La rétrocession des deux îles de Tiran et Sanafir avait soulevé un véritable branle-bas sur la scène politique.
Le Tribunal des affaires urgentes du Caire a suspendu jeudi 29 septembre une décision de justice prononcée en juin dernier et annulant la rétrocession à l’Arabie saoudite des deux îles de Tiran et Sanafir. L’accord de délimitation des frontières, conclu en juin dernier entre l’Egypte et l’Arabie saoudite et en vertu duquel Le Caire a rétrocédé à Riyad les deux îles de la mer Rouge, avait soulevé un vif débat. Ceux qui s’opposent à cette rétrocession la considèrent comme une concession «
inacceptable » à l’Arabie saoudite, contraire à la convention de Londres de 1840 et la délimitation des frontières signée par la Grande-Bretagne et l’Empire ottoman. Mais le gouvernement et les partisans de l’accord soutiennent qu’il s’agit de «
la restitution d’un droit », les deux îles appartenant à l’origine à l’Arabie saoudite et n’ont été placées sous la responsabilité de l’Egypte en 1950 qu’à la demande de Riyad. La rétrocession des îles avait provoqué un déchaînement sur les réseaux sociaux et dans les médias, poussant des milliers de manifestants à protester. L’avocat et ancien candidat aux élections présidentielles, Khaled Ali, avait alors intenté un procès devant la justice administrative, pour contester la validité de l’accord de délimitation des frontières. Et il a réussi à obtenir l’annulation de la rétrocession en juin dernier. Mais un autre avocat, Achraf Farahat, avait contesté le verdict devant la Cour des référés qui a émis son verdict cette semaine.
Le débat est à nouveau relancé. « Le Tribunal des affaires urgentes n’a pas de jurisprudence pour se prononcer sur un tel dossier. Nous allons tout faire pour annuler le verdict de ce tribunal, car selon la Constitution, seule la cour administrative a le droit de se prononcer sur ce genre de questions », commente Khaled Ali. « Le tribunal a usurpé l’autorité du Conseil d’Etat en émettant ce jugement. L’article 190 de la Constitution stipule que le Conseil d’Etat est le seul habilité à statuer sur les litiges entre les citoyens et l’Etat. En plus, les articles 50 et 54 de la loi du Conseil d’Etat annoncent que les tribunaux des référés ne sont pas compétents pour arrêter les verdicts des tribunaux administratifs », commente Khaled Ali.
Une décision relevant de la justice administrative
Le Tribunal des affaires urgentes est chargé théoriquement de statuer sur les affaires urgentes du droit civil et commercial, notamment les questions ayant trait au surendettement et à la faillite. « Les questions administratives ne font théoriquement pas partie de ses prérogatives », explique le juriste Nour Farahat. Et d’ajouter que le tribunal a émis au cours de la récente période plusieurs verdicts à caractère « politique » comme l’interdiction du mouvement Hamas en Egypte, et la levée de l’interdiction d’afficher le nom du président Moubarak dans les rues, les places publiques et les stations de métro. Or, ces questions relèvent de la justice administrative. « Il y a un empiètement clair de la part de la Cour des référés sur les prérogatives de la justice administrative », affirme Farahat. Selon lui, le gouvernement ne peut pas s’appuyer sur ce verdict pour déférer devant le parlement l’accord de démarcation des frontières maritimes. « Les députés ne peuvent pas voter l’accord avant que ce dernier ne soit approuvé par le Conseil d’Etat », souligne Farahat. Un autre juriste, Abdallah Al-Moghazi, appuie l’avis de Farahat. « Ce verdict n’a aucun effet. Il y a une différence entre la justice administrative et la justice ordinaire. La Cour administrative est la seule en mesure de statuer sur une décision du gouvernement. La Cour des affaires urgentes ne fait pas partie de la justice administrative », lâche Al-Moghazi. L’avocat Samir Sabri, souligne, lui, un faux débat. « Peu importe que le tribunal des affaires urgentes se prononce ou non sur la question des îles, car de toutes les manières la Haute Cour administrative doit examiner l’affaire le 8 octobre et c’est elle qui aura le dernier mot », exprime Sabri, qui pense que la rétrocession des îles à l’Arabie saoudite est parfaitement légale. En effet, après le verdict du mois de juin, le gouvernement avait saisi la Haute Cour administrative, qui doit se prononcer sur cette affaire le 8 octobre. La balle est donc à présent dans le camp de la cour qui doit s’exprimer sur deux recours, l’un présenté par Khaled Ali demandant l’application du verdict de la cour administrative et l’autre présenté par le gouvernement demandant l’arrêt de ce verdict. Comme Samir Sabri, l’expert en droit constitutionnel, Shawki Al-Sayed, souligne que « la loi accorde au pouvoir politique l’autorité de prendre ce genre de décisions ». La rétrocession des deux îles de Tiran et Sanafir avait soulevé un véritable branle-bas sur la scène politique. Le journaliste Mahmoud Al-Sakka a été libéré cette semaine sous caution. Il avait été arrêté pour manifestation illégale contre la rétrocession des îles. Achraf Farahat affirme, lui, avoir présenté son recours devant la Cour des référés en tant que « citoyen égyptien » assurant qu’il n’est pas le représentant du gouvernement. « De toutes les manières ce verdict est temporaire, car il faut attendre la décision de la Haute Cour administrative le 8 octobre », conclut-il.
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