Le comité tripartite a tenu plusieurs réunions sans jamais parvenir à un compromis.
L’Egypte a refusé d’être pointée du doigt par l’Ethiopie et le Soudan après l’échec des négociations tripartites sur le barrage éthiopien de la Renaissance, début avril à Khartoum. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Alem Mels, a tenu Le Caire pour responsable de l’échec de la dernière réunion tripartite tenue le 5 avril à Khartoum. Le 12 avril, Addis-Abeba avait estimé que la cause de l’échec des négociations de Khartoum avait été « le manque de sérieux et de coopération de la délégation égyptienne ».
En vertu du traité de 1959, les eaux du Nil sont partagées entre l’Egypte et le Soudan, qui ont respectivement droit à 55,5 et 18 milliards de m3 d’eau par an. Un accord que l’Ethiopie, qui se trouve en amont du fleuve et qui contrôle près de 85 % de ses sources, refuse de reconnaître. L’Egypte craint que le barrage de la Renaissance, actuellement en construction, ne diminue sa part en eau, alors que l’Ethiopie affirme que celui-ci lui apportera beaucoup de profits, surtout en matière de production d’électricité, sans occasionner le moindre dommage à ses deux voisins.
Selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, publié le 12 avril : « Les prétentions de l’Ethiopie sont complètement infondées. L’Egypte a participéaux négociations de Khartoum le 5 avril avec un esprit positif et un désir honnête d’atteindre un accord », affirme le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid. Il ajoute que le but de l’Egypte est de parvenir à des solutions consensuelles susceptibles de relancer les négociations techniques autour du barrage éthiopien. Celles-ci sont en suspens depuis novembre 2017 sur fond de divergences entre l’Egypte et l’Ethiopie sur les résultats préliminaires des études des cabinets techniques chargés d’évaluer l’impact du barrage sur l’Egypte et les pays en aval. « Si les trois pays ne parviennent pas àune entente, il faudra se référer aux anciens accords signés, pour que toutes les parties connaissent leurs droits et leurs devoirs, et la voie qu’il faut suivre pour parvenir àun consensus », a ajouté Abou-Zeid.
Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a envoyé des lettres à ses homologues éthiopien et soudanais pour les inviter à une autre réunion au Caire, le 20 avril prochain, afin de poursuivre les discussions. Ayman Abdel-Wahab, spécialiste des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al- Ahram, affirme que l’Ethiopie falsifie les réalités. Il rappelle que depuis l’annonce en 2012 de la construction du barrage et tout au long des négociations, l’Egypte a toujours fait preuve de flexibilité, alors que l’Ethiopie a toujours entravé les efforts pour parvenir à un accord. « Jeter la responsabilitéde l’échec des négociations sur l’Egypte àce moment délicat prouve une fois de plus que l’Ethiopie joue sur le facteur temps. Il faut savoir que l’Ethiopie entend procéder au remplissage du lac du barrage début juin prochain, c’est-à-dire dans deux mois, et ce, pour pouvoir entamer la production d’électricité», prévient Abdel-Wahab.
Intransigeance éthiopienne
Pour Amani Al-Taweel, chef du département des études africaines au CEPS d’Al-Ahram, le problème réside dans les mauvaises intentions de l’Ethiopie, qui interprète de manière erronée les revendications de l’Egypte comme une forme d’intransigeance. « Or, c’est l’Ethiopie qui veut contourner aujourd’hui les traités garantissant les droits de l’Egypte dans les eaux du Nil », pense Al-Taweel. Concernant l’avenir des négociations égypto-éthiopiennes à la lumière de l’intransigeance éthiopienne, elle déplore qu’il y ait peu de chance que les négociations aboutissent. « Le Caire laisse la porte ouverte dans l’espoir de parvenir àun consensus. Il reste qu’àun moment donné, il faudra internationaliser le dossier et recourir àl’arbitrage international. Des scénarios que l’Egypte a tentéd’éviter jusqu’àprésent », estime Al-Taweel.
Les études sur l’impact du barrage (réclamées par l’Egypte) n’ont pas été achevées alors que les travaux sont achevés à 70 %, ce qui inquiète grandement l’Egypte. Ayman Abdel- Wahab estime qu’il est temps que l’Egypte change de plan d’action sur ce dossier. « Si l’Ethiopie persiste dans son entêtement, l’Egypte devra changer de position et porter plainte auprès du Conseil de sécuritéet du Conseil de la paix et de la sécuritéde l’Union africaine, ainsi qu’auprès des pays parrains de l’initiative du bassin du Nil », affirme le spécialiste. Il ajoute que l’Egypte ne doit en aucun cas accepter que le premier remplissage du lac soit fait sans consensus sur le barrage.
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