Les agriculteurs, dont le nombre est estimé à près de 50 millions, ont longtemps lutté pour la création d’un syndicat qui défende leurs droits.
(Photo : AP)
Le conseil des ministres vient d’approuver un projet de loi sur la création d’un syndicat pour les agriculteurs. Il devra être discutéau parlement et soumis àun débat social. «Ce projet de loi garantit le droit des agriculteurs à une assurance vieillesse, la retraite, une assurance médicale ainsi qu’à un soutien professionnel destiné à augmenter la productivité agricole », a déclaréle ministre de l’Agriculture, Abdel- Moneim Al-Banna. Il a préciséque le syndicat s’occupera de tout ce qui se rapporte au métier, dont les soins et l’élevage d’animaux, la gestion et la comptabilitéde l’exploitation ainsi que les relations avec les techniciens agricoles et les organismes administratifs et financiers. Ces déclarations rassurent les paysans, longtemps dépourvus d’une représentation syndicale et qui s’attendent àce que ce nouveau syndicat contribue àaméliorer leurs conditions de vie et àsatisfaire leurs revendications. Les représentants des agriculteurs se félicitent d’un pas tardif mais important en faveur des paysans, qui n’ont jamais joui d’aucune sécuritésociale ni assurance médicale. Selon eux, il était paradoxal que l’Egypte, un pays agricole depuis des milliers d’années, n’ait jamais eu de syndicat pour les agriculteurs, alors qu’en France, le syndicalisme agricole s’est mis en place dès 1946.
Raëf Temraz, députéet vice-président de la Commission d’agriculture au parlement, se réjouit de ce pas essentiel en faveur des paysans. «Les ouvriers agricoles avaient besoin d’un syndicat qui se bat pour défendre leurs droits. Ils misent sur cette nouvelle structure pour avoir de meilleures conditions et le droit à un revenu décent », affirme Temraz. Ainsi, d’après ce projet de loi, le syndicat sera composéà75 % d’agriculteurs et à25 % d’éleveurs. Le projet de loi définit le paysan qui aura le droit d’adhérer au nouveau syndicat comme «personne vivant à la campagne, ayant une activité agricole et n’exerçant pas d’autres métiers ». Tout agriculteur syndiquéjouira désormais d’une assurance médicale, d’une pension de retraite et de cours de soutien professionnel. Selon Temraz, c’est surtout la couverture médicale qui était urgente. Il regrette que les agriculteurs fassent toujours partie des catégories les plus défavorisées. Qu’ils soient journaliers ou petits propriétaires, ils souffrent de revenus dérisoires et sont exposés aux risques des maladies du métier, dues notamment àl’usage des insecticides. «Jusqu’à présent, les agriculteurs n’avaient qu’une modeste assurance médicale, qui n’a jamais pu couvrir les frais de traitement nécessaires. Aujourd’hui, avec la création d’un syndicat pour les agriculteurs qui aura un grand budget, ils pourront profiter de services médicaux de qualité. Il est prévu que le syndicat conclut des accords avec de grands hôpitaux », explique Temraz. Il précise que le syndicat sera financévia les cotisations de ses membres, des subventions gouvernementales et le prélèvement d’un pourcentage de 0,25 % sur les taxes appliquées sur les instruments agricoles importés et les récoltes exportées pour augmenter le budget du syndicat.
Mission difficile
Au-delàdes espoirs qu’il suscite, la mission de ce premier syndicat se révèle ardue. En effet, il doit non seulement se pencher sur les conditions de vie des paysans, mais aussi sur la réduction du taux d’analphabétisme dans les communautés rurales, le règlement des problèmes et litiges relatifs àl’irrigation ainsi que sur la modernisation des techniques et des instruments de culture. Temraz explique que le syndicat devra par ailleurs organiser et contrôler tout ce qui concerne l’agriculture —comme le système d’irrigation et l’utilisation des insecticides et des engrais —et prendre toutes les mesures susceptibles de contribuer àaméliorer la productivitédes terrains agricoles. «Le rôle social du syndicat est important, mais je trouve que sa contribution au développement des techniques et des modes de production ne l’est pas moins. L’amélioration de la productivité aura des répercussions positives sur le revenu et le niveau de vie des agriculteurs », indique Temraz. Pour atteindre cet objectif, il indique que le futur syndicat organisera des stages pour les agriculteurs, destinés àles informer des dernières techniques en matière d’agriculture et de commercialisation de produits agricoles.
50 millions d’agriculteurs
Les agriculteurs, dont le nombre est estiméàprès de 50 millions, ont longtemps luttépour la création d’un syndicat qui défende leurs droits. C’est surtout depuis la révolution de 2011 que la revendication a commencéàfaire son chemin. Mohamad Farag, président de l’Union générale des agriculteurs, déclare que c’est en 2012 que les agriculteurs ont réussi àformer une union indépendante. «Les accords internationaux sur les libertés syndicales donnaient déjà le droit de créer des syndicats et des unions indépendantes. Le premier pas pour la représentation syndicale des agriculteurs a été franchi à l’époque de l’ancien ministre de la Main-d’oeuvre Ahmad Al-Borai, qui nous a encouragés à en profiter pour former une entité syndicale pour les paysans. Mais l’absence d’une loi régularisant le statut des syndicats indépendants était problématique. Vu cette absence de statut, nous n’avions, par exemple, pas le droit de collecter des cotisations, ni la possibilité de négocier avec les responsables au sujet de problèmes touchant les agriculteurs. Aujourd’hui, la présence d’un syndicat officiel pour les agriculteurs vient couronner la lutte des agriculteurs pour une protection et une représentation syndicales », explique-t-il. Un pas positif qui devra, selon lui, être suivi par la création d’une Union générale pour les agriculteurs àl’instar de celle des ouvriers. «Il sera difficile de rassembler plus de 50 millions d’agriculteurs dans un seul syndicat. Il est donc nécessaire de créer plusieurs syndicats pour les différentes catégories d ’ a g r i c u l t e u r s — é l e v e u r s , agriculteurs, etc. L’union devra rassembler sous son ombrelle les syndicats des Agriculteurs dans tous les gouvernorats. La présence d’une union permettra notamment une meilleure organisation et la coordination entre les agriculteurs de différents gouvernorats en ce qui concerne la répartition de l’eau pour l’irrigation, la détermination des prix des engrais, des insecticides, etc », dit Mohamad Farag. Un point de vue partagépar Hachem Farag, président de l’Union générale des petits agriculteurs, qui souligne que «les agriculteurs pourront par exemple, à travers leurs représentants élus dans cette union, transmettre leurs revendications aux responsables, discuter des dossiers qui les concernent et chercher à résoudre leurs problèmes ».
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