« Les rumeurs sur le commencement du remplissage du lac du barrage éthiopien ne sont absolument pas vraies », a déclaré le porte-parole du ministère de l’Irrigation, Hossam Imam. Et d’ajouter que le remplissage du lac est tributaire de la déclaration de principes signée entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie en mars 2015. Le porte-parole a, en outre, expliqué que la quantité d’eau qui est retenue derrière le barrage « est uniquement due à la crue actuelle du Nil ».
Ces déclarations font suite aux inquiétudes soulevées par des images satellites qui ont circulé dans les médias. Elles montrent une grande quantité d’eau retenue dans le lac du barrage de la Renaissance, alimentant ainsi les spéculations sur les intentions de l’Ethiopie de remplir le barrage. Toutefois, les experts écartent une telle hypothèse. Abbas Charaqi, expert hydrique au Centre des recherches et des études africaines de l’Université du Caire, explique que pour des raisons techniques, l’Ethiopie ne peut pas remplir le lac. « Les images satellites montrent que le barrage fait actuellement 100 m de haut, alors qu’il est prévu de l’élever à 145 m. Nous avons aperçu la présence d’un petit lac derrière le barrage, d’une largeur moyenne de 2 km et d’une longueur de 10 km. Or, la partie centrale du barrage n’a toujours pas été achevée. Remplir un lac dans l’état actuel des constructions constituerait un risque réel, car cela pourrait causer l’effondrement du barrage », explique l’expert. Il ajoute que la quantité totale d’eau retenue est estimée à 250 millions de m3, ce qui équivaut au débit journalier du Haut-Barrage égyptien durant la saison de la culture du riz. « On ne peut donc pas parler d’un réel remplissage, tous les indicateurs montrent que cette saison, les pluies ont été au-dessus de la moyenne ».
Le barrage de la Renaissance a été lancé par le gouvernement éthiopien en avril 2011. Une fois construit, il devrait avoir une capacité de stockage de 74 milliards de m3 d’eau. Ce sera le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique et le dixième au monde en termes de puissance, avec une capacité de production de 5 250 MW. Il doit notamment permettre à l’Ethiopie de quadrupler sa capacité de production électrique, afin de faire face à une demande qui augmente de près de 10 % par an. Mais les objectifs du barrage sont multiples : il s’agit de prévenir les inondations, de satisfaire les besoins énergétiques de l’Ethiopie et de commencer à exporter de l’électricité vers les pays voisins. De plus, l’agriculture pourra se développer aux alentours de ce nouveau plan d’eau et le nouvel Etat du Soudan du Sud pourra également en bénéficier, selon des règles établies entre les deux pays.
Au départ, l’Ethiopie avait prévu l’ouverture du barrage aux alentours des mois de juillet et d’août, mais il y a eu du retard. « Addis-Abeba, n’ayant pas pu terminer toute la construction du barrage, elle est contrainte d’attendre la prochaine saison de la crue du Nil, soit juillet-août 2018, pour pouvoir emmagasiner l’eau des pluies et remplir le lac qui nourrira le barrage », explique Charaqi. L’expert souligne que ce report involontaire constitue une chance pour l’Egypte, qui attend les résultats de l’étude de faisabilité sur le barrage.
Des études qui avancent lentement
Les études, tant attendues, avancent lentement, alors que sur le terrain, les travaux de construction du barrage s’accélèrent. Charaqi explique : « A ce jour, les études n’ont toujours pas commencé, alors que le délai de onze mois, au terme desquels les deux bureaux conseils chargés de l’étude doivent présenter leurs résultats finaux, s’achève le mois prochain. Une seule réunion s’est tenue en mai dernier, après sept mois de travail. On attendait de cette réunion un premier rapport, avec des résultats concrets sur les répercussions du projet éthiopien, mais seul un rapport préliminaire a été présenté ».
Pour Hani Raslan, spécialiste des pays du bassin du Nil au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, ces études n’ont pas de grande valeur car, dans le fond, elles restent non contraignantes. « Addis-Abeba a entraîné l’Egypte dans de longs cycles de négociations autour du choix des bureaux d’études, dont le travail ne sera même pas contraignant pour les trois pays. Il s’agissait en fait de manoeuvres éthiopiennes pour gagner du temps et avancer dans les travaux de construction ».
Pour sa part, un membre égyptien du comité tripartite sur le barrage de la Renaissance est plus positif. Il affirme, sous couvert de l’anonymat, que « ce qui intéresse l’Egypte c’est de savoir en combien d’années le lac du barrage sera rempli ». Et conformément à la déclaration de principes, l’Ethiopie ne peut pas remplir le lac sans se concerter avec l’Egypte. Quant au retard des études de faisabilité, ils sont normaux, selon la source anonyme, et n’auront aucune incidence sur l’Egypte.
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