Comme à son habitude, la féministe Nawal Saadaoui ne mâche pas ses mots en s’attaquant aux tabous de la société. Elle écrit dans le quotidien Al-Masry Al-Youm : « La liberté sexuelle accordée à l’homme sans restrictions ni responsabilité envers la femme, la mère et les enfants sous le couvert de l’exception culturelle, des traditions sociales ou des théories biologiques et religieuses ne sont plus convaincantes. La dislocation de la famille et la misère psychologique des femmes et des enfants sont dues à l’autorité absolue de l’homme et à sa liberté sexuelle qui n’ont pas de restrictions juridiques ou morales ».
Saadaoui, psychiatre de métier, ajoute que « dans Al-Ahram du 20 mars dernier, un psychiatre de renommé a répondu à la question de savoir pourquoi les maladies mentales ont augmenté après la révolution en disant : l’Egyptien est civilisé et veille sur son pays depuis le temps des pharaons parce qu’il est croyant. Et ce qui se passe actuellement est que sa culture a été polluée par d’autres cultures décadentes. Cette expression est répétée par les partis religieux en vogue après la révolution. Le mot religion ne veut plus dire la justice, la liberté et la dignité, mais plutôt la violence patriarcale, l’oppression contre les femmes et le droit de l’homme de battre sa femme ».
Elle met le doigt ensuite sur la dualité que vit la société en ces termes : « Les hommes de religion et les médecins vont vers les pays dont la culture est polluée, comme ils disent, pour s’abreuver de sciences et d’arts et pour obtenir des doctorats. Ils importent des vêtements, du pain, des ordinateurs et Twitter, puis ils s’opposent à l’invasion culturelle. La maladie mentale est l’incapacité du cerveau à comprendre les contradictions. Les élites égyptiennes en sont atteintes ».
Ce discours a suscité la rage des courants islamistes qui ont une toute autre approche. Adel Afifi, éditorialiste pour le journal en ligne de tendance islamiste Al-Masriyoune, en donne l’exemple. Après une longue introduction sur le principe de l’égalité de l’homme et de la femme dans les devoirs envers Dieu, il affirme que « les droits de la femme sont devenus une arme aux mains des ennemis de l’islam pour écarter la charia de la vie. Il ressort de la déclaration de l’Onu interdisant les violences contre les femmes que l’Occident veut l’égalité entre l’homme et la femme dans tous les domaines : ce qui est contraire à la religion et à la fonction biologique pour laquelle la femme a été créée ». L’auteur donne ensuite l’exemple de la violence sexuelle. « Les clauses de cette déclaration ne reconnaissent pas les droits de l’homme sur la femme comme il est énoncé dans la charia et permettent à la femme d’accuser son mari de viol ou de harcèlement ». Voilà encore un dossier qui ne sera pas clos de si tôt.
Mais cette semaine, c’est une autre question qui est au centre de la tourmente politique : les médias. Plusieurs courants islamistes ont décidé d’encercler la cité des médias où se trouvent toutes les chaînes de télévision privées pour protester contre ce qu’ils jugent comme « un parti pris des médias contre les islamistes ».
Dans Al-Watan, l’éditorialiste Khaled Montasser revient sur la question. « A chaque fois que les Frères commettent des erreurs, ils cherchent à en faire porter la responsabilité aux médias. Le guide suprême de la confrérie a attaqué dans son prêche les médias. Essam Al-Eriane, cadre de la confrérie, l’a aussi fait via Twitter, en traitant les journalistes de sorciers du pharaon. Il a demandé de leur couper les mains et de les poursuivre. Comme si les médias étaient responsables de la situation économique et des autres maux du pays ! Les médias sont un miroir qui reflète la réalité et ils ne joueront pas le rôle de la Pravda soviétique. Ils ne seront pas une télécommande aux mains du guide de la confrérie », dit-il.
Dans un article paru dans Al-Shorouk et signé par le penseur Fahmi Howeïdi, il est aussi question de la presse, mais sous un autre angle. L’auteur montre comment la presse gouvernementale et la presse privée diffèrent dans le traitement de l’information. « Les journaux gouvernementaux se concentrent sur les projets du gouvernement et ses plans alors que la presse privée se concentre sur les questions politiques et le conflit avec le régime. C’est ce qui donne l’impression que le gouvernement veut nous vendre des rêves pour l’avenir, alors que la presse privée ou d’opposition n’est pas concernée par le présent ou l’avenir. Elle nous vend le cauchemar. Et dans les deux cas, personne n’est préoccupé par le quotidien du citoyen qui aspire à la sécurité et à la stabilité économique ».
Le hic de la semaine c’est le discours du président Mohamad Morsi qui a suscité un délire sur le Web et les réseaux sociaux. Les déclarations du président durant la conférence sur les droits et les libertés de la femme égyptienne et sur les trois doigts qui jouent à l’intérieur de l’Egypte et qu’il a promis de couper ont déclenché une vague de sarcasmes sur les réseaux sociaux.
Les sarcasmes des internautes ont surtout mis l’accent sur les connotations sexuelles de ses déclarations : « Des doigts qui jouent ». Sur la page « Asa7be Sarcasm Society », on pouvait lire en réponse à ce discours sur un ton plus sérieux : « A l’occasion des doigts et des gens qui jouent … Parle-moi du Qatar qui joue avec ses mains et ses pieds … Parle-moi de la chaîne Al-Jazeera Direct Egypt qui peut filmer dans des endroits où nous, les Egyptiens, sommes interdits d’accès. Les Emirats jouent … Les Etats-Unis jouent … Et Israël aussi. Tout le monde joue dans ce pays ».
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