« L’Egypte n’intervient pas dans les affaires intérieures de l’Ethiopie », a répliqué le ministère des Affaires étrangères.
(Photo : AP)
L’egypte a réagi cette semaine aux accusations d’Addis-Abeba selon lesquelles elle soutient l’opposition armée éthiopienne. Dans un communiqué de presse, le ministère des Affaires étrangères à nié toute implication de l’Egypte dans les affaires internes de l’Ethiopie, affirmant que «
certaines parties cherchent à semer la discorde entre l’Egypte et l’Ethiopie ». «
L’Egypte n’intervient pas dans les affaires intérieures de l’Ethiopie, la politique étrangère égyptienne respecte la souveraineté de l’Ethiopie sur son territoire », a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid. Selon lui, l’ambassadeur d’Egypte à Addis-Abeba, Abou-Bakr Hanafi, a rencontré le ministre éthiopien des Affaires étrangères pour clarifier la position égyptienne. «
La réunion a été une opportunité pour les deux parties de clarifier ce qui a été publié par certains médias éthiopiens », déclare l’ambassadeur Abou-Bakr Hanafi. Ces derniers ont diffusé des images de personnes parlant l’égyptien et affirmant soutenir l’opposition éthiopienne. Mais l’ambassadeur Bakr explique : «
Le dialecte égyptien est répandu dans la région et le fait que quelqu’un le parle ne prouve pas qu’il est égyptien. De plus, ces personnes ne sont pas des responsables du gouvernement ».
L’Ethiopie avait accusé l’Egypte à travers sa télévision officielle de soutenir le groupe d’opposition armé du Front de libération Oromo. Le porte-parole du gouvernement éthiopien, Getachew Reda, a déclaré, lors d’une conférence de presse à Addis-Abeba que son gouvernement détient des preuves que « l’Egypte fournit un soutien financier et logistique aux éléments terroristes afin de déstabiliser l’Ethiopie ». Addis-Abeba mène depuis des années une guerre aux groupes armés de l’opposition du Front de libération Oromo, et du mouvement Ginbot 7. Le premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, a accusé l’Egypte de vouloir créer des problèmes à l’Ethiopie en raison du grand barrage éthiopien sur le Nil, projet jugé néfaste pour l’Egypte qui estime que cela le priverait d’une quantité importante d’eau. L’ambassadeur égyptien en Ethiopie a, quant à lui, été convoqué par le gouvernement éthiopien.
Cette semaine, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a abordé la question lors de son discours à l'occasion de la commémoration de la guerre d’Octobre, organisée par les forces armées. Le président a affirmé que « l’Egypte ne complote pas, et les rumeurs affirmant que l’Egypte soutient l’opposition en Ethiopie sont fausses. Nous insistons sur la paix et la coopération avec les autres pays », a déclaré Sissi. Et d’ajouter : « J’ai dit au parlement éthiopien que l’Egypte a choisi la coopération et non la confrontation. Et ma responsabilité est de poursuivre la politique de coopération et de paix entre les Egyptiens et les Ethiopiens. Provoquer des troubles dans un pays ne relève pas des valeurs et de la politique de l’Egypte ».
Depuis novembre 2015, la population d’Oromo proteste contre le plan d’expansion de la capitale éthiopienne, Addis-Abeba. Les 25 millions d’habitants, soit plus de 39,5 % du pays, souffrent de la répression, comme le dévoile un rapport d’Amnesty International, publié en 2014. Ce rapport met la lumière sur les arrestations de chanteurs, d’écrivains et de poètes sous prétexte qu’ils critiquent le gouvernement. Des centaines ont été arrêtés au cours des fêtes traditionnelles d’Oromo.
Le barrage en arrière-fond
Le projet du barrage de la Renaissance remonte à 2010 lorsque Addis-Abeba avait annoncé sa volonté de construire un barrage sur le Nil Bleu pour générer l’électricité et soutenir ses efforts de développement. L’Egypte, qui dépend à 90 % du Nil pour son approvisionnement en eau potable et son secteur agricole, redoute que le barrage éthiopien n’affecte le débit du fleuve. Après de multiples négociations, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan ont convenu d’engager deux cabinets de conseil européens pour faire l’étude sur l’impact du barrage. Un accord sur l’étude technique a été signé le mois dernier.
Les accusations portées contre l’Egypte auraient-elles un lien avec le barrage de la Renaissance ? Hani Raslan, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime que ces accusations ne sont qu’une tentative du gouvernement éthiopien de justifier les mesures répressives contre les manifestants. Raslan explique que l’Ethiopie n’est pas un Etat unifié. Il est formé de plusieurs groupes ethniques avec des langues et des religions différentes. Le Front d’Oromo est le plus grand groupe. « Ces accusations gâchent les énormes efforts déployés par l’Egypte pour éviter un conflit et instaurer une véritable coopération », souligne Raslan. « En accusant ainsi l’Egypte de soutenir l'opposition, le régime éthiopien prépare le peuple à l’idée que Le Caire est la source de la crise, alors qu’en réalité, l'Egypte n’intervient pas dans les affaires intérieures des autres pays. Ces accusations vont permettre à Addis-Abeba de prendre seul les décisions concernant le barrage, sans consulter les pays concernés ». De même, l’expert stratégique, Anas Al-Qassas, pense que les accusations éthiopiennes sont une manoeuvre visant à « écarter Le Caire des prochaines négociations sur le barrage de la Renaissance ». Et de conclure : « Le rapprochement dans les relations égypto-soudanaises inquiète visiblement l’Ethiopie, d’où ces accusations dirigées contre Le Caire ».
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