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Revue de presse : Quand la police s’est réformée ...

Najet Belhatem, Mardi, 05 mars 2013

Des officiers barbus aux méthodes violentes : la police demeure dans le vif de l’actualité. Elle est accusée d’être encore une fois un outil d'oppression aux mains du régime en place.

Au milieu d’un magma continuel, aux niveaux politique et sécuritaire, quelques officiers barbus trouvent le moyen de faire encore la une. Cette semaine, le journal en ligne Al-Bédaya, pour ne citer que celui-ci, fait parler l’un d’eux à l’occasion du sit-in qu’ils ont organisé devant le siège du ministère de l’Intérieur.

« Ahmad Hamdi, l’un des officiers barbus, a annoncé qu’ils continuaient leur sit-in pour le cinquième jour et ne cesseront de protester que quand le ministère leur aura permis de rejoindre leurs postes. L’officier a affirmé que le seul moyen de calmer leurs protestations est que le président Mohamad Morsi sorte de son silence et nous renie et dise qu’un officier n’a pas le droit de porter la barbe. Et à ce moment-là, nous remettrons tous notre démission ».

Ces déclarations tombent comme un cheveu sur la soupe, au moment où des heurts violents secouent des villes comme Port-Saïd, Ismaïliya, Mansoura ou Le Caire, opposant manifestants et police. Ainsi, le dossier de la police demeure une épine qui commence à gangrener les rouages mêmes de l’Etat. « Cette révolution a pu faire tomber quelques symboles de l’ancien régime et a peut-être réussi à élargir l’espace public de telle sorte qu’on a pu tenir des élections libres. Mais celui qui croit que l’objectif au départ était de tenir des élections libres se trompe. C’est une révolution de droit qui s’est déclenchée le jour de la fête de la police pour insister sur la nécessité de réformer ce secteur », écrit l’historien Khaled Fahmi, dans le quotidien Al-Shorouk.

son article, il revient sur un fait qui remonte à 1861, quand le khédive Saïd pacha a donné l’ordre à tous les chefs de commissariats de police d’emprisonner les détenus pour remplacer les châtiments corporels. « Avant la promulgation de cette décision, la torture tenait une place centrale dans le système judiciaire égyptien. Toutes les lois promulguées au XIXe siècle prônaient la flagellation ou les coups comme châtiments légaux appliqués en public ».

Pourquoi donc le khédive a-t-il pris une telle décision ? Khaled Fahmi répond : « En étudiant plusieurs documents historiques de l’époque, je me suis rendu compte que la torture préoccupait les responsables. La flagellation menait souvent à la mort et les autorités politiques y ont vu une question qui menaçait leur souveraineté. Ainsi, en 1852 a été promulguée une loi qui interdisait les coups et la flagellation sans la présence d’un médecin ».

Selon l’auteur, durant le XIXe siècle, l’Etat a accordé beaucoup d’intérêt à la réforme des prisons qui, au lieu d’être des lieux d’exclusion, sont devenues des lieux de réforme sociale. Sans oublier le développement de la médecine légale qui a pris la place de la torture pour obtenir des aveux.

« Après des années de recherches, je suis arrivé au fait que l’abrogation de la torture a émané de l’intérieur de l’appareil de l’Etat, et précisément de l’appareil de la police qui est arrivé à un haut degré de professionnalisme. Et a procédé à sa propre réforme ».

Et de conclure que « l’Egypte a connu une réelle rechute durant les 30 dernières années avec la systématisation de la torture dans tous les postes de police et sur les lieux de détention ». Le dossier de la torture et de la réforme de la police n’est pas au menu du président Morsi. « Je crois que le choix d’ignorer le dossier de la réforme de la police sera un coup mortel pour le règne de Morsi ».

Dans le journal Al-Dostour, l’auteur Ibrahim Mansour accuse : « Le président Morsi a fait du ministère de l’Intérieur un nouvel outil d’oppression aux mains des Frères musulmans. C’est comme s’il s’était transformé en milices au profit des Frères pour traquer, torturer et tuer les activistes opposants ». Activistes et manifestants sont qualifiés par le régime de baltaguis à la solde de forces obscures, surtout ceux qui s’opposent aux forces de police.

Manifester : quand ?

L’activiste Nawara Negm, qui participe aux manifestations et est souvent présente lors des affrontements, en parle justement dans un article paru dans le quotidien Al-Tahrir. « Les défauts des révolutionnaires c’est qu’ils ne sont pas organisés. Ils ne se mobilisent que lorsque leur fierté est sollicitée via les réseaux sociaux ou quand ils regardent un événement à la télévision. Et il se peut que des passants participent aux heurts, parce qu’ils sont exacerbés par les agissements violents de la police. De quoi rester perplexe quand on veut comprendre les réactions de la rue révolutionnaire. Des fois, vous trouvez des milliers de gens dans la rue jour et nuit au milieu des gaz lacrymogènes. Et d’autres fois, il n’y a qu’un nombre très restreints de manifestants. Ils se mobilisent au moment où vous croyez qu’ils vont camper chez eux et restent inactifs au moment où vous croyez que toute l’Egypte va sortir dans les rues. Ainsi, les forces politiques ont échoué à mobiliser la rue au Caire alors que les heurts font rage à Port-Saïd et à Mansoura. La population du Caire ne réagit tout simplement pas! ».

Le clou de la semaine, côté Web, ce sont des photos prises à Port-Saïd lors des derniers affrontements montrant des militaires et leurs véhicules inondés de bombes de gaz lacrymogène, lancées par la police contre les manifestants. On voit également sur ces photos et vidéos de jeunes manifestants qui tentent de porter secours à des soldats. L’une, qui a fait le tour du Web et des réseaux sociaux, montre un manifestant portant un soldat étouffé par les gaz à bout de bras et courant pour l’éloigner des lieux.

Sur les pages révolutionnaires de Facebook, cette photo a été immédiatement montée à côté d’une autre photo avec un soldat portant un bébé qui a été immortalisé suite à l’entrée de l’armée en scène, après la chute de Moubarak, en protecteur de la révolution. Elle avait comme slogan « L’armée et le peuple : une seule main ». Mais cette fois-ci, pour les deux photos, il y a eu ce commentaire : « Maintenant, nous sommes quittes ».

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