L’Egypte compte 104,2 millions d’habitants, dont 94,8 millions vivant dans le pays et 9,4 millions à l’étranger, a annoncé, samedi, Abou-Bakr Al-Guindi, président de l’Organisme central pour la mobilisation et le recensement (CAPMAS), en présence du président Abdel-Fattah Al-Sissi. Il s’agit du 14e recensement en l’espace de 140 ans. Le recensement est effectué tous les 10 ans. Le tout premier a eu lieu en 1882 et le dernier date de 2006. Le recensement de 2017 avait débuté en janvier 2016 et a été effectué sur trois phases, avec un coût total de 900 millions de L.E. 40 000 agents recenseurs ont collecté les informations dans les quatre coins de l’Egypte utilisant pour la première fois des tablettes numériques pour enregistrer les informations. Les recenseurs se sont rendus dans les différentes zones géographiques (agglomérations, quartiers, départements, régions, pays) pour recueillir des données sur les habitants (nombre d’enfants, niveau d’études, professions, types d’activités, etc.) et sur les logements (type de logement, nombre de pièces, niveau de confort, etc.). Les établissements industriels et commerciaux et leurs activités ont également été recensés, ainsi que le nombre de bâtiments et leurs genres (appartements, centres médicaux, cliniques, bureaux, etc.).
Lors de son allocution, le président Sissi a salué les efforts déployés par le CAPMAS pour achever ce recensement dont les résultats doivent « être minutieusement étudiés pour recueillir les données nécessaires à la planification économique et sociale ». Le président a de même ordonné la création d’un haut comité regroupant les ministères concernés ainsi que des experts et des professeurs d’universités pour décrypter les résultats du recensement.
La population a doublé en 30 ans
Le recensement de 2017 montre que « la population de l’Egypte a doublé au cours des 30 dernières années. Il y a aujourd’hui 46,5 millions d’Egyptiens en plus comparé à il y a 30 ans », a souligné Al-Guindi, affirmant que l’Egypte se trouve au 13e rang mondial des pays les plus peuplés.
Géant démographique, l’Egypte compte environ deux millions de naissances chaque année, soit un taux de croissance annuel de 2,56 %, contre 2,4 % en 2006. A cet égard, Al-Guindi affirme que la population égyptienne compte 22 millions de citoyens de plus qu’en 2006. « En 1986, le pays comptait 48 millions d’habitants, et en 2006, le chiffre était de 72,8 millions », dit-il. Le Caire reste la région la plus peuplée, avec 9,5 millions d’habitants. Dans 97 % des maisons, la population bénéficie de l’eau courante, et 40 % des habitations ont le gaz.
Le mariage précoce des filles, les logements collectifs et ceux non habités, ainsi que le taux d’analphabétisme sont parmi les phénomènes choquants dévoilés par le recensement.
Les chiffres montrent que les jeunes représentent la majorité de la population, puisque 34,8 % des habitants sont âgés entre 15 et 34 ans et que 18,2 % (un Egyptien sur cinq) ont entre 15 et 24 ans. Il y a 23,5 millions de familles, contre 17,3 millions en 2006. L’Egypte compte aussi 3 millions de veuves et 471 000 femmes divorcées. 2 millions de familles partagent leurs domiciles. Et ce, alors qu’il existe 12,5 millions d’appartements vacants. Un « déséquilibre inadmissible » qui a retenu l’attention du président Sissi. « Le gouvernement oeuvre en vue d’augmenter le nombre de projets de logement pour mettre un terme à ce phénomène. 180 000 unités devraient être achevées avant le 30 juin 2018 pour remédier à ce problème », a indiqué le président Sissi.
Toujours selon le recensement, 68 % des Egyptiens sont des mariés. 40 % des filles mariées ont moins de 18 ans. « Cela me chagrine de savoir que des filles se marient à l’âge de 12 ans. Comment assumer les responsabilités d’un mariage à cet âge ? », a réagi le président Sissi, appelant à lutter contre ce phénomène. A cet égard, la députée Marguerite Azer a déclaré qu’un projet de loi visant à augmenter l’âge du mariage à 21 ans avait été élaboré et serait discuté au parlement.
Le taux d’analphabétisme a régressé à 25,8 %, contre 29,7 % en 2006. Mais l’Egypte compte toujours 18,4 millions d’analphabètes (10,6 millions de femmes et 7,4 millions d’hommes), soit 1,4 million de plus qu’en 2006. 28,8 millions de personnes ne sont pas inscrites aux écoles. Seulement 3,9 millions d’Egyptiens ont des diplômes d’études supérieures, soit 12,4 % de la population, et 25 % de la population possède des diplômes intermédiaires. Mayssa Chawqi, vice-ministre de la Santé et chargée des affaires de la population, trouve qu’il faut mettre en place une stratégie pour éradiquer l’analphabétisme au cours des trois prochaines années. Elle estime que l’analphabétisme est l’une des causes de la hausse de la natalité.
La problématique démographique
Depuis des décennies, la croissance démographique se dresse comme un obstacle au développement. Conscient de cette vérité, l’Etat a conçu, depuis les années 1960, une stratégie de planning familial, mais il semble que les résultats laissent à désirer. Essam Al-Fiqqi, membre de la commission de la planification et du budget au parlement, estime que l’Egypte a besoin de doubler sa croissance économique par rapport à sa croissance démographique. « Chaque million de citoyens en plus coûte au budget de l’Etat 10 milliards de L.E. pour fournir les services élémentaires aux citoyens. Les chiffres du recensement sont alarmants et nécessitent une étude détaillée sur les moyens de faire face à la croissance démographique », souligne Al-Fiqqi. Souci partagé par Magdi Sobhi, expert économique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Il affirme que dans un pays comme l’Egypte, où les habitants sont condensés sur un petit ruban de part et d’autre du Nil, où les capitaux sont rares et où l’infrastructure n’est pas en bon état, la croissance démographique absorbe les richesses du pays et conduit inévitablement à la détérioration du niveau des services publics (santé, éducation, logement). Selon lui, la croissance économique est indispensable pour réaliser le développement. « Cette croissance économique doit se baser sur deux axes principaux : augmenter les investissements et utiliser les ressources humaines tout en freinant la croissance démographique », affirme-t-il.
Sobhi estime que les plans du gouvernement doivent se concentrer sur l’investissement dans les ressources humaines. « Il faut notamment améliorer le niveau de l’enseignement, afin de faire des jeunes une ressource économique exploitable au niveau local et exportable dans les pays de la région et dans le monde entier », conclut Sobhi.
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