Le président russe, Vladimir Poutine, a effectué, lundi 11 décembre en Egypte, une visite courte, mais riche en annonces, en significations et en messages. En premier lieu, la visite de Poutine s’inscrit dans le cadre de l’intérêt qu’accordent les deux pays au développement de leurs relations « historiques » et « stratégiques ». Il s’agit de la deuxième visite du président russe en Egypte, la première était en 2015.
Un sommet à huis clos s’est tenu entre les présidents Abdel-Fattah Al-Sissi et Vladimir Poutine au palais d’Ittihadiya. Il s’est soldé par l’annonce de la signature du contrat final de la première centrale nucléaire en Egypte. Un projet ambitieux longtemps reporté, qui devra enfin voir le jour avec le savoir-faire et l’expertise de la Russie (voir encadré). Le contrat, signé en présence des deux présidents, vient ainsi entériner l’accord que les deux pays avaient signé en novembre 2015 pour bâtir dans la région d’Al-Dabaa 4 réacteurs de 1200 mégawatts chacun. Le contrat final a été signé par le ministre égyptien de l’Electricité, Mohamad Chaker, et le patron du géant nucléaire russe Rosatom, Alexey Likhachev. « En réalisant ce projet, l’Egypte n’obtiendra pas seulement une centrale nucléaire mais aussi l’accès aux technologies les plus modernes et les plus sûres », a dit Poutine, lors d’une conférence de presse conjointe, tenue à l’issue du sommet.
Sur le volet économique, la création d’une zone industrielle russe, dans le cadre du projet de développement de la zone du Canal de Suez, est un autre projet géant qui a été annoncé lors du sommet. « Cela sera le plus grand centre de production et d’exportation de biens russes sur les marchés du Moyen-Orient et d’Afrique. Nous prévoyons un volume total d’investissement de 7 milliards de dollars », a dit le président russe.
Sur un autre dossier non moins important, le président Poutine a estimé que la Russie était prête à « reprendre les vols directs entre Moscou et Le Caire », avant d’ajouter qu’il espérait que cette mesure serait prise « dans l’avenir le plus proche ». Poutine a loué les grands efforts qu’a déployés l’Egypte en matière de la sécurisation des aéroports. Les vols russes vers l’Egypte avaient été suspendus depuis novembre 2015, suite au crash de l’avion russe dans le Sinaï et qui avait fait 224 morts. Les touristes russes forment le contingent le plus important des touristes en Egypte. Ils étaient 3 millions sur un total de 10 millions de touristes à avoir visité l’Egypte en 2014.
Suite à la conférence de presse des deux présidents, le ministre russe des Transports, Maxime Sokolov, qui accompagnait le président Poutine lors de sa visite au Caire, a déclaré que la Russie était prête à signer cette semaine un protocole d’accord avec l’Egypte sur une reprise des liaisons aériennes directes entre Moscou et Le Caire. « Les vols opérés par la compagnie égyptienne Egyptair et l’Aeroflot pourraient reprendre début février entre les deux capitales », a précisé le ministre.
Des accords et des concertations de bon augure mettant en relief l’importance du partenariat stratégique entre les deux pays. « Les relations, de longue date entre l’Egypte et la Russie, se caractérisent par leur solidité et leur continuité que ce soit au niveau politique, à travers la coordination continuelle sur les divers dossiers régionaux ou au niveau économique. Depuis la construction du Haut-Barrage, à Assouan au sud de l’Egypte, en passant par l’industrie de l’acier à Hélouan et arrivant aujourd’hui à la signature du contrat de la construction de la première centrale nucléaire en Egypte, des faits qui confirment le partenariat stratégique entre l’Egypte et la Russie », a apprécié le président Sissi.
Consensus politique
En fait, depuis 2013, les relations égypto-russes ont connu un grand essor. Des accords économiques et militaires importants ont été conclus entre les deux pays qui affichent aussi un consensus politique sur un nombre de dossiers régionaux et internationaux. Selon le politologue Tarek Fahmy, la visite de Poutine au Caire, a permis de renforcer la coopération avec Moscou dans les différents domaines. Elle a aussi témoigné une concertation politique sur les dossiers régionaux. Il note que la diversification des relations politiques et militaires garantit à l’Egypte une indépendance vis-à-vis des autres. « Les résultats de cette visite réaffirment que la Russie représente, aujourd’hui, l’un des plus importants partenaires de l’Egypte. Elle porte leurs relations bilatérales dans tous les domaines vers des horizons plus larges et diversifiés. Et là, il suffit de dire que la centrale nucléaire qui doit être construite dans la région d’Al-Dabaa, en Egypte, est le plus grand projet entre l’Egypte et la Russie depuis celui du Haut-Barrage », estime Fahmy. Une perspective qu’appuient, selon lui, les enjeux et les visions que partagent les deux pays que ce soit sur des dossiers régionaux, notamment la Libye et la Syrie, ou d’intérêt commun, comme la lutte contre le terrorisme et le développement de leur partenariat sur tous les volets. « Les relations égypto-russes passent par l’une de leurs phases les plus importantes, dépassant la nature et la forme des relations durant les précédentes périodes. Aujourd’hui, les relations entre les deux pays reposent sur une diversification dans l’échange d’intérêts. Des avancées confirmant que la période actuelle est celle des relations les plus solides dans l’histoire des deux pays », évalue Fahmy.
Pour sa part, Mokhtar Ghobachi, président du Centre arabe pour les études politiques et stratégiques, estime que l’intérêt qu’accorde la Russie au développement de son partenariat avec l’Egypte émane de sa conviction que l’Egypte est la clé du Moyen-Orient. « Souvent opposée aux positions américaines, la Russie trouve en l’Egypte un partenaire avec lequel il est possible de réaliser des avancées politiques, économiques et commerciales », explique-t-il. Des interprétations qui divergent, mais ne nient pas l’importance des relations égypto-russes.
Les crises régionales au centre des débats
Actualité oblige, outre les questions bilatérales, les deux présidents ont également évoqué les crises régionales. Le président Sissi a aussi fait savoir que la cause palestinienne, à la lumière des derniers développements, a occupé la vedette des négociations bilatérales sur les dossiers régionaux. « Je loue le rôle russe joué depuis des décennies en faveur du règlement du conflit palestino-israélien. Des efforts que l’Egypte soutenait toujours, aspirant à ce qu’ils parviennent à une solution définitive et équitable à la cause palestinienne, l’un des dossiers centraux, le plus ancien dans la région », a indiqué le président Sissi, ajoutant que les derniers développements en Syrie et en Libye ont été aussi sur la table de négociations avec le président Poutine. « Nous nous sommes mis d’accord sur la nécessité de poursuivre les efforts et les médiations visant à parvenir à des solutions politiques en Syrie comme en Libye aptes à les stabiliser », a précisé le président Sissi. Les deux présidents ont en outre souligné l’importance d’échange des informations en vue d’éviter le déplacement des terroristes des zones instables vers d’autres pays.
Le président Poutine s’est aussi exprimé sur la reconnaissance du président américain, Donald Trump, de Jérusalem comme capitale d’Israël. « La Russie et l’Egypte prônent la reprise urgente du dialogue direct palestino-israélien sur toutes les questions litigieuses, y compris sur le statut de Jérusalem. Ces ententes doivent correspondre aux décisions déjà prises par la communauté internationale. La Russie soutient toutes les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l’Onu à ce sujet », a affirmé Poutine. « Nous estimons que toutes les actions anticipant les résultats du dialogue entre Palestiniens et Israéliens sont contre-productives. Nous croyons que ces mesures sont déstabilisatrices. Elles n’aident pas à régler la situation, mais provoquent un conflit », a-t-il ajouté.
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