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Soudan : Les intérêts communs incitent au réchauffement

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 09 avril 2013

Le président Morsi a effectué cette semaine une brève visite à Khartoum. Objectif : sceller un partenariat stratégique et tourner la page de plusieurs années de relations tendues.

Malgré le mandat d’arrêt dont fait l’objet le chef de l’Etat soudanais, Omar Al-Béchir, accusé de génocide au Darfour, le président Mohamad Morsi a décidé d’effectuer sa première visite officielle au Soudan depuis son élection en juin 2012. Objectif : réchauffer les relations avec Khartoum, poser les jalons d’une complémentarité économique avec ce pays et répondre aux attentes du régime souda­nais pour qui l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Egypte est l’occasion d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations égypto-sou­danaises. Raison pour laquelle d’ailleurs le pré­sident Al-Béchir a effectué la première visite d’un dirigeant arabe au Caire après l’élection du président Mohamad Morsi.

Arrivé à la tête d’une importante délégation ministérielle, Morsi a été accueilli en grande pompe à l’aéroport de Khartoum par Al-Béchir, en présence du vice-président Ali Othman Taha, des ministres et des chefs de partis politiques.

Cette visite, qui intervient au moment où les deux pays sont confrontés à une grave crise économique, vise surtout à rétablir des relations froides entre Le Caire et Khartoum depuis la tentative d’assassinat manquée d’Addis-Abeba en 1995 contre l’ancien président Moubarak. Ce dernier avait alors accusé Khartoum d’héberger les terroristes à l’origine de l’attentat. Elle tra­duit également une volonté commune de bâtir des relations stratégiques. Outre le dossier épi­neux des eaux du Nil sur lequel l’Egypte et le Soudan se battent sur le même front, Le Caire ambitionne de mettre à profit la richesse agri­cole et animale au Soudan qui représente une porte pour les exportations égyptiennes vers l’Afrique. Khartoum, quant à lui, veut accroître ses investissements avec son voisin du nord et bénéficier de l’expertise égyptienne dans diffé­rents domaines. Il souhaite aussi solliciter la médiation de l’Egypte pour résoudre les diffé­rends entre le Soudan et le Soudan du Sud. L’Egypte pourrait également user de son poids sur le plan régional et international pour alléger les sanctions contre le régime d’Al-Béchir et assainir les relations entre le Soudan et certains pays comme les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. « Pour le régime soudanais, Morsi a mis trop de temps pour se rendre au Soudan alors qu’il s’est rendu dans des pays lointains comme l’Inde et le Pakistan », explique Safwat Fanous, un universitaire soudanais. Et d’ajouter : « Ce voyage du président Morsi a été retardé parce que les Frères musulmans, auxquels il appar­tient, voulaient garder quelques distances vis-à-vis du régime du président Al-Béchir, isolé sur la scène internationale. Le président Al-Béchir fait l’objet de mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour ».

Les deux dirigeants ont convenu d’élever, au niveau présidentiel, leur représentativité au comité égypto-soudanais. Ils ont également lancé des projets agricoles pour subvenir aux besoins de l’Egypte en céréales. En outre, l’Egypte importera dès le mois courant 5 000 têtes de bétail tous les mois destinées aux zones défavorisées, notamment en Haute-Egypte. En matière de transport, deux routes seront inaugurées à l’est et à l’ouest du Nil entre Le Caire et Khartoum pour faciliter les échanges commerciaux. Les deux pays se sont enfin entendus sur la mise en oeuvre de projets industriels dans l’agroalimentaire, le tannage du cuir, la prospection minière et la production du biocarburant. Lors d’une conférence de presse commune à l’aéroport de Khartoum peu avant le départ du président Morsi, les deux chefs d’Etat se sont engagés à résoudre les conflits frontaliers et à établir un véritable par­tenariat économique en ralliant également la Libye. Le président Morsi a promis de soutenir la sécurité et la stabilité du Soudan et de contri­buer à la réussite de l’accord de Doha pour la paix au Darfour. Pour sa part, le président Al-Béchir a indiqué que les relations bilaté­rales avaient connu des hauts et des bas mais que les rapports entre les deux peuples « étaient intacts ». Ghada Moussa, professeur de sciences politiques a l’Université du Caire, analyse : « La visite du président Morsi au Soudan a permis de réaliser quelques intérêts économiques. Sous l’ancien régime, des hommes d’affaires égyptiens avaient construit l’aéroport de Juba, d’autres avaient étudié des projets pour cultiver le blé dans ce pays, mais toutes ces initiatives étaient l’oeuvre du secteur privé. L’Egypte peut injecter des investisse­ments au Soudan en construisant des usines pharmaceutiques, des écoles en permettant aux Sud-Soudanais de venir étudier en Egypte » .

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