C’est en réponse à l’invitation du président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui avait visité Lisbonne en 2016, que le président portugais, Marcelo Rebelo De Sousa, s’est rendu cette semaine en Egypte pour une visite de 3 jours. Il s’agit de la première visite d’un président portugais en Egypte depuis 25 ans. Arrivé au Caire le 11 avril à la tête d’une délégation de haut niveau, le président De Sousa a eu des entretiens avec le président Sissi, le premier ministre et le président du parlement. Il a également participé à l’inauguration du Forum d’affaires égypto-portugais, organisé par la Fédération égyptienne des Chambres de commerce, en coopération avec l’Agence pour l’Investissement et le Commerce Extérieur du Portugal (AICEP), en présence d’hommes d’affaires portugais et égyptiens (voir sous-encadré).
D’ailleurs, favorable aux principes de la coexistence pacifique entre les peuples quelles que soient leurs religions, le président portugais a tenu à rencontrer le grand imam d’Al-Azhar, le cheikh Ahmad Al-Tayeb, ainsi que le pape Tawadros II, patriarche de l’Eglise copte orthodoxe. Le grand imam d’Al-Azhar a accompagné le chef de l’Etat portugais dans une tournée à la prestigieuse mosquée d’Al-Azhar, lieu de culte et de savoir millénaire, récemment rénovée. A l’Université d’Al-Azhar, le président portugais a prononcé une allocution durant laquelle il a présenté sa vision sur l’importance de la tolérance (voir encadré).
Concertations égypto-portugaises
Le 12 avril, le président Sissi a reçu son homologue portugais au palais présidentiel d’Ittihadiya. Les deux chefs d’Etat ont tenu une séance de négociations à huis clos. Selon le porte-parole de la présidence, Bassem Radi, les discussions ont porté sur le renforcement de la coopération bilatérale dans tous les domaines, notamment commercial et culturel. L’entretien a également porté sur la coopération égyptoeuropéenne et les moyens de la renforcer.
Les deux leaders ont aussi évoqué les dossiers régionaux, dont les derniers développements en Libye, en Syrie et en Palestine, ainsi que la conjugaison des efforts en matière de lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine. Lors d’une conférence de presse conjointe tenue à l’issue des négociations, les deux présidents ont évoqué le partenariat stratégique entre l’Egypte et le Portugal. « Les négociations ont étépositives. J’ai dit au président portugais que l’Egypte apprécie le soutien de son pays. Nous avons convenu de la nécessitéde consolider la coopération entre l’Egypte et l’UE et nous avons examinéles progrès réalisés en matière de coopération bilatérale », a déclaré le président Sissi.
Louant le soutien du Portugal à l’Egypte dans sa lutte contre le terrorisme, le président Sissi a souligné que l’Egypte adopte une stratégie globale dans sa guerre contre le terrorisme. « Dans sa guerre contre le terrorisme, l’Egypte est motivée non seulement par la défense de sa sécuriténationale mais surtout par son engagement régional et international », a affirmé Sissi. Pour sa part, le président De Sousa a félicité le président Sissi pour son second mandat, affirmant que son pays accorde un grand intérêt à la coopération avec l’Egypte, « une force régionale et internationale incontournable », a-t-il dit. Il a de même estimé que la conjoncture régionale et internationale, et la position géographique de l’Egypte et du Portugal, en tant que pays méditerranéens, exigent un renforcement de la coopération entre les deux pays.
« Face aux défis de nature transfrontalière que représentent la menace terroriste, l’immigration clandestine et le crime organisé, il est évident de conjuguer les efforts pour y faire face », a enrichi De Sousa. « L’Egypte accueille annuellement 5 millions de réfugiés sans contrepartie. Ce qui reflète l’indulgence et l’esprit de responsabilitéde l’Egypte », a ajouté De Sousa. Et de signaler que le Portugal abrite aussi un grand nombre de réfugiés.
Enjeux communs
L’ancien diplomate Mohamad Al- Orabi, président de la commission des affaires étrangères au parlement, indique que cette visite confirme l’importance des relations égypto-portugaises et traduit la convergence de vues entre les deux pays. Il ajoute que le moment de la visite, qui intervient alors que les tensions régionales sont à leur comble, montre le poids et le rôle de l’Egypte en tant que pays axial. « Les deux pays partagent les mêmes visions sur les moyens de désamorcer les crises régionales, dont la Syrie et la Libye. Ils sont surtout d’accord sur le droit de la Palestine àun Etat avec Jérusalem comme capitale », précise le diplomate. Et d’ajouter que pour l’Egypte, l’importance du Portugal émane du fait qu’il s’agit d’un membre de l’UE. Une position qui lui permet de soutenir les positions égyptiennes.
Coup de pouce à la coopération économique et culturelle
Au niveau de coopération économique, les deux présidents ont assisté, jeudi 12 avril 2018, à la signature d’un accord de coopération entre l’Autorité du Canal de Suez et l’Autorité d’investissement et du commerce portugaise. Un nouvel élan pour la coopération économique bilatérale, saluée par le président Sissi. « Nous avons convenu de stimuler la coopération bilatérale en accélérant la mise en oeuvre des accords et des mémorandums d’entente conclus entre nos deux pays depuis ma visite à Lisbonne en 2016. Nous sommes d’accord sur le renforcement de notre partenariat en vue d’accroître le volume des échanges commerciaux et d’investissement, et de promouvoir la coopération bilatérale dans les divers domaines », a souligné le président Sissi. Pour sa part, le président portugais a indiqué, lors de son discours devant le Forum d’affaires égypto-portugais, que « l’Egypte est une destination prometteuse pour les investissements ».
Selon le ministre du Commerce et de l’Industrie, Tareq Qabil, le volume des investissements portugais en Egypte est estimé à 405 millions d’euros. L’économiste Magdi Sobhi estime que le renforcement de la coopération économique avec le Portugal favorisera pour l’Egypte la relance de ses relations avec les pays africains lusophones regroupés au sein du Marché commun des pays d’Amérique du Sud (MERCOSUR), qui comprend le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela, et avec lequel l’Egypte a signé un accord-cadre dans le domaine du commerce.
« Le Portugal pourrait se transformer en une plaque tournante pour les exportations égyptiennes vers les pays du Mercosur, en particulier le Brésil, tandis que l’Egypte pourra servir de centre d’exportation des produits portugais vers l’Afrique de l’Est et les Etats du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) », estime Sobhi. Il rappelle que l’Egypte est un portail pour les exportations portugaises vers les pays africains, surtout après le lancement, en 2015, de la zone de libre-échange regroupant les blocs économiques du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).
Sur un autre volet, le protocole de coopération entre l’Université de Aïn- Chams et l’Institut Camoes peut donner un nouveau souffle aux échanges culturels et linguistiques entre les deux pays. « La civilisation de l’Egypte est un composant essentiel des programmes d’enseignement portugais. Cela émane de notre conviction que depuis l’aube de l’Histoire, l’Egypte a toujours inspiré le monde entier, et la civilisation égyptienne a plus ou moins contribué au développement de la vie humaine », a dit le président portugais.
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