Al-Ahram Hebdo : Le gouvernement a lancé un vaste projet de réaménagement des zones informelles à haut risque. Où en sont les travaux ?
Ahmed Darwich : Ce plan de réaménagement des zones informelles, ordonné par le président Abdel-Fattah Al-Sissi en 2016, vise en premier lieu à offrir aux habitants de ces zones de meilleures conditions de vie et d’établir une justice sociale. Les travaux vont bon train dans ce projet ambitieux auquel nous avons accordé la priorité dans les régions à grands risques. Ainsi, fin 2018 verra l’achèvement du réaménagement de 246 de ces zones dangereuses. Une réalisation importante, puisqu’en 2014, il existait 366 zones informelles dont les habitants, au nombre de 4 millions, étaient privés de tous les services élémentaires: électricité, eau potable et système d’égouts. Des conditions de vie inhumaines et inadmissibles pour un citoyen égyptien.
— Pourquoi le Fonds de développement urbain, créé en 2008, n’a commencé son travail qu’en 2014 ?
— Parce qu’il n’existait pas de budget suffisant. Ce n’est qu’en 2014, lorsque le président Sissi a annoncé que « l’Etat ne peut pas laisser les citoyens vivre dans les bidonvilles » que le dossier a été pris au sérieux. Le fonds a commencé par un budget de 870 millions de L.E. en 2015-2016 et qui est passé ensuite à un milliard et demi de L.E. en 2016-2017. Le budget de 2018 est celui qui consacrera la part la plus importante au développement des zones informelles à haut risque avec le déblocage de 14 milliards de L.E.
— Mais que signifie exactement zone informelle à haut risque ?
— Il existe plusieurs formes de danger. A titre d’exemple, les zones informelles qui manquent d’infrastructures et de services élémentaires (drainage sanitaire, eau potable, etc.) sont classées zones à risque dans la mesure où elles représentent un danger sanitaire extrême pour leurs habitants. Aussi, les zones construites aux pieds des montagnes, ou dans des régions non adaptées au logement, constituent elles aussi un danger. Les habitants risquent, à titre d’exemple, d’être emportés par un glissement de terrain ou une inondation. Un bidonville dangereux est aussi celui construit à proximité d’une ligne d’électricité à haute tension, ce qui expose les habitants à certaines maladies comme le cancer. En revanche, il existe d’autres zones informelles disposant de services, mais qui ont été construites sans permis et sans planification. Ces genres de bidonvilles ne représentent pas de danger, mais déforment le paysage urbain, et les conditions de vie y sont précaires. Ces bidonvilles feront eux aussi l’objet d’un plan de développement après l’achèvement de celui ayant trait aux zones à haut risque. Nous voulons éliminer définitivement les zones informelles et redonner à la capitale sa beauté architecturale.
— En quoi consiste exactement le plan de réaménagement des zones à haut risque ?
— Tout d’abord, il faut souligner que les efforts déployés pour régler le problème des zones sauvages ne sont plus basés sur des méthodes hasardeuses, mais sur un traitement scientifique organisé et planifié. Pour les zones sauvages qui ne comportent pas de risque, les travaux ont pour objectifs essentiels de les planifier pour en faire des régions dotées de routes goudronnées avec une infrastructure complète (eau potable, drainage sanitaire, électricité, etc.).
Quant aux zones dangereuses construites dans des régions dangereuses, le but est de reloger leurs habitants. Ainsi, tous les habitants de ces bidonvilles doivent être transférés vers de nouvelles agglomérations urbaines. C’est pourquoi nous avons commencé avec les régions construites au pied de la montagne du Moqattam, dont les habitants ont été relogés à la ville d’Al-Asmarate, toujours au Moqattam, qui a été installé, spécifiquement, pour les accueillir. Une expérience réussie. Le plus grand obstacle dans ce genre de situation était le refus des habitants de ces bidonvilles de déménager dans de nouvelles villes comme la cité du 6 Octobre, situées loin de leur lieu de travail. D’après l’expérience, nous avons trouvé préférable que les habitants soient relogés près de leurs bidonvilles ou près du centre-ville, parce que leur mode de vie est lié à cette région.
— Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
— Nous avons entamé en 2017 le réaménagement de la région de Tell Al-Aqareb dans le quartier d’Al-Sayeda Zeinab, l’une des zones informelles les plus anarchiques dépourvues de tous les services, d’autant plus que ces bâtiments ont été tous menacés d’effondrement. Les habitants de ce bidonville ont affiché au début une résistance ardue à leur évacuation. Or, via les négociations, on est parvenu à les convaincre de l’importance de réaménager la région qui représente un danger pour leur vie. On a donné à chaque famille 1200 L.E. par mois pour louer provisoirement un appartement jusqu’à ce que les travaux s’achèvent. Au cours de la première moitié de 2018, les habitants de cette région y reviendront après l’achèvement des travaux de réaménagement. A Sohag, en Haute-Egypte, un projet similaire doit être achevé en 2018. Sans oublier l’un des plus importants projets de réaménagement des zones informelles, à savoir celui du triangle de Maspero. Un projet ajourné depuis des décennies et qui a été enfin entamé en 2017, après être arrivé à des compromis avec les habitants.
— A quoi revient, selon vous, l’extension des zones informelles au cours des dernières décennies, notamment au Caire et ses périphéries ?
— L’urbanisation non réglementaire est apparue en Egypte pour la première fois au début des années 1950, favorisée par l’exode rural et la surpopulation. Aujourd’hui, les zones informelles représentent environ 38% du paysage urbain. C’est un lourd héritage et le gouvernement a décidé d’en finir avec ce fléau.
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