Le harcèlement, une forme
de violence contre la femme très répandue en Egypte
La commission des Nations-Unies sur le statut des femmes a terminé sa 57e session par l’adoption d’une déclaration intitulée « Cessez la violence contre les femmes ». Pays occidentaux et musulmans ont surmonté vendredi leurs profondes divergences pour s’accorder sur cette déclaration de l’Onu, qualifiée d’historique, qui dénonce les violences faites aux femmes et définit un code de conduite pour y mettre un terme.
Les Nations-Unies n’ont pas encore publié la liste intégrale des articles adoptés, ceux qui ont filtré concernent notamment la participation des femmes à la vie politique et à l’économie officielle, ainsi que l’abolition des normes discriminatoires entre les deux sexes.
Pour les pays conservateurs, dont l’Egypte, le message est clair. « La violence contre les femmes et les filles ne peut se justifier par aucune coutume, tradition ou considération religieuse », indique le texte.
Le 4 mars, les gouvernements et plus de 6 000 représentants de la société civile du monde entier s’étaient embarqués pour New York. Les discussions ont duré 12 jours sur les façons de mettre fin aux violences commises contre les femmes et les enfants. A l’issue des deux semaines de négociations entre les 193 Etats membres de l’Onu, un accord a finalement été trouvé.
Cependant, de nombreux désaccords ont rendu les débats houleux. Les pays conservateurs s’opposaient notamment à ce que des relations sexuelles imposées à une femme par son mari ou son compagnon soient considérées comme un viol et contestaient certaines références dans le texte au droit à l’avortement. De leur côté, les pays occidentaux, notamment scandinaves, qui incitaient à l’adoption d’un texte plus poussé, ont fait des concessions sur le chapitre des droits des homosexuelles et des droits sexuels.
« Moyens destructifs »
En Egypte, les Frères musulmans ont estimé vendredi que ce texte conduirait à la « déchéance totale de la société » dans la mesure où des articles ont été inclus « qui contredisent les principes établis de l’islam et sapent la moralité islamique ». Selon eux, le document donne à la société des « moyens destructifs pour porter atteinte à la famille », notamment en accordant aux filles une « totale liberté sexuelle » et en leur donnant accès à des moyens contraceptifs. La confrérie s’élève par ailleurs contre l’idée d’imposer des standards universels pour lutter contre la violence faite aux femmes et aux enfants. Elle se dit opposée à dix points du texte, notamment « l’égalité totale dans la législation du mariage » et « l’annulation de la nécessité de demander l’accord du mari pour voyager, travailler ou utiliser des moyens contraceptifs ». Elle dénonce encore le fait d’« accorder à l’épouse le droit de poursuivre en justice son mari pour viol ou harcèlement sexuel ».
Les débats sur les droits des femmes ont révélé au grand jour le fossé qui sépare les islamistes et les libéraux en Egypte.
« Cette déclaration est un cadeau pour les 40 millions de femmes égyptiennes », s’est réjouie samedi la présidente du Conseil national des femmes, Mervat Al-Tallawy, qui présidait la délégation officielle de l’Egypte. « Les femmes sont les esclaves de notre ère (…), malgré cette déclaration née au forceps, beaucoup reste à faire pour les femmes du Moyen-Orient. La solidarité internationale est nécessaire pour l’émancipation des femmes et leur protection contre la vague réactionnaire qui gagne les pays en développement, particulièrement le Moyen-Orient », a encore ajouté Al-Tallawy, connue pour son hostilité aux islamistes. « L’application de cette déclaration se fera dans le cadre des législations et des lois égyptiennes et prendra en compte les traditions de notre société », a-t-elle toutefois assuré.
La déclaration de 17 pages devra encore être ratifiée par l’Assemblée générale de l’Onu. Bien qu’elle n’ait pas force de loi, elle représente une obligation morale pour les pays qui l’ont signée.
De son côté, le président Mohamad Morsi s’est abstenu de commenter les déclarations de la confrérie. Il a préféré affirmer via un communiqué « l’engagement de l’Egypte à l’émancipation des femmes et à l’arrêt de toutes formes de violence dirigées contre elles ». Toujours selon ce communiqué, dans le cadre de cette stratégie, une nouvelle loi contre le harcèlement sexuel est actuellement à l’étude au Conseil consultatif.
La secrétaire générale du Conseil, Soheir Lotfy, a révélé, de son côté, que le Conseil a terminé de rédiger le projet d’une autre loi sur la lutte contre la violence faite aux femmes, demandé par le premier ministre Hicham Qandil. Reste à savoir si ces textes de loi seront réellement appliqués, dans une société tiraillée entre deux voies à suivre.
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