Les enfants travaillant dans la fabrication de granit et de marbre sont souvent victimes des maladies.
(Photo : Ola Hamdi)
C’est un samedi matin, comme tous les jours, la zone industrielle de Chaq Al-Teabane, située dans la banlieue de Tora, à Hélouan, près du Caire, bouillonne. Première scène qui retient l’attention à l’entrée à cette zone, la poudre blanche qui se dégage des carrières où travaillent enfants et adultes. Une scène révélant le taux élevé de la pollution dans cette zone industrielle spécialisée dans la fabrication du granit et du marbre. Une situation difficile qui nuit généralement à tous les travailleurs, bien plus particulièrement aux enfants, qui risquent d’être touchés par de graves maladies, notamment les maladies pulmonaires. En effet, selon les rapports des ONG, les enfants travaillant dans ce secteur sont souvent victimes des maladies comme l’insuffisance rénale due à la pollution de la nourriture et de l’eau qu’ils consomment, mais aussi au haut degré de température sous laquelle ils travaillent. S’étalant sur une superficie de 40 000 feddans (soit 16 800 ha), cette zone industrielle est démunie de la plupart des services de base, même si elle abrite environ quelque 120 usines autorisées. Mais parallèlement, 2 000 usines et environ 35 000 ateliers travaillent illégalement. Il est difficile d’y accéder en l’absence d’une route pavée. C’est une zone difficile d’accès, on y arrive par une seule route principale qui sépare cette zone en deux parties.
Et les ateliers sont distribués sur les deux bords. Dès l’entrée de la zone, de nombreux enfants attendent pour offrir leurs services. Un véhicule arrive, le chauffeur cherche des travailleurs journaliers. Les enfants se précipitent. Tous se ressemblent : allure modeste, visages pâles, vêtements déchirés. Quelques kilomètres plus loin, on aperçoit d’autres ateliers où les ouvriers sont en train de couper les pierres et le granit. Les patrons sont assis à l’entrée des ateliers pour superviser le travail. Il est clair qu’ils veulent cacher les enfants qui travaillent chez eux, en raison des campagnes que mènent les autorités pour vérifier la conformité des conditions du travail des enfants à ces ateliers, aux lois organisant cette affaire.
Des journées de 12 heures
L’Hebdo a essayé de rencontrer les enfants qui travaillent dans ces ateliers. Finalement, et après deux heures de tentatives pour pénétrer dans un atelier, on a réussi à trouver Abdallah, un enfant de 9 ans qui est sorti d’un des ateliers. Ce qui d’ores et déjà est contraire à la loi sur le travail de l’année 2003 qui fixe l’âge du travail des enfants de 15 à 18 ans. Son visage est poussiéreux, ses traits ternes et ses vêtements abîmés. Abdallah a peur de parler, craignant son patron. Après insistance, il s’éloigne de l’atelier, surtout loin de son patron, pour pouvoir nous raconter son histoire. « Je travaille ici depuis un an et demi. Nous sommes huit enfants. Le patron s’inquiète des campagnes d’inspection, c’est pour cette raison qu’il nous cache. Mon travail commence à 8h pendant le Ramadan. On travaille jusqu’au coucher du soleil. Sinon, on commence à 6h », raconte Abdallah, qui touche 40 L.E. par jour, alors qu’il ne cesse de contrôler les va-et-vient, de peur d’être vu par son patron. « Je suis obligé de travailler même si c’est dur et dangereux, ma famille a besoin de mon salaire. Beaucoup d’enfants qui travaillent ici aident leurs familles », raconte Abdallah, un enfant analphabète qui n’a jamais mis les pieds à l’école. Magdi, un autre enfant de 10 ans, est venu de la province d’Assiout avec ses cousins pour gagner leur pain. Tous partagent une petite chambre modeste dans le même quartier. « J’ai quitté l’école parce que je dois aider ma famille après la mort de mon père. J’ai quatre frères qui travaillent aussi à Assiout. Malgré les difficultés du travail ici, j’ai pris la décision de venir avec mes cousins, afin de sauver un peu d’argent et l’envoyer à ma mère », raconte Magdi, épuisé de fatigue et d’amertume.
Selon des rapports d’ONG, un nombre important d’enfants âgés de 6 à 12 ans travaillent à Chaq Al-Teabane. En moyenne, ils gagnent environ 150 L.E. par semaine. Mohamad, 9 ans, commence sa journée à partir de 8h, il travaille au moins 12 heures par jour. « On ne connaît pas le repos, je dois tout le temps faire attention à ne pas me couper les doigts. Plusieurs fois, des plaques de marbre sont tombées sur mes mains, me causant des blessures », raconte Mohamad. Ali, un petit enfant de 7 ans, vient d’être embauché il y a quelques mois. Il commence en tant qu’apprenti en observant le travail d’un « collègue » adulte. « Je dois aider mon chef, être comme son ombre. Je dois être tout le temps très vigilant. Sinon, je risque de me blesser, les machines sont très dangereuses », dit Ali, qui travaille debout au moins 10 heures par jour. « Mon père est malade et je dois l’aider financièrement. J’aimerais avoir un vélo et jouer comme les enfants de mon âge », rêve Ali. Mais lui, comme ses petits collègues, ne sont pas des enfants comme les autres. En se lançant au marché du travail, ils mettent de côté leur enfance, leur santé, leur éducation, et parfois même leur vie.
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