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A Cheikh Zoweid, la vie reprend ses droits

Ahmad Eleiba, Mardi, 13 décembre 2016

Evacués en 2015 de leurs demeures dans le cadre d'une campagne de lutte contre le terrorisme, les habitants de Cheikh Zoweid ont regagné cette semaine leurs maisons, sous haute surveillance.

A Cheikh Zoweid, la vie reprend ses droits
A Cheikh Zoweid, les habitants ont célébré le retour à leurs domiciles, et ont été accueillis dans la joie.

Les forces armées ont relogé, la semaine dernière, un certain nombre de familles à Cheikh Zoweid dans le nord du Sinaï. Ces familles ont dû quitter leurs maisons pendant des mois pour des raisons de sécurité. Selon les observateurs, cette démarche indique une amélioration de la situation sécuritaire dans cette zone considérée comme un foyer du terrorisme depuis 2011. Le porte-parole de l’armée, le général de brigade Mohamad Samir, a affirmé que cette opération de relogement est venue « couronner la réussite » des efforts antiterroristes dans le rétablissement de l’ordre et de la loi dans le nord du Sinaï. Et d’ajouter que la vie commence à prendre son cours normal à Cheikh Zoweid et les zones voisines après des affrontements violents avec les djihadistes. Le porte-parole a ajouté que les forces armées ont pris des mesures sécuritaires très strictes pour mener à bien ce relogement. Des rations alimentaires ont été distribuées aux habitants de cette ville et des soins médicaux leur ont été fournis, toujours selon le même responsable.

Une source ayant participé à l’opération a assuré à l’Hebdo que la sécurisation des sites provisoires où résidaient les habitants dans les villages proches de Cheikh Zoweid a pris un long moment, surtout que les djihadistes avaient déposé des engins explosifs autour de certaines habitations ainsi que dans les rues voisines. « Au village d’Al-Mahdiya, d’où sont issus la plupart des dirigeants de l’organisation djihadiste Ansar Beit Al-Maqdes, dont notamment Chadi Al-Meneï, des explosifs ont été déposés autour des maisons et les habitants ont eu droit à des avertissements contre toute coopération avec les forces de sécurité », précise cette source. Face à ces menaces, les forces armées ont demandé aux habitants d’évacuer leurs habitations. « Ces derniers étaient réticents et craignaient de perdre à jamais leurs logements. Mais finalement l’armée a réussi à mener à bien le relogement des habitants », explique encore la même source.

Accueillis dans la joie

A Cheikh Zoweid, les habitants ont célébré le retour à leurs domiciles, et ont été accueillis dans la joie, dit le porte-parole de l’armée. « Ceux qui sont rentrés appartiennent notamment aux quartiers de Tarabine et d’Abou-Refaï, alors que le village d’Al-Mahdeya est toujours désert. Globalement on peut dire que la situation sécuritaire s’est beaucoup améliorée », témoigne Mohamad Sabri, un habitant de Cheikh Zoweid (voir encadré). Le gouvernorat du Nord-Sinaï a annoncé la réouverture, à Rafah et à Cheikh Zoweid, des coopératives de consommation (supermarchés pour les petites bourses) promettant des réductions de prix des denrées alimentaires. Le général à la retraite Khaled Okacha, qui a servi au Sinaï, estime que l’objectif était de « restructurer » ces villages. « Il n’y avait pas de routes permettant un déplacement efficace des forces de sécurité. Aujourd’hui des routes ont été construites autour et à travers les villages, et des postes de sécurité y ont été aménagés », explique Okacha. Pour lui, le relogement des habitants indique le recul du terrorisme, mais aussi la confiance des services de sécurité de pouvoir assurer la protection des habitants, surtout dans le sud de Cheikh Zoweid. Toujours selon Okacha, l’armée a offert une assistance financière à certains habitants pour les aider à redémarrer. « Ceci a eu pour effet de fidéliser les habitants. De plus en plus de personnes coopèrent avec les forces de sécurité. Les gens ont réalisé que seul l’Etat est capable d’assurer leur sécurité », conclut-il.

« Il s’agit d’indices positifs à plus d’un niveau, d’abord en ce qui concerne la sécurité, mais surtout au niveau des relations entre les forces de l’ordre et les habitants », déclare à l’Hebdo Salah Sallam, membre du Conseil national des droits de l’homme chargé du dossier du Sinaï. Egalement professeur à la faculté de médecine de l’Université du Sinaï, Sallam ajoute que certains habitants relogés avaient été lésés par la destruction des tunnels reliant le Sinaï à la bande de Gaza, et qui représentaient pour eux une source de revenus. Ce qui a poussé de nombreux habitants à collaborer avec les groupuscules terroristes contre des sommes d’argent. « Aujourd’hui, l’Etat accorde des dédommagements aux familles relogées, notamment celles dont les habitations ont été démolies, pour les aider à redémarrer », a-t-il noté. « Les services de sécurité comptaient sur les check-points, fixes ou mobiles, aux alentours des habitations. Aujourd’hui, la stratégie consiste à assurer une présence sécuritaire à l’intérieur même des zones habitées, ce qui signifie un plus grand contrôle sur le terrain, et un plus grand accès à l’information », estime le rédacteur en chef du journal L’Indice du Caire, Ahmad Kamel. Il relève un autre bon signe, à savoir la reprise de la culture des olives, après la destruction de beaucoup de terrains agricoles lors des opérations de ratissage. Selon le général Okacha : « Le mouvement des djihadistes reste fluide, même si le terrorisme a beaucoup régressé. Les opérations terroristes cherchent désormais à attirer l’attention et signaler une présence malgré les frappes sécuritaires. Il s’agit désormais de recourir à des tirs isolés, ou de s’activer dans des zones relativement retirées comme Bir Al-Abd, ou des villes peuplées comme Al-Arich ». « Je crains que l’intensification des frappes antiterroristes à Rafah et Cheikh Zoweid n’amène les éléments terroristes à trouver refuge à Al-Arich, c’est là que la riposte pourrait survenir », craint Mohamad Sabri qui a récemment quitté Al-Arich pour Cheikh Zoweid. Malgré ces craintes légitimes, deux indices sont à retenir, d’abord le recul des opérations terroristes, et l’approche plus professionnelle des forces de sécurité qui recourent de plus en plus aux frappes préventives.

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