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Dans les coulisses du marché aux organes

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 13 décembre 2016

Un important réseau de trafic d'organes a été démantelé la semaine dernière. La pauvreté et la non-application de la loi expliquent la propagation en Egypte de cette activité illégale.

Dans les coulisses du marché aux organes
l’Egypte figure parmi les cinq premiers pays en termes de trafic illégal d’organes.

Certains ont simplement besoin de traitement, alors que d’autres sont en manque d’argent, les deux catégories deviennent des cibles pour les membres de cet important « réseau international » arrêtés la semaine dernière dans le gouvernorat de Guiza. Le « plus vaste réseau international de trafic d’organes », comme l’a décrit le communiqué dans les institutions publiques, a été démantelé la semaine dernière dans la région d’Al-Haram, et Guiza. Selon le communiqué de l’Autorité de la lutte contre la corruption, le réseau est composé d’Egyptiens et de res­sortissants d’autres pays arabes qui profitent de la crise économique et proposent aux citoyens des sommes d’argent pour acheter leurs organes. Les victimes de ce trafic sont en grande partie des Egyptiens vivant dans une extrême pauvreté ; alors que les patients qui en profitent arrivent des pays du Golfe et d’Eu­rope pour se faire une greffe dans les centres médicaux égyptiens. Le communiqué précise qu’« au moins 25 personnes, parmi lesquelles des travailleurs dans le secteur de la santé, des intermédiaires, des pro­priétaires de centres médicaux et des professeurs de médecine » ont été arrêtées dans cette affaire. « Des millions de dollars et de lingots d’or » ont été saisis. Des docu­ments, des ordinateurs et des don­nées informatiques concernant le trafic ont été retrouvés, toujours selon le communiqué. Des perquisi­tions ont également été menées dans une dizaine de laboratoires et centres médicaux dont certains opè­rent sans autorisation. Devant le Parquet, les accusés ont reconnu que les organes étaient prélevés à des Egyptiens vivant dans la pau­vreté et revendus à des Arabes du Golfe à des prix dix fois supérieurs. Des intermédiaires étaient utilisés pour conclure ces transactions.

L’Egypte, cinquième pays touché

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), chaque année, des centaines d’Egyptiens pauvres ven­dent leurs organes pour acheter de la nourriture et régler des dettes. Une pratique qui faisait de l’Egypte une région centrale pour le trafic d’or­ganes. Selon les Nations-Unies, l’Egypte figure parmi les cinq pre­miers pays en termes de trafic illégal d’organes. Nihal Fahmi, experte régionale dans le domaine de la lutte contre le trafic des êtres humains au sein des Nations-Unies, précise que deux facteurs sont derrière cette situation, à savoir la pauvreté et l’ab­sence de mesures dissuasives contre les trafiquants d’organes et les méde­cins impliqués dans ce commerce. « L’important ce n’est pas d’avoir une loi, mais de l’appliquer », sou­ligne-t-elle. Le parlement égyptien avait voté une loi en 2010 interdisant le commerce des organes humains, de même que les transplantations entre Egyptiens et étrangers, sauf dans le cas de couples mariés. Cette loi a combattu la position radicale des islamistes qui refusaient catégo­riquement tout don d’organes. « Elle a marqué une avancée dans le domaine médical, parce qu’elle a interdit le trafic, tout en légalisant les greffes qui peuvent sauver des vies », commente Abdel-Hamid Abaza, qui a présidé la commission ayant élaboré cette loi. « Le pro­blème n’est pas la loi mais la fai­blesse du contrôle et de la supervi­sion », insiste-t-il.

L’absence de responsabilité

Pour Nihal Fahmi, le vrai pro­blème c’est « la faiblesse des autori­tés en charge de ce dossier épineux, à savoir le comité qui relève du ministère de la Justice ». « Comment travaille ce comité ? Comment sont élus ses membres ? Pourquoi doit-il dépendre du ministère de la Justice ? », se demande Fahmi, qui estime que ce comité « n’est dans le fond qu’un comité pour la forme, et n’a jamais contribué à la lutte contre ce phénomène ». De son côté, Hosni Hafez, membre de la commission de la santé au sein du parlement, voit autrement la question. Pour lui, le démantèlement de ce vaste réseau est une preuve concrète que la loi est effectivement appliquée ou au moins qu’elle le sera dans la période à venir. Lors d’une récente séance parlementaire, Hafez a appelé à l’amendement de cette loi pour endurcir les peines contre le trafic d’organes. « Pour lutter contre ce phénomène, il faut absolument des peines plus sévères contre les trafi­quants et les médecins impliqués. Ces peines peuvent aller jusqu’à la prison à perpétuité, l’exclusion syn­dicale, la fermeture et le retrait des licences des hôpitaux et labora­toires où sont pratiquées les trans­plantations illégales », propose-t-il. Et d’ajouter : « L’Etat doit aussi sponsoriser des campagnes de sen­sibilisation à la télévision et à la radio, pour prévenir les citoyens contre les dangers de ce trafic et des sanctions qu’il entraîne ».

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