Al-Ahram Hebdo : L’hépatite C est très répandue en Egypte. Vous avez annoncé que d’ici quelques années, il n’y aurait plus d’hépatite en Egypte. Comment ?
Amr Qandil : L’Egypte a réalisé des progrès importants dans la lutte contre l’hépatite C. Depuis janvier 2016, 835 000 personnes ont pu être soignées grâce au Sovaldi. Autrefois, les maladies recevaient une combinaison de deux médicaments, l’Interféron et la Ribavirine, mais les taux de guérison ne dépassaient pas les 40 %, et les effets secondaires étaient très fréquents. Aujourd’hui, avec le Sovaldi, nous avons un taux de guérison de plus de 90 %. C’est la preuve que la campagne lancée par le ministère de la Santé pour faire face à l’hépatite C a bien réussi. D’ici la fin de l’année, un million de patients auront été soignés de l’hépatite. Et nous espérons que d’ici 2020, il n’y aura pas dans ce pays un seul patient porteur du virus. C’est donc une grande victoire contre cette maladie chronique, surtout que l’Egypte est l’un des pays les plus touchés au monde par l’hépatite C. 10 % des adultes sont affectés par le virus de l’hépatite. Celui-ci existe en Egypte depuis les années 1960. Il s’est propagé à travers les objets mal stérilisés. Le virus se transmet par le sang. Nous avons déployé des efforts considérables pour faire face au virus en fournissant aux hôpitaux du matériel médical jetable, et pour stériliser les équipements médicaux pour empêcher la transmission de la maladie. Aujourd’hui, l’expérience égyptienne est un modèle à suivre et on peut dire que nous sommes sur le point d’éradiquer totalement cette maladie. Il faut préciser que la campagne de traitement de l’hépatite C est soutenue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et sa directrice générale, Margaret Chan, a loué les efforts de l’Egypte pour faire face à la maladie. Une conférence internationale s’est tenue récemment en Egypte à l’occasion de la Journée mondiale des maladies hépatiques. Les ministres de la Santé de 22 pays arabes, africains et européens étaient présents. Et tout le monde a loué l’expérience égyptienne pour faire face au virus de l’hépatite C.
— Concrètement, qu’avez-vous fait pour rendre possible le succès de la campagne contre le virus C ?
— Nous avons augmenté le nombre de centres de traitement de l’hépatite. Celui-ci est passé de 53 à 153 répartis sur les 27 gouvernorats. Cela a facilité la tâche pour beaucoup de patients qui, autrefois, étaient obligés de quitter leurs villages pour venir se faire soigner au Caire. Nous avons réduit le prix des médicaments grâce à l’aide de la société pharmaceutique qui fabrique le Sovaldi égyptien. Une boîte de Sovaldi coûtait 1 500 L.E. Elle se vend à présent à un prix beaucoup plus modeste. Il faut savoir que le coût des soins aux Etats-Unis s’élève à environ 70 000 dollars pour chaque patient. Notre programme consiste à soigner chaque année 300 000 patients. Notre but est d’éradiquer totalement la maladie d’ici 2020.
— Mais éradiquer le virus C passe aussi par la prévention et la sensibilisation. Que fait le ministère de la Santé à ce niveau ?
— Nous avons renforcé la campagne de sensibilisation dans les médias audiovisuels pour mettre fin à cette maladie. Parallèlement, un effort a été fait au niveau de la formation des médecins et des infirmières. Le but est d’éliminer les pratiques médicales à risque comme la réutilisation des aiguilles, et autres dispositifs médicaux qui devraient être éliminés après usage. Nous avons distribué des brochures dans les hôpitaux et les centres médicaux, surtout dans les régions rurales à Sohag par exemple. Une campagne de sensibilisation en coopération avec l’OMS a également été mise en place pour que les équipes médicales utilisent des seringues et du matériel stérilisé.
— Le virus C se transmet surtout à travers le sang. Comment peut-on s’assurer que les transfusions sanguines sont sans danger ?
— Il va de soi que les opérations de transfusion sanguines sont soumises à un contrôle strict. La stérilisation des équipements médicaux est obligatoire. Il y a un dépistage systématique pour les donneurs de sang pour savoir s’ils sont porteurs de la maladie.
— Combien a coûté la campagne contre l’hépatite C ?
— Je tiens à souligner que les 800 000 Egyptiens qui ont été traités de l’hépatite C l’ont été gratuitement. Cela a coûté 2,8 milliards de L.E. financés par le gouvernement en collaboration avec le fonds Tahya Masr. Dès 2014, l’Egypte avait intensifié ses efforts pour traiter le virus. Le coût du traitement était 10 500 L.E. par patient. Mais aujourd’hui, ce coût a baissé et se situe autour de 1 500 L.E. Le prix d’une boîte de Sovaldi est de 60 L.E. Le médicament est accessible aux pauvres. Nous sommes actuellement le troisième pays au monde après l’Inde et la Hollande à fabriquer localement le Sovaldi.
— Certains patients se sont plaints pourtant d’avoir attendu longtemps pour obtenir le traitement. Et le médicament n’était disponible que dans les pharmacies affiliées au ministère, et pour un nombre limité de patients. Qu’en dites-vous ?
— C’est vrai qu’auparavant, les patients devaient attendre parfois jusqu’à 3 mois pour accéder au traitement, mais actuellement, ils peuvent y accéder en moins d’une semaine. Le Sovaldi est distribué aux syndicats et aux pharmacies. Une centaine de médecins spécialistes des maladies hépatiques sont responsables de la distribution du médicament. Nous avons demandé aux patients qui désirent se procurer le médicament d’inscrire leurs noms sur Internet. Notons que ce médicament est destiné seulement aux patients de l’hépatite âgés de 17 ans et plus et qui ont une assurance médicale. Ceux qui ne possèdent pas l’assurance médicale sont traités aux frais de l’Etat.
— Certains patients se plaignent que les analyses médicales préalables au traitement coûtent 1 500 L.E. pour chaque patient, ce qui représente un fardeau pour certains citoyens ...
— Les analyses médicales sont nécessaires avant que les malades ne commencent le traitement. Ces analyses sont gratuites pour ceux qui possèdent l’assurance médicale. Ceux qui n’ont pas cette assurance et qui n’ont pas les moyens peuvent présenter une demande écrite au ministère de la Santé, afin de faire ces analyses gratuitement.
— Certains patients affirment que le ministère n’accepte pas les patients dont l’état est avancé. Est-ce vrai ?
— L’Egypte est le pays où la prévalence du VHC est la plus élevée au monde. Si un citoyen a une plainte, il peut présenter une plainte et nous l’examinons. Il existe un protocole de soin clairement établi. Chacun est soigné selon son cas, et nous n’avons plus de liste d’attente. D’ici 2020, le taux d’infection de la maladie ne dépassera pas le 1 %.
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