Répondant à l’appel du président Abdel-Fattah Al-Sissi aux partis politiques de se rassembler pour former de « grands partis », le parti Mostaqbal Watan (avenir d’une patrie) a annoncé cette semaine sa fusion avec Tous pour l’Egypte, un front qui vise à soutenir le président Abdel-Fattah Al-Sissi. L’objectif est de former un parti majoritaire. Achraf Rachad, président du parti, s’est félicité d’un pas visant à former un parti fort qui soutient le président de la République. « Les partis politiques doivent unir leurs efforts pour le bien du pays », a déclaré Rachad, affirmant que son parti cherche à devenir le parti majoritaire. Mostaqbal Watan a été fondé par des jeunes cadres universitaires dont Mohamad Badran, ancien président de l’Union des étudiants. Il a pris part à la campagne de soutien au président Sissi lors de l’élection présidentielle de 2014.
Cette semaine, plusieurs membres de partis politiques ont démissionné pour adhérer à Mostaqbal Watan. Parmi eux Hossam Al-Kholi, secrétaire général du néo-Wafd, et Alaa Abed, du parti des Egyptiens libres. Une cinquantaine d’autres membres de différents partis leur ont emboîté le pas. Hossam Al-Kholi justifie sa démission du néo-Wafd: « Je suis convaincu que les partis politiques ont besoin d’une restructuration pour se replacer sur l’échiquier politique. L’Egypte a souffert ces dernières années d’un vide politique dû à l’inefficacité de la plupart des partis, les anciens comme les nouveaux partis créés à l’issue de la révolution de 2011 ». Et d’ajouter: « Les anciens partis se contentent de leur histoire et ne présentent rien à la vie politique, alors que les nouveaux partis ne possèdent pas l’expérience nécessaire pour fonder une assise populaire. C’est pourquoi j’ai décidé d’adhérer au parti de Mostaqbal Watan, qui se présente comme le noyau d’un grand parti fondé sur des bases solides ». Il affirme que Mostaqbal Watan tente de remédier aux failles qui caractérisent la scène partisane en Egypte comme la marginalisation des jeunes, l’absence de cadres expérimentés et les conflits d’intérêt. « Le parti regroupe de jeunes membres au côté des membres expérimentés. A mon avis c’est un exemple à suivre », défend Al-Kholi. Sur la même longueur d’onde, le député Mohamad Badrawi, du parti d’Al-Haraka Al-Wataniya (mouvement national), estime que l’initiative de former un parti majoritaire est un pas dans la bonne direction. « En dépit de la grande popularité dont jouit le président Sissi, il n’existe pas de parti majoritaire. Dans tous les régimes démocratiques le président est soutenu par un parti politique », pense Badrawi. La coalition parlementaire majoritaire Fi Daem Misr avait annoncé, il y a quelques semaines, son intention de se transformer en parti politique. Mais pour des raisons juridiques et constitutionnelles elle ne peut pas changer l’identité politique en vertu de laquelle ses membres ont été élus.
Vif débat
Les avis divergent sur la fusion des partis. Si certains y voient une nécessité pour fortifier les partis politiques qui sont fragmentés, d’autres affirment que l’idée est difficile à mettre en place. Amr Hachem Rabie, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, pense que vu l’état de fragmentation dont souffre la scène partisane en Egypte, avec 104 partis politiques dont la majorité sont nés après la révolution de 2011, la fusion est une chose positive. « A quoi sert d’avoir plusieurs dizaines de partis de gauche, et des dizaines de partis libéraux et aucun d’entre eux n’est influent. Le mieux est que les courants se rassemblent dans une ou deux formations politiques fortes et actives », estime Rabie. Il pense cependant que les conflits d’intérêt, l’idéologie de certains partis et les rivalités internes rendent difficile la concrétisation de ce projet. Certains partis refusent de renoncer à leur histoire pour fusionner avec d’autres partis. C’est le cas par exemple du néo-Wafd. « Notre parti va bientôt célébrer son centenaire. L’idée de fusionner avec un autre parti n’est pas viable pour nous », indique le député wafdiste Mohamad Khalifa. Même son de cloche pour le parti des Egyptiens libres dont le président Essam Khalil se dit pour la coordination entre les partis, mais s’oppose catégoriquement au principe de la fusion. « Il faut laisser le temps aux nouveaux partis pour acquérir de l’expérience et se forger une place sur l’échiquier politique », estime Khalil. Quant à Hussein Abdel-Razeq du parti du Rassemblement (gauche), il estime que « la réussite de toute tentative de fusion dépend de la conviction des partis quant à l’enjeu de cette fusion ».
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