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Tarek Tawfiq : Notre programme de sensibilisation se focalisera sur les avantages d’avoir une petite famille

May Atta, Jeudi, 08 juin 2017

Tarek Tawfiq, président du Conseil national de la population, fait le point sur le plan du gouvernement qui sera mis en vigueur de 2017 à 2021, pour limiter le taux de croissance démographique.

Tarek Tawfiq : Notre programme de sensibilisation se focalisera sur les avantages d’avoir une petite

Al-Ahram Hebdo : D’après les recherches du conseil, quelles sont les répercus­sions de la rapide hausse du taux de crois­sance de la population en Egypte ?

Tarek Tawfiq : Tout d’abord, c’est important de rappeler que les 93 millions d’Egyptiens habitent 7,8 % de la superficie du pays. Les superficies des terrains agricoles sont déjà insuffisantes par rapport au taux de la popula­tion. Dans les années 1950, la superficie agri­cole par habitant était d’un demi-feddan, c’est-à-dire 2 100 m2. En 2014, cette superficie est passée à 77 m2 et sera de 50 m2 en 2030 à cause de la croissance rapide de la population. L’Egypte est un pays désertique. Au cours des 30 dernières années, la superficie agricole n’a augmenté que de 3 millions de feddans pour les terrains bonifiés. Or, le manque de terrains destinés à la construction a poussé les habi­tants, surtout les paysans, à dérober 2 millions de ces terrains agricoles pour y construire des maisons. Ce qui veut dire que face à la gigan­tesque croissance démographique que connaît l’Egypte, les terrains agricoles n’ont augmenté que d’un million de feddans. L’eau est de même un autre défi de taille. Le volume d’eau par habitant était de 600 m3 en 2014 et sera de 550 m3 en 2020, ce qui affecte considérable­ment l’agriculture.

Quel est l’impact de cette régression des terrains agricoles et du taux de l’eau sur la sécurité alimentaire ?

— Ces deux éléments rendent la situation de l’alimentation en Egypte critique. Nous avons besoin d’une augmentation d’un demi-million de feddans tous les cinq ans pour pouvoir suivre le taux de la croissance démographique pour éviter une pénurie alimentaire. Si nous ne remédions pas à la question du manque de terres agricoles, alors que la croissance démo­graphique est en hausse constante, nous serions face à un gros problème en 2030. Nous aurions un manque de 11 millions de tonnes de céréales, de 3,7 millions de tonnes de légumi­neuses, de 6,3 millions de tonnes d’huiles, de 1,4 millions de tonnes de sucre et de 13,5 millions de tonnes de viande.

Tarek Tawfiq : Notre programme de sensibilisation se focalisera sur les avantages d’avoir une petite

— Qu’en est-il de la santé et de l’éduca­tion ?

— C’est délicat ; car le gouvernement souffre déjà d’un manque de moyens au niveau des services sanitaires. Il ne consacre que 8 milliards de L.E. par an à l’assurance médicale, une somme médiocre qui ne répond pas aux besoins. Et c’est ce qui explique pour­quoi les hôpitaux publics refusent d’accueillir des milliers de malades par an à cause du manque de lits et de moyens. Nous avons besoin annuellement de 10 000 médecins et 20 000 infirmiers expérimentés. Je me demande comment le gouvernement pourra appliquer le nouveau système d’assurance médicale globale actuellement en étude en 2030, alors que ce projet demande un budget de 128 milliards de L.E. En ce qui concerne l’éducation, nous avons besoin de mettre en place 3 100 classes accueillant chacune 35 élèves par an.

— Et les problèmes liés au logement ?

— 80 % de la superficie habitée de l’Egypte s’est transformée en des zones anarchiques à cause de la hausse du taux de la croissance démographique, le manque de planification et la corruption des municipalités. Une situation accablante pour le gouvernement censé construire de nouvelles villes dans de nou­velles régions loin du Caire où habitent envi­ron 50 000 personnes par km. Alors que le gouvernement doit construire annuellement 750 000 appartements pour pouvoir absorber la croissance de la population, il n’en construit que 20 %.

— Quelles sont les grandes lignes du plan envisagé par le gouvernement pour réduire le taux de croissance démographique ?

— Le plan consacre un budget de 1,2 mil­liard de L.E. pour fournir gratuitement tous les moyens contraceptifs aux hôpitaux publics et les centres cliniques publics. On voudrait que le taux d’usage de contraception atteigne 64 % en 2021. Pour atteindre ce but, on entraînera de jeunes paysannes et l’on se servira d’elles dans le cadre d’un programme de sensibilisa­tion à leurs villages. Des femmes du village seront plus proches et plus convaincantes sur­tout en Haute-Egypte, où la tradition anti-usage de contraception est forte. Ce pro­gramme de sensibilisation va se focaliser sur l’explication des bienfaits d’avoir une petite famille de deux ou trois enfants au maximum, des moyens de contraceptions, de la façon de leur usage et des lieux où les femmes peuvent les obtenir. Les femmes qu’on va former pour exécuter ce programme de sensibilisation créeront, chacune dans son village, une sorte de base d’information en ayant les numéros des téléphones portables des femmes enceintes. Ainsi, elles les contacteront et leur expliqueront l’importance de l’usage des contraceptions après l’accouchement. Le Conseil national de la population va de même élaborer des livres pour les étudiants scolaires et universitaires énumérant les avantages sani­taires, économiques et sociaux d’avoir une petite famille. Sur un autre volet, le plan envi­sage d'augmenter le nombre des médecins femmes dans les campagnes pour pouvoir communiquer facilement avec les femmes. Nous allons mettre un budget pour augmenter leur salaire. Nous allons aussi envoyer des troupes médicales aux zones éloignées.

Tarek Tawfiq : Notre programme de sensibilisation se focalisera sur les avantages d’avoir une petite

— Outre que la contraception, quelles sont les autres solutions proposées ?

— L’analphabétisme est l’une des princi­pales raisons de la croissance démographique. 27 % des Egyptiens, dont la plupart sont des femmes, sont analphabètes. Si le pays ne par­vient pas à résoudre ce problème, il sera diffi­cile de freiner la croissance démographique.

— Certains proposent de promulguer une loi qui limite le nombre des enfants comme en Chine. Qu’en pensez-vous ?

— Je suis tout à fait contre cette idée, sur­tout que cette expérience a eu des impacts négatifs en Chine. A titre d’exemple, la ferti­lité a diminué, ce qui rend la croissance démo­graphique difficile dans les années prochaines et le pourcentage des âgés va dépasser celui des jeunes. De même, les femmes en Chine demandent d’avorter leur bébé si c’est une fille. Conclusion, le nombre des hommes dépassent beaucoup le nombre des femmes en Chine. Il existe beaucoup d’autres solutions.

Mieux inclure la femme au marché du travail contribuera-t-il à diminuer le taux de croissance démographique ?

— Oui. Et c’est pourquoi le plan du Conseil national de la population accorde une priorité à fournir des offres de travail aux femmes surtout dans les gouvernorats pauvres. L’enjeu c’est que la femme qui travaille participe à la décision, surtout la décision du nombre des enfants. Le taux de chômage en Egypte atteint 12,6 % mais le taux de chômage des femmes atteint 26 %. Nous avons un objectif de dimi­nuer ce taux à 20 % dans 5 ans. Nous allons essayer de fournir des crédits aux femmes pour commencer de petits projets.

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