De l’est à l’ouest en passant par le centre du continent noir, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a achevé, cette semaine, une tournée de 4 jours qui l’a mené dans quatre pays africains : la Tanzanie, le Rwanda, le Gabon et le Tchad. La lutte contre le terrorisme, la sécurité hydraulique et l’économie, tels étaient les trois grands thèmes au menu des discussions entre Sissi et les dirigeants africains. Il s’agit en fait de la dixième tournée du président en Afrique.
Selon l’Organisme général de l’information, le président a effectué, depuis son arrivée au pouvoir en 2014, 21 visites dans des pays africains, d’un total de 69 du déplacement extérieur de Sissi, soit 30 % des visites présidentielles à l’étranger. Le président Sissi a tenu également 112 réunions avec des dirigeants et des responsables africains qui ont visité l’Egypte au cours des trois dernières années.
Cette fois-ci, Dar Es-Salem, la capitale de Tanzanie, a été la première étape de cette tournée. Sissi est le premier président à s’y rendre depuis 1968. Au Rwanda, la deuxième station de Sissi en Afrique, les discussions entre le président Sissi et le président rwandais, Paul Kagamé, ont été pour la première fois au niveau bilatéral, après la participation de Sissi en juillet 2016 au sommet africain tenu à Kigali. Lors de cette visite, le Rwanda a adopté « une politique d’accès sur son territoire sans visa en faveur de l’Egypte, dans le but de promouvoir le commerce et d’attirer un grand nombre de touristes en provenance d’Egypte », a déclaré Kagamé, en indiquant que « l’Egypte et le Rwanda ne partagent pas de frontière commune, mais nous avons des intérêts communs ».
A Libreville, capitale du Gabon, un pays d’Afrique centrale, Sissi a fait sa troisième escale pour une visite de 48 heures. Une première du genre pour un chef d’Etat égyptien dans le pays. A l’occasion de cette visite, le Gabon et l’Egypte ont signé un accord commercial « qui vient compléter les six accords signés au Caire en février 2016 ». Le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, s’était rendu à deux reprises en Egypte ces dernières années.
A N’Djamena au Tchad, la quatrième et la dernière étape de la tournée africaine, le président Sissi et son homologue tchadien, Idriss Déby, ont convenu de réactiver la commission mixte de coopération, installée le 22 février 1973, mais qui n’a toujours pas apporté ses fruits, puisque plusieurs accords conclus entre les deux pays restent non appliqués.
Au cours de cette tournée, les quatre pays ont été invités au Forum Africa 2017, qui a fait suite à l’édition 2016, et qui se tiendra à Charm Al-Cheikh du 7 au 9 décembre.
La Somalie n’était pas à l’ordre du jour de la tournée, mais elle a présenté la cinquième rencontre africaine du président au cours de cette semaine. « L’Egypte est prête à fournir à la Somalie toute l’assistance possible pour l’aider à reconstruire ses institutions étatiques », a déclaré le président Sissi lors de sa rencontre au Caire avec son homologue somalien, Mohamed Abdullahi, deux jours après la fin de sa tournée africaine.
Multiplier les sphères d’influence ...
Selon Amira Abdel-Halim, spécialiste des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, cette tournée présidentielle entre l’est, l’ouest et le centre du continent a réalisé des résultats importants sur tous les niveaux, sécuritaire, économique et politique. Elle vient également, selon la chercheuse, réfuter les allégations selon lesquelles le déplacement de l’Egypte dans le continent noir est motivé uniquement par ses intérêts hydrauliques, en multipliant les visites dans les pays du bassin du Nil. Avis partagé par Ayman Shabana, professeur de sciences politiques à l’Institut des études africaines de l’Université du Caire, qui voit que cette tournée a prouvé que la vision de la diplomatie égyptienne a beaucoup évolué en adoptant aujourd’hui une stratégie plus claire, plus précise et plus stable envers le continent. « Le choix très soucieux de ces pays révèle les multiples axes de l’action égyptienne actuellement en Afrique. Il est évident que L’Egypte tente de consolider sa présence et de multiplier ses sphères d’influence dans tout le continent africain ». Selon Shabana, le Rwanda est connu par être l’un des meilleurs pays au niveau de l’investissement en Afrique. Le Tchad est, de son côté, un pays-clé dans la lutte contre le terrorisme provenant notamment de la Libye. La Tanzanie a, elle, une grande influence politique dans les deux régions du bassin du Nil et de la Corne de l’Afrique. Enfin, le Gabon, en Afrique de l’Ouest, comme l’explique Shabana, se présente aujourd’hui comme un pays prometteur dans la production du pétrole.
Et développer les outils de la diplomatie
Selon Amany Al-Tawil, directrice du programme africain au CEPS, cette tournée a montré que la diplomatie présidentielle tente de développer également ses outils en l’Afrique. « Ces visites ont signalé que l’Egypte donne aujourd’hui beaucoup d’importance au mécanisme des rencontres bilatérales au niveau des sommets, pour réagir directement avec les problèmes du continent africain au lieu d’adopter la diplomatie du portail de la région, qui a bien prouvé son échec », explique-t-elle. La politologue donne ainsi l’exemple du barrage éthiopien de la Renaissance qui menace les intérêts hydrauliques de l’Egypte et où « l’interaction directe de l’Egypte avec beaucoup des pays-clés dans le bassin du Nil reste toujours absente ». « L’Egypte s’est appuyée seulement et absolument sur l’Ouganda, comme étant une porte d’entrée vers les pays du bassin du Nil, pour l’aider à transmettre l’approche égyptienne pour le barrage de la Renaissance auprès des pays du bassin du Nil. Ceci n’a nullement porté ses fruits. L’approche de l’Egypte n’a jamais abouti. Ceci a été bien clair lors du Sommet des pays riverains du Nil en Ouganda le 22 juin dernier. En construisant aujourd’hui des canaux de communication et de coopération directes avec notamment le Rwanda et la Tanzanie, deux pays qui ont un grand poids politique dans le bassin du Nil, l’Egypte opte pour une nouvelle stratégie plus efficace ».
En fait, selon Al-Tawil, le manque d’outils appropriés pour réagir avec le continent est l’un des principaux défis affrontés par l’Egypte à l’heure actuelle. « Sans développer les outils et les mécanismes de la politique égyptienne envers l’Afrique, les visites africaines risquent de devenir sans perspectives. Et transforment les chances pour l’Egypte de renforcer sa présence économique et politique dans le continent en une véritable menace pour la sécurité hydraulique et les frontières de l’Egypte », conclut-elle.
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