Renforcer la coopération économique avec la Chine, participer au sommet des BRICS et attirer le tourisme chinois. Tels étaient les objectifs de la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi en Chine (du 3 au 5 septembre). Il s’agit de sa 4e visite présidentielle en Chine depuis 2014, alors que le président chinois, Xi Jinping, lui, a été reçu au Caire en janvier 2016.
C’est suite à l’invitation de ce dernier que l’Egypte a participé, pour la première fois, au 9e sommet du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). La Thaïlande, le Mexique, la Guinée et le Tadjikistan y ont aussi participé en tant que pays observateurs, pour discuter d’un plan « BRICS Plus », prévoyant l’élargissement éventuel du bloc. Le sommet s’est concentré sur le renforcement de la coopération, la promotion des échanges culturels et entre les peuples, ainsi que l’amélioration du développement des institutions. Les pays des BRICS représentent aujourd’hui environ 22 % du PIB international et plus de 40 % de la population mondiale. Les BRICS disposent, depuis l’été 2015, de leur propre banque de développement, la Nouvelle banque de développement (NDB), dont le siège est à Shanghai.
Lors de son discours prononcé le lundi 4 septembre devant le Forum d’affaires du sommet des BRICS, le président Sissi a passé en revue la réforme économique entamée en Egypte et l’avenir prometteur de l’économie égyptienne. Le président a ainsi parlé des mesures « audacieuses » prises récemment, mettant l’accent sur les dispositions décidées par l’Egypte pour assurer un climat favorable aux investissements. « Nos grands projets nationaux progressent constamment et contribuent à la relance de l’économie et à la création d’offres d’emploi », a-t-il dit. Défendant la dévaluation de la monnaie, le président a affirmé que cette mesure avait entraîné la hausse des réserves en devises à 36 milliards de dollars et avait contribué à l’accroissement de l’investissement étranger grâce à la baisse des coûts. « Nous avons étudié des modèles de réforme économique réussi, dont ceux du Brésil et de l’Inde qui ont pu contenir l’inflation via la hausse de la production et l’amélioration de l’économie, parallèlement à l’extension des mesures de protection sociale », a dit le président, ajoutant que ce 9e sommet devrait contribuer à « une meilleure compréhension des questions majeures qui concernent les pays en développement, ainsi que des défis politiques, économiques et sociaux auxquels ils font face ».
Selon Mohamad Fayez Farahat, spécialiste des relations sino-égyptiennes et chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, la participation de l’Egypte aux réunions des BRICS reflète la confiance de la communauté internationale en « l’avenir prometteur » de l’économie égyptienne et accroît ses chances d’adhérer aux BRICS. Surtout que l’Egypte jouit de capacités économiques importantes et d’une position stratégique exceptionnelle qui peut l’aider à soutenir efficacement la communauté des BRICS et ses priorités.
Intérêts géostratégiques
Mais outre l’économie, explique l’analyste, « l’Egypte semble être l’un des pays les plus éligibles pour devenir membre de ce bloc ». « Elle dispose d’un poids géostratégique et politique qui représente une grande importance et un équilibre stratégique pour les BRICS. L’Egypte est un acteur important dans l’instauration de la paix au Proche-Orient et en Afrique, étant donné que notre pays est en première ligne de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme », décrypte Farahat. Il ajoute que la Chine stimule, depuis quelques années, la participation de l’Egypte aux groupes économiques internationaux, tels que les G20 et les BRICS. « La Chine est plus que jamais consciente de la position géographique unique de l’Egypte qui permet au pays d’être un important point de transit entre l’Orient et l’Occident, ainsi que le Sud et le Nord via le Canal de Suez, qui est en train de devenir l’une des principales zones économiques et industrielles reliant le monde. La Chine a donc intérêt à coopérer avec l’Egypte, un pays axial au Proche-Orient comme en Afrique, et ce, pour protéger ses intérêts à l’étranger et la stabilité des pays concernés. Et cela sans oublier l’importance de l’initiative de la Ceinture et la Route, proposée en 2013 par la Chine pour relancer les anciennes routes commerciales de la Route de la soie, qui a favorisé l’accroissement des investissements chinois en Egypte », explique Farahat.
En ce qui concerne le souci de l’Egypte d’adhérer au bloc des BRICS, il revient, selon lui, aux objectifs affichés et aux politiques adoptées par ce groupe visant à rééquilibrer le système économique mondial. « En tant que groupe transnational représentant plus de 40 % de la population mondiale, ce bloc peut jouer un rôle-clé pour réformer le système économique mondial, puisque son objectif consiste à former un système multipolaire plus équilibré des relations internationales et à élever le niveau de la coopération économique. C’est donc dans l’intérêt de l’Egypte de renforcer la coopération parmi les marchés émergents et les pays en développement via la plateforme des BRICS, qui est plus adéquate aux pays en voie du développement. A titre d’exemple, la banque des BRICS pourra devenir une meilleure alternative à la Banque mondiale, accusée d’être par trop entre les mains des Occidentaux », estime Farahat.
La Chine, un partenaire privilégié
Suite au sommet des BRICS, les deux présidents égyptiens et chinois se sont entretenus, mardi matin, en tête-à-tête. Le président chinois a affirmé que son pays soutiendrait toujours fermement les efforts déployés par l’Egypte pour maintenir la stabilité et accélérer le développement, et qu’elle était prête à faire progresser le partenariat stratégique global avec ce pays du Moyen-Orient. Il a ajouté que la Chine attachait une grande importance aux relations bilatérales, et à apporter leur soutien mutuel aux sujets concernant les intérêts-clés de l’un et de l’autre. Pour sa part, le président Sissi a déclaré que son pays soutenait l’initiative « la Ceinture et la Route » et qu’il était prêt à lier sa stratégie de développement à l’initiative et à renforcer la coopération avec la Chine sur l’investissement et la construction des infrastructures. Il a souligné que l’Egypte appréciait que la Chine ait organisé le dialogue des marchés émergents et des pays en développement, et qu’elle ait convenu que les pays en développement devaient approfondir leur coopération. Après la rencontre bilatérale, les deux chefs d’Etat ont assisté à la signature d’une série de documents de coopération dans les domaines économique, technologique, juridique et des transports.
Le ministre du Commerce et de l’Industrie, Tareq Qabil, a déclaré que l’Egypte et la Chine devaient signer des accords d’investissement dans différents secteurs, tels que l’industrie chimique, le textile et les matériaux de construction. « Le volume commercial entre l’Egypte et les pays des BRICS a atteint 20 milliards de dollars en 2016, dont 11,3 milliards entre l’Egypte et la Chine », a indiqué le ministre, exprimant la volonté du Caire de rejoindre le groupe des BRICS. Achraf Naguib, secrétaire général de l’Association égypto-asiatique pour les Affaires, souligne l’importance économique de cette visite en ce qui concerne les projets de coopération entre les deux pays. En janvier 2016, les deux pays avaient signé une série d’accords économiques d’une valeur de 15 milliards de dollars. Il s’agit du début d’une « coopération stratégique ». Pékin est notamment intéressé par une zone industrielle sur le Canal de Suez où elle a déjà investi 500 millions de dollars. « Développer l’infrastructure en Egypte et dans les pays africains est utile à la Chine pour faciliter le transport de ses exportations », explique Naguib.
Sur un autre volet, le ministre du Tourisme, Yéhia Rached, a déclaré lundi que des négociations étaient en cours entre les ministres égyptien et chinois de l’Aviation civile, pour organiser 3 nouveaux vols par semaine vers l’Egypte.
Sommet égypto-russe de bon augure
Lors de leur sommet tenu lundi, le président Abdel-Fattah Al-Sissi et son homologue russe Vladimir Poutine ont discuté des moyens de renforcer la coopération bilatérale, notamment en ce qui concerne la reprise des vols russes vers l’Egypte et l’achèvement du contrat de la construction de la centrale nucléaire d’Al-Dabaa, signé au Caire en novembre 2015. Selon le porte-parole de la présidence, Alaa Youssef, lors de cette rencontre, le président Sissi a réaffirmé la volonté de l’Egypte de renforcer ses relations avec la Russie, rappelant les réussites de la coopération existante entre les deux pays dans plusieurs domaines. Entre autres, les projets conjoints qui seront lancés dans la zone industrielle russe de Port-Saïd et la centrale nucléaire de Dabaa, dont Moscou contribue à la construction. Il a aussi fait savoir que le président Sissi a invité son homologue russe à assister à l’inauguration de la centrale nucléaire d’Al-Dabaa, dont la première phase devra être opérationnelle en 2022. Il a affirmé que Poutine avait répondu favorablement à cette invitation, ajoutant qu’« une date sera fixée pour sa visite en Egypte ».
Pour sa part, le président russe a souligné « l’importance de développer des relations étroites avec l’Egypte dans tous les domaines, saluant l’augmentation de 14 % des échanges commerciaux entre les deux pays », selon le communiqué de la présidence. Poutine a notamment salué les efforts des autorités égyptiennes pour sécuriser les aéroports, exprimant « son espoir de voir les vols russes vers l’Egypte reprendre prochainement ».
En novembre 2015, la Russie avait suspendu les vols des compagnies aériennes russes vers l’Egypte, sur fond de l’écrasement de l’Airbus russe dans le Sinaï, le 31 octobre 2015, faisant 224 morts. Moscou a affirmé à maintes reprises que cette mesure a été prise pour des raisons « purement sécuritaires » n’ayant aucun impact sur les relations égypto-russes. Depuis la chute des Frères musulmans en 2013, les relations égypto-russes ont connu un nouvel élan. Des accords économiques et militaires importants ont été conclus entre les deux pays qui affichent aussi un consensus politique sur un nombre de dossiers régionaux et internationaux. Le président Sissi avait visité la Russie, le 12 août 2014, alors que Poutine s’était rendue en Egypte en février 2015, en première visite depuis sa dernière visite au Caire en 2005
Nouveaux horizons de coopération avec le Vietnam
Après la Chine, et suite à l’invitation du président vietnamien Tran Dai Quang, le président Abdel-Fattah Al-Sissi est attendu ce mercredi au Vietnam pour une visite de deux jours. Il s’agit de la première visite d’un chef d’Etat égyptien au Vietnam depuis l’établissement des relations diplomatiques bilatérales en 1963. Selon Alaa Youssef, porte-parole de la présidence, la coopération économique sera au centre des négociations entre les deux chefs d’Etat. « La visite du président Sissi à Vietnam vise aussi à explorer l’expérience du développement en ce pays pour en tirer profit », a ajouté Youssef.
A noter que le taux des échanges commerciaux entre le Vietnam et l’Egypte est passé de 187 millions de dollars en 2010 à 400 millions en 2014, dont 380 millions de dollars d’exportations vietnamiennes. Un chiffre encore « modeste » par rapport aux potentiels des deux pays, selon les déclarations du premier ministre vietnamien, Nguyen Xuan Phuc. Selon ce dernier, son pays est prêt à exporter ses produits dans les grands supermarchés égyptiens et à favoriser l’accès des marchandises égyptiennes. Des déclarations faites le 22 août dernier, lors de la visite qu’ont effectuée au Vietnam la ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, Sahar Nasr, et le président de l’Autorité du Canal de Suez, Mohab Mamich. Une visite au cours de laquelle les deux responsables ont discuté avec les responsables vietnamiens les opportunités d’investissement dans l’axe de développement du Canal, une zone d’investissement prometteuse, surtout dans la pisciculture, la construction des navires et le domaine pharmaceutique. Selon Sahar Nasr, l’Egypte et le Vietnam se sont mis d’accord sur deux mémorandums d’entente sur la coopération en matière d’investissement, de bourse et sur la création d’un forum d’affaires égypto-vietnamien. Ella a jugé « important » le renforcement de la coopération en matière d’investissement entre les deux pays et a estimé nécessaire d’encourager le secteur privé dans les deux pays à établir des projets communs.
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