premier lieu à organiser et définir le statut et les règles de la presse écrite et des médias audiovisuels. Il s’agit aussi de définir les spécifications des différents organismes de la presse et des médias. C’est d’ailleurs dans ce cadre que cette loi a été séparée de la loi sur l’Organisme national de la presse et celle sur l’Organisme national des médias, qui étaient censées être promulguées dans ce même texte.

La séparation entre ces trois lois était considérée par certains comme une nécessité pour mettre fin aux ambiguïtés et aux chevauchements de l’ancienne loi. C’est ce qu’affirme Karam Gabr, président de l’Organisme national de la presse, qui a salué les termes du nouveau texte. Selon Gabr, la loi est conforme à la Constitution. « Concrètement parlant, il a été prouvé que la loi 92 de l’année 2016 sur l’organisation institutionnelle de la presse et des médias renfermait beaucoup de lacunes résultant du manque de clarté, notamment pour ce qui est des prérogatives spécifiques à chaque organisme et des dispositions de la loi. La loi, dans sa forme actuelle, a réussi à éviter ces incohérences et cet enchevêtrement entre les Organismes de presse ou de médias ».

Un avis que partage l’expert des médias Yasser Abdel-Aziz, qui souligne qu’il était temps de promulguer la loi sur la presse et les médias. « Cette loi vient combler un vide dans la législation de la presse. Cela fait des années que les médias audiovisuels travaillent sans législation qui réglemente les droits, les devoirs et les libertés des journalistes », indique-t-il.

De son côté, le journaliste et député Moustapha Bakri, membre de la commission des affaires constitutionnelles et législatives au sein du parlement, salue le nouveau texte qui, selon lui, a accentué la liberté de la presse et des médias, tout en soulignant que ses articles aideront à enrichir le travail journalistique. « Cette loi protège et garantit le travail du journaliste au sein de son institution et insiste sur la protection de ses relations avec ses sources. Toujours sur le plan des libertés, cette loi garantit les droits acquis par les journalistes concernant l’interdiction de l’emprisonnement dans des délits liés au métier », remarque-t-il.

Ces avis ne sont cependant pas partagés par l’ensemble des journalistes. Pour Mokhtar Choeb, membre de l’assemblée générale d’Al-Ahram, certains articles, même s’ils sont peu nombreux, suscitent des inquiétudes sur l’indépendance de la presse. Choeb, tout comme un bon nombre de journalistes, refuse catégoriquement que la direction des assemblées générales des journaux publics soit présidée par l’Organisme national de la presse comme le stipule l’article 35 de la loi. Autre point critiqué: la composition de l’assemblée générale. Le nouveau texte dit que 11 des membres de l’assemblée seront nommés et ne seront pas issus de l’institution même, contre 6 membres uniquement élus et issus de l’institution.

Il en est de même pour l’article 39 qui porte sur la composition du conseil d’administration, fixé à 6 membres, tous non issus de l’institution en question. « Il s’agit d’une ingérence excessive et injustifiée. Ceci viole l’article 212 de la Constitution qui stipule que les groupes de presse publics appartiennent à l’Etat et non pas à l’Organisme national de la presse. L’application de ces clauses portera atteinte à la presse nationale », explique Choeb.

Le syndicat mécontent

Un avis que partage le secrétaire général du syndicat des Journalistes, Gamal Abdel-Réhim, qui a également critiqué la promulgation de cette loi sans la convocation des membres du syndicat ou de son président. D’ailleurs en réponse, le conseil du syndicat a appelé à une réunion d’urgence: « Il n’est ni normal ni acceptable de rédiger la loi sur la presse et les médias sans recourir au syndicat concerné », dit Abdel-Réhim.

Des accusations niées par le député Ossama Heikal, à la tête de cette commission parlementaire chargée de la rédaction de cette loi, qui affirme que les membres du syndicat ainsi que son président ont été consultés il y a un an sur les termes de cette loi et ils ont présenté leurs propositions, dont certaines ont effectivement été prises en considération lors de la rédaction du texte. Il s’agit notamment de la possible prolongation de l’âge de la retraite des journalistes à 65 ans au lieu de 60 ans, mais à condition que la personne ait passé 20 ans dans son institution, et que les 5 dernières années soient sans interruption (soit sans mise en disponibilité ou congés sans soldes). De même, une autre revendication du syndicat qui a été stipulée par la loi est que dans chaque journal, au moins 70 % doivent être membres du syndicat.

Mais Abdel-Réhim assure que le syndicat a envoyé ses observations sur la loi avant qu’elle ne soit modifiée, il y a presque un an, et que le parlement n’a informé le syndicat de la moindre modification, violant ainsi l’article 77 de la Constitution qui exige la consultation des syndicats professionnels sur les projets de loi les concernant. « Certaines modifications sont indispensables, mais ce n’est jamais trop tard, cette version n’est pas le texte définitif. Nous allons présenter nos commentaires au Conseil de l’Etat et nous espérons qu’ils seront pris en considération dans la version finale de la loi », conclut Abdel-Réhim.

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