Le parlement a approuvé, cette semaine, en première lecture un projet d'amendement de 4 lois antiterroristes.
(Photo : Khaled Mechaal)
Quelques jours après les attaques terroristes qui ont visé, la semaine dernière, deux églises à Tanta et à Alexandrie et qui ont fait 46 morts, le parlement se mobilise pour amender certaines lois. Objectif : accélérer les procédures dans les procès terroristes tout en conservant le principe de présomption d’innocence. Cette semaine, le parlement a approuvé en première lecture un projet d’amendement de 4 lois antiterroristes, afin de donner au gouvernement les moyens légaux lui permettant d’accélérer le jugement des personnes coupables d’actes terroristes. Il s’agit de certains articles du code pénal, de la loi sur les entités terroristes, de la loi de lutte contre le terrorisme et de la loi régissant les recours devant la Cour de cassation.
Accélérer les procédures
D’après le député Salah Hassaballah qui avait proposé l’amendement du code des procédures pénales après les attentats du 11 décembre 2016 contre l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, ces modifications législatives faciliteront la tâche de la justice qui pourra enfin donner son verdict sur certains procès qui traînent depuis longtemps.
Les modifications comprennent notamment l’amendement de l’article 277 du code des procédures pénales, relatif à l’audition des témoins. L’article stipule que tous les témoins doivent être convoqués et entendus par le tribunal, et qu’ils ont l’obligation de venir témoigner à l’audience. Or, l’amendement propose que le tribunal ait le droit de choisir les témoins qui lui semblent les plus importants, plutôt que d’entendre tous les témoins du procès. « Les procédures d’audition sont lentes et font traîner les procès car il peut y avoir des centaines de témoins dans un seul procès. L’audition des témoins doit être facultative et non obligatoire pour le tribunal », affirme Hassaballah.
Mais les experts des droits de l’homme refusent l’amendement de cet article qui, d’après eux, garantit une meilleure justice. Hafez Abou-Seada, président de l’Organisme égyptien des droits de l’homme et membre du Conseil national des droits de l’homme, demande : « Comment peut-on annuler l’audition de certains témoins alors que l’on sait qu’un seul témoin peut changer le cours d’un procès ? ». Ahmad Al-Charqawi, député et membre à la commission des lois au parlement, partage l’avis d’Abou-Seada. « L’accusé a le droit de demander l’audition de n’importe quel témoin pouvant l’aider à prouver son innocence et le Parquet général n’a pas à s’opposer à cela. L’accélération du jugement est importante, mais la justice l’est encore plus ».
Le second amendement concerne la loi 57/1959 relative aux procédures d’appel devant la Cour de cassation.
En vertu de cette loi, lorsqu’un recours est accepté en cassation, le procès est renvoyé devant une nouvelle juridiction. Or, en vertu de l’amendement, c’est désormais la Cour de cassation elle-même qui examinera le procès.
L’article 7 de la loi antiterroriste sera lui aussi amendé. Cet article donne à l’avocat de l’accusé le droit de récuser le tribunal, ce qui pouvait ralentir le procès. L’amendement rend plus difficile cette option. Ahmad Helmi Al-Chérif, vice-président de la commission des lois, explique : « Chaque avocat a le droit de récuser le tribunal, mais pour que ce droit ne soit pas utilisé pour ralentir le procès, l’article amendé stipule que l’avocat doit payer 3 000 L.E. et que la cour n’a qu’une seule semaine pour accepter ou refuser le changement du juge selon les motifs présentés par l’avocat. Dans le passé, cette procédure pouvait prendre des mois ».
Financement et recours en cassation
Couper le financement des groupes terroristes est l’un des enjeux des modifications législatives. Un nouvel article, l’article 8 bis, a été ajouté à la loi sur les entités terroristes. Il donne le droit au procureur général de geler les avoirs de toute entité considérée comme terroristes, et de ceux des personnes qui financent cette entité ou la soutiennent. Une nouvelle clause a également été ajoutée à l’article 39 de la loi. Celle-ci stipule que la cour a le droit de geler tous les fonds appartenant aux personnes condamnées pour financement des attentats terroristes, et pas seulement ceux utilisés dans ce financement.
L’amendement de l’article 7 de la même loi interdit désormais toute activité au sein de la société civile ou toute prédication exercée par les groupes terroristes. Par ailleurs, afin de garantir la justice des futurs procès, l’amendement de l’article 12 du code pénal précise que si la cour accepte un recours, le procès doit être réexaminé par un tribunal différent. Car il arrivait que le procès soit réexaminé par un ou plusieurs juges du même tribunal. « Cet amendement garantit plus de justice durant le jugement des accusés. Le changement de tribunal donne la chance à d’autres juges d’étudier le procès. Ce second regard permet de parvenir à un jugement nuancé et juste », rappelle Hassaballah.
De la même façon, l’amendement de l’article 46 de la loi 57/1959 relative aux procédures d’appel devant la Cour de cassation stipule que dans le cas où l’accusé serait condamné à mort, le Parquet général doit présenter un recours devant la Cour de cassation afin de donner à l’accusé une autre chance d’être jugé.
De façon générale, les modifications législatives dans leur ensemble sont assez équilibrées. Pour Nasser Amin, membre du Conseil des droits de l’homme et directeur du Centre arabe pour l’indépendance des avocats et de la magistrature, ces modifications sont assez positives, mais comportent quelques points négatifs. « Le plus grand problème est l’article 277 concernant l’audition des témoins et l’article prévoyant la saisie ou le gel des avoirs des entités terroristes », précise-t-il. Et d’ajouter : « Je crois que l’Etat n’a pas besoin d’un tel amendement. Il faudrait, d’après moi, se focaliser davantage sur le discours religieux afin de combattre le terrorisme ».
Lien court: