Tout a commencé lorsque le député Mohamad Anouar Al-Sadate a présenté une interrogation au président du parlement, Ali Abdel-Al, sur l’achat de trois voitures d’une valeur de 700 000 dollars. Les trois voitures ont été achetées pour Abdel-Al et ses deux adjoints. La voiture du président du parlement aurait coûté 425 000 dollars, et celles de ses adjoints environ 300 000 dollars chacune. Mais Al-Sadate a affirmé que le prix des trois véhicules ne figurait pas initialement sur le projet de budget annuel du parlement, et qu’il a été inclus ultérieurement. Calculé en livres égyptiennes, le prix des trois véhicules s’élève à 18 millions de L.E. « Pourquoi payer une somme pareille, sachant que trois députés seulement profitent de ces véhicules ? », interroge Al-Sadate.
Les accusations d’Al-Sadate ont soulevé un tohu-bohu au sein de l’hémicycle. Face à la polémique, le secrétariat général du parlement rétorquait dans un communiqué : « Ces véhicules sont blindés et sont essentiels pour la sécurité du président du parlement et ses deux adjoints ». Le communiqué affirme que l’achat des véhicules pour les membres du parlement et les responsables du gouvernement est « normal » vu la menace terroriste.
En décembre 2015, un mois avant l’élection du parlement, le ministre d’Etat pour les Affaires parlementaires et la Justice transitionnelle, Magdi Al-Agati, avait fait une demande pour l’achat de 25 nouveaux véhicules en remplacement des anciens, désormais usés, affirme le communiqué. Suite à cette demande, le ministère du Plan avait débloqué la somme de 10 millions de L.E. pour l’achat de ces véhicules. 4 millions devaient servir à acheter 24 véhicules pour le personnel du parlement et 6 millions pour l’achat d’une voiture blindée consacrée au président. Mais face à l’accroissement des menaces terroristes, il fut décidé d’acheter deux voitures blindées supplémentaires pour les deux adjoints, affirme le communiqué du parlement. Une rallonge de 16 millions de L.E. a été alors accordée par le ministère du Plan pour l’achat de ces véhicules. Le communiqué affirme que ces opérations sont parfaitement « en règle » et conformes à l’article 51 de la loi du parlement, selon lequel le premier ministre ou l’un de ses suppléants gère les affaires administratives et financières du parlement en l’absence de bureau.
Un contexte difficile
Mais au-delà de la question même des véhicules c’est le contexte difficile de leur achat qui est au centre d’un vif débat. Anouar Al-Sadate s’interroge : « Comment justifier un gaspillage pareil, au moment où l’on dévalue la livre égyptienne et où l’on demande aux citoyens de serrer la ceinture pour traverser la pire crise économique qui frappe le pays depuis des décennies ? Le gouvernement est en passe de supprimer les subventions sur le carburant, et les prix des denrées alimentaires, de l’électricité et de l’eau ont augmenté. Environ le tiers des Egyptiens dispose de moins de 1,9 dollars par jour pour subvenir à leurs besoins », dit Al-Sadate. Et d’ajouter : « Le parlement possédait des véhicules blindés qui étaient au service des anciens présidents du parlement. Pourquoi ne pas les utiliser ? ». Mais pour d’autres députés, la fourniture de véhicules blindés pour les responsables est normale, étant donné la multiplication des menaces terroristes. « Il est normal que le président du parlement bénéficie d’une protection, même si on peut contester la fourniture de véhicules blindés à ses adjoints. Le président du parlement est l’un des symboles de l’Etat et il peut être pris pour cible par les groupes terroristes. Dans tous les pays du monde, une partie du budget est consacrée à la sécurité des responsables », pense le député Haytham Al-Hariri.
D’autres députés contestent la confidentialité du budget du parlement. En vertu du règlement, le budget du parlement n’est pas soumis à l’Organisme central des comptes. « Pourquoi le budget du parlement doit-il être confidentiel ? Dans tous les pays du monde, le budget des parlements est déclaré. Il ne faut rien cacher au peuple », affirme Medhat Al-Chérif, député indépendant. Ali Abdel-Aal avait qualifié la filtration du budget du parlement aux médias de « crime » et d’« atteinte à la sécurité de l’Etat ».
Neveu de l’ancien président de la République et président du parti la Réforme et le développement, Anouar Al-Sadate est actuellement interrogé par la comission de discipline du parlement. En effet, Al-Sadate, avait récemment été accusé d’avoir distribué des copies de la récente loi sur les ONG aux ambassades étrangères sans le consentement du parlement.
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