Lors d’une réunion tenue la semaine dernière, le président Abdel-Fattah Al-Sissi s’est entretenu avec le premier ministre, Chérif Ismaïl, et le ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation, Mohamad Abdel-Ati. Objectif : examiner les préparatifs du gouvernement en vue de la saison des pluies, qui commence au mois d’octobre. Le président a souligné la nécessité de poursuivre les préparatifs et d’intensifier les efforts pour achever les projets de barrages et de lacs, en particulier dans les provinces et les zones menacées. Il a en outre appelé à recourir aux dernières technologies dans le domaine de la surveillance, des prévisions et de la coordination entre les organes concernés, afin de faire face aux crises le plus tôt possible.
Une cellule de crise a été formée, en coopération avec les gouvernorats et les responsables de la défense civile et de l’irrigation, dans le but de suivre les inondations et de contrôler la situation. Abdel-Ati a indiqué que les travaux de construction de barrages et de lacs ainsi que de stations de drainage des eaux de pluies étaient en cours dans les zones menacées. Le ministre de l’Irrigation a ajouté que la cellule de crise a été équipée d’un système d’alerte précoce permettant de suivre les phénomènes climatiques, en particulier la pluie, grâce à un système de télédétection.
Le premier ministre, Chérif Ismaïl, a par ailleurs tenu une autre rencontre, la semaine dernière, qui a réuni le ministre du Développement local et des représentants des ministères de l’Irrigation et du Logement ainsi que des gouverneurs. Ismaïl a appelé le Centre des prévisions au sein du ministère de l’Irrigation ainsi que l’Organisme de la météorologie à identifier les zones menacées et à intensifier les efforts pour achever les travaux de mise en place de barrages, notamment dans la région de la mer Rouge.
11 provinces menacées
En 2015, toutes les régions du littoral nord jusque dans le Delta avaient été touchées par les inondations : Alexandrie, Béheira, Gharbiya et même certaines régions du Caire. Bilan : 30 morts. En 2016, la situation avait été tout aussi catastrophique dans les gouvernorats de la mer Rouge, de la Haute-Egypte et d’Al-Wadi Al-Guédid. L’ingénieur Hossam Al-Gamal, responsable du Centre d’informations au sein du gouvernement, prévoit de fortes pluies et des inondations au cours de l’hiver dans 11 provinces. Il a par ailleurs indiqué que le Centre travaille en vue de donner des formations à tous les acteurs qui devront intervenir dans les différents gouvernorats pour améliorer l’efficacité de la gestion de la crise.
Concernant l’aspect financier, plus de 98 millions de L.E. ont été débloquées pour la gestion de la saison des pluies 2017/2018, selon Ghada Wali, ministre de la Solidarité sociale, qui souligne que son ministère a mis sur pied 26 centres de secours dans 24 gouvernorats et un centre de secours au sein du ministère lui-même.
A Alexandrie, les responsables affirment que des mesures préventives ont été mises en place pour éviter le drame de 2015 (voir entretien). Mohamad Sultan, le gouverneur de la ville, a déclaré que les zones situées sous les ponts — où s’accumulent les eaux des pluies — ainsi que les stations de drainage agricole, en particulier les stations qui ont été exposées aux problèmes en 2015 (notamment celle d’Al-Max), ont été examinées et que tous les équipements nécessaires ont été préparés. Il a ajouté que trois unités d’urgence se tiendront prêtes, auxquelles l’électricité sera fournie via des centrales mobiles. Le gouvernorat a par ailleurs élevé le niveau de remplissage des lacs, notamment du lac Mariout, près d’Alexandrie. Dans le gouvernorat d’Al-Béheira aussi, les préparatifs vont bon train selon la gouverneure, Nadia Abdou, qui a indiqué que le gouvernorat s’est entendu avec le ministère de l’Irrigation pour préparer les lacs et les stations de drainage, désinfecter les lacs et élever le niveau de quelques ponts. Quant au gouverneur de la mer Rouge, Ahmad Abdallah, il a déclaré que le plan du gouvernorat pour une intervention rapide en cas d’inondation avait fait l’objet d’un examen, afin de garantir que les installations et les villes ne soient pas exposées aux risques d’inondation. Il a ajouté que 378 millions de L.E. vont être débloquées pour construire 11 barrages et 7 lacs, dans le but de sécuriser les villes de Ras Ghareb, Marsa Alam, Chalatine et Hurghada. La coordination avec tous les ministères et le Centre météorologique devra de plus permettre de prévoir la quantité de pluie et de prendre des mesures préventives, comme la création d’abris d’urgence et la préparation de camions-citernes pour aspirer l’eau.
Travaux importants, mais tardifs
Ahmad Fawzi Diab, expert en stratégie hydrique, explique qu’en matière de préparatifs aux inondations, il existe une différence entre les zones désertiques, les villes et les zones côtières, comme celles de la mer Rouge, du golfe de Suez ou du golfe de Aqaba. Celles-ci doivent, en effet, être protégées par des barrages. En ce qui concerne les villes à l’intérieur du pays, telles qu’Al-Béheira et Alexandrie, l’expert dit qu’elles doivent procéder à certaines mesures, notamment examiner les réseaux de drainage de l’eau, afin que ceux-ci puissent contenir les quantités d’eau causées par les pluies, d’autant plus que cette saison verra de fortes précipitations.
Ces préparatifs permettront-ils d’éviter, ou au moins de limiter d’éventuelles catastrophes ? Dans un reportage diffusé sur la chaîne privée ON E, les habitants se sont plaints, en effet, des déclarations des responsables, qui se veulent rassurantes chaque année, mais se terminent toujours par des catastrophes. Pour l’urbaniste Medhat Al-Chazli, l’Egypte souffre des réactions tardives face aux crises. Le gouvernement qui, depuis deux semaines, est en état d’alerte, aurait dû commencer les travaux de creusement des lacs ou de construction des stations de drainage au lendemain de la crise de l’année dernière. Al-Chazli appelle à des solutions radicales pour résoudre le problème des inondations et des pluies diluviennes, notamment par la construction de citernes. « Nous avons tendance à tout faire à la dernière minute. Les travaux sont en cours, mais il n’y a aucune chance qu’ils soient achevés avant l’arrivée des pluies. Ce qui risque d’aggraver encore la situation », explique l’urbaniste. Et de poursuivre : « La négligence n’est pas le seul facteur. Le problème réside aussi dans les infrastructures, vieilles et mal entretenues. Les réseaux de drainage et d’évacuation des eaux ont besoin d’être changés. Nous avons besoin de dix fois plus d’argent qu’il y a quatre ou cinq ans. Au lieu de dépenser des sommes astronomiques pour construire de nouvelles villes, mieux vaut les dépenser pour rénover, voire remplacer l’infrastructure des villes, qui n’ont pas été entretenues depuis les années 1950. Les municipalités les nettoient et les désinfectent, mais cela ne permet pas de prévenir les catastrophes ». Un avis que ne rejette pas Ossama Senger, ancien président de l’Organisme de la gestion des crises au sein du gouvernement. Il reconnaît que les travaux sur le terrain sont insuffisants pour gérer la crise. « Nous devons, d’une part, développer nos outils de travail, à l’image de certains pays qui utilisent des barrages mobiles. D’autre part, nous avons un réel problème de communication entre les différentes parties qui ont géré la crise en 2015 et en 2016. Ni les pompiers, ni les ambulances, ni les services de secours n’ont pu atteindre les quartiers qui ont été inondés. Il faut absolument que tous ces services travaillent en équipe et conformément à un plan, afin de pouvoir agir plus rapidement », conclut-il.
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