Les preuves inculpant l'ancien régime auraient été savamment détruites.
L’une des raisons pour lesquelles la confrérie des Frères musulmans a décidé, avec d’autres factions islamistes, de se mobiliser pour les manifestations du vendredi 19, celui de la « purge de l’appareil judiciaire », se cache derrière les rumeurs selon lesquelles Hosni Moubarak pourrait être libéré, à l’instar de nombreuses figures de son régime.
Cette perspective de voir Moubarak libéré, voire acquitté, n’est sans doute pas à exclure, selon beaucoup de juristes qui estiment que le système judiciaire ne serait pas blâmable en cas d’un verdict dans ce sens, ou d’autres verdicts similaires relatifs aux crimes de l’ancien régime.
Le 15 avril, la justice a ordonné la libération conditionnelle de l’ancien président poursuivi pour la mort de centaines de manifestants lors de la révolution de 2011.
L’ex-raïs, qui restera en détention dans le cadre d’autres affaires de corruption, a été condamné en première instance, en juin 2012, à la réclusion à perpétuité pour son échec à protéger les manifestants pacifiques, dont près de 850 ont perdu la vie. La Cour de cassation a par la suite annulé ce verdict pour des irrégularités procédurales, ordonnant un nouveau procès.
La décision de libération est intervenue malgré de nouvelles preuves fournies dans un rapport de 700 pages présenté par une commission d’enquête sur les violences commises contre les manifestants, une commission que le président Mohamad Morsi a formée au lendemain de son élection.
Preuves « claires »
Ces nouvelles preuves ont été qualifiées de « claires » par le porte-parole du Parquet général, Mahmoud Al-Hefnawi. Ce nouveau rapport est venu étayer « les accusations de meurtre qui pèsent sur Moubarak et son ministre de l’Intérieur », a-t-il déclaré.
Peu après, la Cour d’appel du Caire a néanmoins décidé la libération de Moubarak avant même que le nouveau procès ne commence. L’avocat de ce dernier, Farid Al-Dib, avait présenté un mémorandum indiquant que son client avait passé deux ans en détention provisoire, une durée qui dépasse la durée maximum permise par l’article 143 du code de procédure pénale.
Aujourd’hui, ce qui retient Moubarak en prison, c’est un autre procès de corruption et de dilapidation des fonds publics. Son célèbre avocat, Al-Dib, essaye d’obtenir sa libération dans l’attente du verdict dans ce deuxième procès. Samedi 20, la Cour a accepté un appel dans ce sens.
« A moins qu’il n’y ait de preuves concrètes, Moubarak peut recouvrer sa liberté en attendant son procès », estime l’éminent juriste et ancien président du Conseil d’Etat, Mohamad Hamed Al-Gamal.
Les faits et la loi
Une telle décision risque d’enrager la fureur contre l’appareil judiciaire, mais « la Cour prend ses décisions à la lumière de deux choses : les faits et la loi. La réaction de la rue et l’impact politique du jugement ne sont pas des considérations », explique Al-Gamal.
« Que les acquittements ou la libération des hommes de l’ancien régime puissent mécontenter les gens, c’est complètement hors de propos. S’il y existe des preuves justifiant les accusations, ils seront jugés. Si non, ils seront libérés. C’est aussi simple que cela, insiste-t-il. Il en est de même pour Moubarak, que ce soit pour les accusations relatives au meurtre des manifestants ou pour celles relatives aux affaires de corruption et d’abus de pouvoir. Il est possible qu’il retrouve bientôt sa liberté faute de preuves justifiant sa détention. Et ce ne sera pas de la faute du système judiciaire ».
Beaucoup de proches de Moubarak, accusés de divers crimes, ont été successivement libérés lors des derniers mois. A cela sont venus s’ajouter les acquittements de policiers et de hauts responsables sécuritaires accusés de meurtre de manifestants et d’autres violations graves de droits de l’homme.
L’hostilité à un système judicaire jugé inefficace n’attendait pas meilleur catalyseur pour se faire sentir dans la rue.
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