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Gabal Al-Halal sous contrôle

Ahmad Eleiba et Fouad Mansour, Mardi, 04 avril 2017

Al-Ahram Hebdo s’est rendu à Gabal Al-Halal dans le Sinaï. Une zone difficile d’accès où l’armée mène une âpre bataille contre le terrorisme. Reportage.

Gabal Al-Halalsous contrôle
(Photos : Al-Ahram Hebdo)

Une caravane de véhicules mili­taires blindés quitte le com­mandement du troisième corps d’armée, en plein coeur du Sinaï. C'est à l'invitation du département des affaires morales des forces armées que plu­sieurs dizaines de journalistes se dirigent vers Gabal Al-Halal au centre du Sinaï, cette zone mythique célèbre pour abriter des cel­lules terroristes dans la péninsule depuis les attentats de Taba et de Charm Al-Cheikh en 2004. Pendant 40 minutes de route en dents de scie, le conducteur garde son calme et son sens de la manoeuvre. Les militaires sont positionnés à perte de vue, un déploiement « habituel », selon notre guide chevronné, un ex-officier des renseignements militaires. Il connaît les lieux comme sa poche et ses récits varient entre informations historiques et histoires héroïques. Ici et là, des habita­tions bédouines apparaissent, éparpillées, étant donné que l’endroit compte de nom­breuses vallées de pâturage. Toujours d’après notre guide, au mont Halal vivent deux principales tribus : les Tiyaha, dont est issue la famille des Chetiat, et les Tarabine, beaucoup plus nombreux, et dont est issue la famille des Nedeyat. La topographie du mont Halal en a fait un refuge idéal pour les terroristes et les criminels fugitifs. Il s’étend sur une zone rectangulaire au centre du Sinaï d’environ 20 km de large sur 60 km de long. Les terroristes trouvent généralement refuge chez les tribus auxquelles ils appartiennent. Et pour schématiser, on pourrait dire qu’à partir de ce point, la radicalisation augmente plus on avance vers le nord.

L’idée du mont mythique est présente à l’esprit. Mais il y a d’autres endroits que l’ar­mée a complètement démythifiés. « Nous avons pris d’assaut d’autres zones monta­gneuses dont les monts Khorm, Ereikat, Abou-Hassira, Al-Charf, et actuellement, on s’ap­prête à attaquer le mont Agma dont la topo­graphie est différente de celle du mont Halal », explique le chef d’état-major du troisième corps d’armée. Selon lui, ces zones ont été nettoyées à 90 %, mais il considère que le plus important c’est le maintien des opérations pour empêcher la fuite des terroristes qui sont alimentés en fonds et en armement. « Il est facile de bombarder une zone et de la raser entièrement, mais qu’en serait-il des habitants innocents ? », ajoute ce commandant.

Le mont Halal apparaît de loin comme un demi-cercle truffé de vallées. Nous avons été accueillis par les commandants de la force qui a mené « l'éradication ». Le commandant du troisième corps d’armée, le général Mohamad Raafat, explique que cette force est composée de 9 groupes dont chacun est chargé d’un secteur. « Il n’y a pas de points de rencontre pour ces groupes, chacun d’eux devait pour­suivre son chemin de jour en jour jusqu’au bout. L’assaut a été lancé le 12 février dernier, après des opérations de renseignement et d’éclairage et un bouclage qui a duré plu­sieurs jours », dit-il.

Un terrain difficile

Gabal Al-Halal sous contrôle
(Photos : Al-Ahram Hebdo)

Sur le théâtre des opérations en plein mont Halal, le commandant de ces 9 groupes nous détaille le plan d’action et ses diverses phases. « Le commandant du troisième corps d’armée nous a donné l’ordre de ratisser le secteur centre de la péninsule. Nous avons commencé par élaborer un plan basé sur des informa­tions collectées et des renseignements. Ceci n’a pas été facile, vu la topographie irrégu­lière du mont Halal, son accès par la route Al-Hasnaa est plein de dunes de sables, alors que l’accès sud se distingue par ses pentes très raides, et à l’est, il jouxte un autre petit mont … », explique le commandant.

Et de poursuivre : « La progression a com­mencé à partir des vallées, elle a été facilitée par les informations fournies par les services, ainsi que par les habitants du Sinaï qui ont choisi de se ranger de notre côté. Nous avons ensuite commencé à découvrir les caches d’armes et les refuges, les stocks d’armes, les pick-up et les motos utilisés dans les attentats, des cavernes converties en fabriques d’explo­sifs artisanaux et d’appareils de commande à distance… ». Avec sa voix grave, digne de la montagne, il explique combien il est fier d’ac­complir son devoir aux côtés de ses soldats. A l’écouter parler, on dirait que le moral, encore plus que les armes, est décisif pour trancher une bataille.

Nous sommes montés dans l’une des grottes que l’armée a nettoyées ; l’escalade, pas moins de 20 mètres, est pénible pour les non-habitués. Le parterre est couvert d’excré­ments de bétails et le plafond noirci par les fumées. Mais il ne s’agit pas d’un simple refuge. En fait, l’emplacement est très straté­gique et n’est pas facilement détectable par les vols de reconnaissance. De plus, à partir de là, il est facile d’observer à l’oeil nu, sinon avec les jumelles — dont plusieurs ont été saisies sur place — toute la route depuis le pied de la montagne, ce qui permet aux terro­ristes de piéger les sentiers à l’approche d’une force policière ou militaire.

« Les terroristes ont effectivement exploité la nature du terrain et ont déposé des mines tout autour du site. Celles-ci ont été désamor­cées par une équipe d’experts. Il est clair que ce site assurait un renfort à des terroristes opérant plus au nord. On a découvert ici plu­sieurs endroits de fabrication d’explosifs des­tinés à des attentats », explique un comman­dant de l’armée. « Nous avons rencontré plu­sieurs difficultés, dont notamment l’aridité du terrain et la nécessité de parcourir de longues distances à pied. Et il y avait aussi le froid, parfois le mercure descendait à zéro. Mais au bout de quatre jours, nous avons réussi à encercler la zone. La progression sur le ter­rain nous a permis de collecter encore plus de renseignements. Nous avons liquidé de nom­breux terroristes dans des échanges de tirs, et arrêté ceux qui se sont rendus », poursuit-il, ajoutant qu’au cours de l’assaut, plusieurs pick-up ont été détruits et beaucoup d’armes et de munitions saisies. L’armée a exposé des roquettes RBG, des Kalachnikovs, des balles d’armes légères et des balles perforantes, ainsi que des substances explosives comme le TNT et le C4. « Au cours des opérations, nos commandants étaient en contact avec nous pour prendre de nos nouvelles et nous encou­rager. Je ne peux pas vous dire combien cela nous remontait le moral », confie un soldat. Son commandant confirme que des messages leur parvenaient du commandement politique, du commandant général des forces armées, du chef d’état-major et du chef du corps d’ar­mée. « Ces messages nous encourageaient à mener la bataille jusqu’au bout », dit-il.

Actes héroïques

Les commandants ne se lassent pas de raconter les incidents qui montrent l’héroïsme de leurs soldats : ce soldat qui a appris le décès de sa mère, mais a refusé de quitter le champ de bataille, cet autre qui a refusé l’ordre de se retirer après avoir reçu deux balles au bras, ou encore ce martyre qui, avant de mourir, a exhorté ses compagnons à l’aban­donner à son sort et à poursuivre leur com­bat … « Ces histoires resteront gravées dans la mémoire et seront transmises aux futures générations. Nous avons juré de ne laisser aucun terroriste dans le Sinaï. Notre confiance s’explique par notre doctrine militaire. De leur côté, les terroristes n’ont pas de doc­trine, ils fuient et ne peuvent pas venir à notre rencontre, leur seule doctrine c’est la traî­trise », explique un commandant militaire qui participe aux opérations.

Le déploiement militaire aux alentours du mont Halal est imposant. Est-il destiné à se maintenir ? Le chef d’état-major du troisième corps d’armée répond : « Il n’existe pas d’en­droit du territoire égyptien qui échappe à notre contrôle. Nous sommes en passe d’éra­diquer le terrorisme. C’est une guerre non conventionnelle, mais nous allons la gagner ». Il faisait l’écho d’un soldat que nous avons rencontré sur le terrain de la bataille : « Ces terroristes se considéraient chez eux, mais nous sommes venus ici, nous, les vrais pro­priétaires, pour les pourchasser et purifier notre pays de leur impureté ».

Il paraît que le nettoyage a eu lieu et que le contrôle de l’armée s’impose. Parallèlement, le développement de la péninsule se poursuit : une route internationale est en cours de construction, une douzaine d’usines sont opé­rationnelles dans la région de Gefgafa et un aéroport militaire sera partiellement converti à un usage civil.

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