La visite du procureur général suisse, Michael Lauber, l'année dernière en Egypte n'a pas permis de régler tous les problèmes.
La Suisse a décidé de suspendre la coopération judiciaire avec l’Egypte sur la restitution des fonds de la famille Moubarak, placés dans des banques suisses. Raison : le « manque de coopération de la part de l’Egypte », selon les autorités helvétiques. La Suisse soutient qu’il n’y a pas de preuve sur l’illégalité des fonds placés dans ses banques, surtout après l’acquittement de Moubarak et la réconciliation avec les symboles de son régime. Des arguments « inexactes », selon un communiqué du procureur général égyptien. Le communiqué estime que les autorités helvétiques tentent de « revenir sur leur engagement de restituer les fonds gelés depuis 2011 ». Le procureur a surtout critiqué le moment où intervient la décision suisse, alors que « l’enquête sur la fortune de Moubarak est toujours en cours ». Le procureur souligne que les réconciliations conclues avec certaines figures du régime de Moubarak « ne concernent pas les personnes faisant l’objet d’enquêtes ou impliquées dans des procès de corruption ». Le communiqué rappelle que la Cour pénale a condamné, le 9 mai 2015, Moubarak et ses deux fils à 3 ans de prison et à une amende de 125 millions et 779 000 L.E. et les a obligés à restituer à l’Etat 21 millions et 197 000 L.E. De même, Mohamad Ibrahim Soliman, l’ancien ministre du Logement, a été obligé, en 2016, de rembourser 194 millions et 140 000 L.E., ainsi que 54 millions de L.E.
Que fera l’Egypte ?
Cette décision affaiblit les chances de l’Egypte de récupérer les fonds de Moubarak et sa famille. Sept ans après la révolution du 25 janvier 2011, l’Egypte peine à récupérer près de 700 millions de francs suisses, placés dans les banques suisses. L’expert juridique Hossam Eissa, membre du premier comité de récupération des fonds détournés, estime que l’Egypte a perdu beaucoup de temps dans des procédures de pure forme au lieu de réunir les preuves sur l’implication de Moubarak et son régime dans des affaires de corruption. « Pour restituer les fonds, la Suisse veut des jugements définitifs contre les personnes accusées de détournement de fonds. Or, les documents présentés à la Suisse étaient insuffisants pour prouver ce fait. L’Egypte devait prouver, par verdict judiciaire, que l’argent présent en Suisse est celui-là même gagné par les accusés de façon illégale », explique Eissa, qui craint que la récente décision de la Suisse ne marque la fin de cette affaire. Le 11 février 2011, le Conseil fédéral avait ordonné le gel des avoirs de Moubarak et de ses proches. Mais l’origine illégale des fonds n’a jamais été prouvée. Quatre comités sur la récupération des fonds du régime de Moubarak n’ont pas pu régler les complications politiques et juridiques dans ce dossier.
L’affaire n’est pas close
Or, certains spécialistes estiment que l’Egypte a d’autres alternatives. Ahmad Réfaat, professeur de droit international, note qu’il existe une convention internationale sur la lutte contre la corruption qui engage la Suisse à coopérer pour restituer les fonds détournés. « L’Egypte doit se référer à cette convention pour exiger la poursuite de la coopération judiciaire dont le gel doit être conditionné par la fin des procès ou l’impossibilité de parvenir à des preuves. Ce qui n’est pas le cas dans l’affaire de Moubarak. La Suisse aurait dû suspendre la coopération uniquement dans les affaires qui ont abouti à l’acquittement ou à la réconciliation avec les accusés et non pas dans toutes les affaires », explique Réfaat. Il affirme que l’Egypte doit contester cette décision. « Si la Suisse ne répond pas aux exigences égyptiennes, l’Egypte peut déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité », ajoute Réfaat. Pour le professeur de droit international Abdallah Al-Moghazi, le vrai problème est l’absence d’une loi qui oblige ces figures de l’ancien régime à rembourser les sommes détournées. « Les lois ordinaires ne mèneront pas à grand-chose. Ces lois comportent de nombreuses failles. Seules les lois de la justice transitionnelle peuvent juger rétroactivement ces figures de l’ancien régime ou les obliger à passer de nouveau devant la justice », conclut Al- Moghazi.
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