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La légende du bataillon 103 commandos

Ahmad Eleiba, Lundi, 16 avril 2018

Le bataillon 103 commandos a pris part à de multiples opérations antiterroristes. Al-Ahram Hebdo s’est rendu dans le Sinaï où opère ce groupe connu pour sa bravoure et son héroïsme. Reportage.

La légende du bataillon 103 commandos
L'armée toujours à l'affût des groupes terroristes dans le Sinaï.
de notre envoyé spécial —

Le colonel Ahmad Al-Mansy était devenu une légende ainsi que son com­pagnon d’armes, le colonel Rami Hassanein, dont la carrière était jalonnée de médailles et d’actes héroïques. Mais ce ne sont que des facettes de la grande histoire, celle du bataillon 103 commandos qui réunit parmi ses rangs de nombreux héros.

Al-Ahram Hebdo a passé une jour­née parmi ces combattants qui, de retour de leurs missions, n’arrêtent pas leur entraînement une fois la nuit tombée. Ici, on se dispute les mis­sions, personne n’a envie de rater l’honneur de participer à un raid ou à une descente. Leur devise est « la victoire ou le martyre », et leur mot préféré est « l’honneur ». Ils se com­portent comme une seule âme répartie en plusieurs corps. « Nos héros se sont promis de poursuivre le chemin des martyrs qui les ont précédés sur cette terre. C’est cet esprit qui nous a été inculqué à l’armée. Nous ne sommes qu’un rouage dans une grande machine, et celle-ci ne tra­vaille que pour la sécurité de la patrie », dit le commandant du bataillon.

« Ici, il n’y a pas de diffé­rence entre un officier, un sous-offi­cier et un conscrit, que ce soit en termes de nourriture ou face à la mort. Personnellement, j’apprends beaucoup d’eux, moi qui suis venu ici pour succéder aux colonels Al-Mansy et Hassanein. Ces combattants ont beaucoup à m’apprendre aussi bien au niveau humain que militaire. J’ai toujours entendu que les commandos doivent être des hommes courageux, mais c’est seulement ici que j’ai réa­lisé le sens de ces mots », ajoute-t-il. Et de poursuivre: « Je n’ai pas de mots pour qualifier ces héros. En tant que commandant, je m’attends habi­tuellement à ce que l’on vienne me voir pour demander un congé ou une permission, or, ce qui arrive ici c’est tout le contraire. Nous étions en mis­sion qui a duré 4 jours en plein désert, personne ne se souciait de son repos ou de sa nourriture, il m’est arrivé même de donner l’ordre à cer­tains de s’abriter pour prendre quelques heures de sommeil, et sou­vent, on se contentait de reposer sa tête contre son fusil tout en étant assis ».

Les histoires ne tarissent pas dans cette caserne, celles des conscrits qui ont interrompu leur congé pour ne pas rater de mission, ou qui se portent volontaires à la place d’un camarade, ou de ceux dont les parents reçoivent des appels du commandant pour s’en­quérir de leurs besoins en l’absence de leur fils. Ici, il n’est pas rare de trouver des conscrits qui ont choisi de prolonger leur service militaire.

Une guerre non conventionnelle

Concernant les missions militaires du bataillon 103, le commandant explique qu’il est difficile de parler de détails étant donné que chaque mis­sion se déroule dans des conditions uniques. « C’est une guerre non conventionnelle, nous avons une carte détaillée des lieux de regroupement des groupuscules terroristes, qui par­tagent la même façon de s’organiser, mais dont les idéologies sont souvent différentes. Mais quoi qu’il en soit, pour nous, ce sont des ennemis », explique-t-il. « Les raids sont prépa­rés en fonction des informations qu’on collecte directement ou indirec­tement grâce aux informateurs qui coopèrent secrètement avec l’armée. Ces informations provenant de sources multiples sont ensuite recou­pées avant le passage à l’action », détaille-t-il. « La tactique des grou­puscules terroristes consiste à nous tendre des pièges, ils veulent une guerre sans affrontement, une guerre faite d’engins explosifs et de snippers. C’est un ennemi lâche qui ne cherche qu’à semer la terreur. Aujourd’hui, on a beaucoup appris sur leurs moyens, notamment grâce aux enregistrements saisis dans leurs centres de communi­cation, ce qui nous permet de prendre les devants et d’adapter notre propre stratégie », affirme le commandant.

D’après lui, l’armée a réussi à assiéger ces groupuscules, ce qui leur a fait perdre beaucoup de leur capacité de nuisance. Elle les a isolés en coupant notamment leurs lignes de communi­cation et d’approvisionnement et en détruisant jusqu’aux deux tiers de leur infrastructure logistique. Le fait de voir les terroristes affaiblis signifie, selon lui, que l’opération antiterroriste globale Sinaï 2018 a porté ses fruits. « Auparavant, lors des raids, on sai­sissait des sommes considérables en dollars, cet argent était destiné à acheter des armes et à payer les recrues. Aujourd’hui, les terroristes ont de plus en plus de mal à recruter parmi la population locale qui a hâte de se débarrasser de leur présence. Certains habitants se proposent pour nous accompagner lors des raids. Et avec l’expérience, on peut tester le sérieux de ces volontaires avant d’ac­cepter leurs services ».

« Je crains que mon service militaire ne prenne fin avant de pouvoir venger mes camarades tombés dans cette guerre contre le terrorisme », dit un conscrit du même bataillon. « Je n’oublierai jamais l’attentat contre le poste de contrôle du village d’Al-Barth et mes camarades qui y ont perdu la vie », insiste-t-il. « Nous avons perdu le sentiment de la peur, je n’abandonne­rai jamais la poursuite de mon enne­mi, j’ai participé à de multiples raids, et je suis déterminé à continuer », dit un autre conscrit. Un troisième verse une larme en évoquant le souvenir des victimes parmi ses compagnons. « Nous avons effectué 5 raids ensemble, chacun de nous avait son histoire qu’il partageait avec les autres. Je suis fier de continuer leur combat et de faire mon service mili­taire ici, au Sinaï, terre des héros », dit-il. A la sortie de la caserne, un grand tableau porte les photos des martyrs. En passant, les soldats s’arrê­tent pour leur faire le salut militaire, avant de suivre leurs traces.

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